Le grain de sable qui vient perturber le plan. (Maria <3)

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i Maria, par la force de l’habitude, savait toujours se montrer agréable et avenante quelles que puissent être les circonstances, même quand la situation ne s’y prêtait pas, même quand elle n’était pas d’humeur, elle avait bien des difficultés à faire illusion ces derniers temps. Son travail, en soi, ne lui déplaisait pas, pas tant parce qu’elle appréciait servir les autres (non, ça c’était plutôt une tâche qui l’incommodait au plus haut point, en réalité), mais parce qu’elle pouvait ainsi épier autrui, recueillir le plus d’informations nécessaires, jouer les fouineuses, décider de ses nouvelles proies. Mais si elle acceptait cette situation, c’était tout de même avant tout parce qu’elle considérait qu’elle était temporaire. Une fois mariée à Obéron, et après avoir hérité de sa fortune quand l’homme aurait malencontreusement passé l’arme à gauche, elle avait bien l’intention de quitter cet endroit et de faire fructifier ces richesses nouvellement acquises. Sauf que les circonstances ne semblaient pas franchement se conformer à son opinion. Elle avait pensé qu’elle l’avait dans la poche, que l’ancien chevalier et elle, c’était du tout cuit, qu’elle n’aurait qu’à claquer des doigts pour voir ses souhaits être exaucés, que la pomme était prête à être cueillie. Apparemment, elle avait eu tort. Car la pomme était mûre, oui, mais une autre voulait mettre la main sur elle, et la concurrence était sérieuse.

Ombeline d’Autice. Celle-là, Maria ne l’avait vraiment pas vu arriver. D’autant qu’Obéron ne lui avait jamais parlé d’elle en quoi que ce soit. Maria n’avait pas de réputation, elle n’avait que son charisme, son machiavélisme, ce qu’il lui restait d’héritage de son précédent mari et une beauté encore bien appréciable en dépit de son âge, mais comment rivaliser avec cette femme de toute fraîcheur, belle comme une fleur, et sans doute aussi redoutable qu’une plante vénéneuse. Ce qu’elle avait, la jeune femme semblait l’avoir aussi, mais en plus grande abondance… Maria n’avait guère l’intention de se laisser faire, elle comptait bien reconquérir le vieux Gabet, par tous les moyens, mais elle reconnaissait tout de même que cette histoire l’avait quelque peu refroidie, et elle avait toutes les peines du monde à garder son charmant sourire aux lèvres à son travail, où une bonne partie de son œuvre reposait pourtant justement sur son sourire. Heureusement, la clientèle n’était pas trop nombreuse pour l’heure, aussi n’avait-elle pas trop la nécessité de feindre. Son sourire, pour autant, fut sincère, quand elle vit Gaspard franchir le seuil de sa porte. S’il y avait bien quelqu’un à qui elle devait parler en cet instant, c’était lui. Et manifestement, tous deux voulaient parler de la même chose.

-Les nouvelles vont vite, observa-t-elle. Non, justement, il ne s’est rien passé, lui répondit-elle dans un profond soupir, qui ne dissimulait pas son agacement. Je ne comprends rien à son attitude. Elle marqua une pause. Tu la connais, toi, cette jeune femme ?

Elle voulait en apprendre plus sur sa rivale, et au plus vite, elle était convaincue que plus elle en saurait sur elle, plus simple il serait pour elle d’évincer cette gêneuse. Elle aussi ne demandait qu’à comprendre ce qui s’était passé. Pour remettre les choses dans l’ordre.

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insi donc, Gaspard la connaissait, cela signifiait donc que la jeune femme ne venait pas exactement de nulle part... même si ça ne justifiait pas pour autant le tournant inattendu qu'avaient pris les choses. Cette femme était la fille du seigneur d'Autice. Cela n'aidait pas grandement la serveuse, il faut bien le dire. Le royaume d'Autice ne lui était pas réellement familier. Au mieux connaissait-elle son existence, mais elle n'avait pour autant pas la moindre idée des personnes qui dominaient ces terres, de leur histoire et de leur influence. Si elle avait su... nul doute qu'elle s'y serait davantage intéressée. Elle comptait le faire maintenant, bien sûr, mais elle ne savait pas réellement si cela serait suffisant pour autant. Ombeline d'Autice était une totale inconnue pour elle il y a quelques semaines à peine, et maintenant, Maria avait le sentiment que le mariage de la jeune femme avec Obéron serait acté en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Quand elle-même avait dépensé tant d'énergie pour ne serait-ce qu'espérer des fiançailles. Elle lui avait consacré du temps, de l'attention... tout ça pour ça. Elle refusait que ses efforts se voient ainsi ruinés. D'autant qu'il n'était pas question que d'elle et de sa future situation sociale et financière. Avec le vieux Gabet, il y avait autre chose qui était entré en jeu. C'était parce qu'elle était parvenue à si bien le manipuler que les chasseurs pouvaient aujourd'hui exister. Elle n'avait pas la moindre envie que le fruit de tous ses efforts soient ainsi piétinés par une simple gamine... Gaspard le disait lui-même, il la connaissait depuis l'enfance, elle devait avoir son âge au mieux ! Et leurs pères étaient amis ! On pourrait la qualifier d'indécente autant que l'on voudra... elle se trouvait toujours moins indécente qu'Obéron pour l'heure. Non, décidément, elle ne le comprenait pas.

-J'avoue que je peine à le comprendre également, reconnut Maria, circonspecte. Tout comme Gaspard, Ena excluait l'hypothèse que la jeune femme puisse réellement s'intéresser à Obéron pour des motifs purement sentimentaux. Que le vieillard se laisse monter la tête par une charmante donzelle dans la fleur de l'âge, et noble qui plus est, c'était pour le moins exaspérant pour Maria mais compréhensible. Mais l'inverse... Elle a forcément quelque chose derrière la tête. Il est impossible que ses intentions à son égard soient pures. Elle marqua une légère pause. Je m'inquiète vraiment pour ton père, Gaspard, j'ai peur qu'il lui arrive malheur. Et elle parlait du ton de celle qui avait espéré l'épouser pour les bonnes raisons quand bien même elle ne s'était pas privée de coucher avec son propre fils. Si son intention est de lui nuire, il faut que nous l'en empêchions.

Et elle tenait vraiment à ce qu'il soit de son côté...

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aria apprécia particulièrement l'attitude de Gaspard, qui savait abonder parfaitement dans son sens en dépit des circonstances. Au vu de la manière dont avait évolué leur relation, elle savait qu'il pourrait très bien douter (et à juste titre, il faut bien le dire) de la pureté de ses intentions et de ses sentiments et privilégier potentiellement sa rivale. Mais il n'en faisait rien. Elle avait même le sentiment que ses larmes de crocodile étaient parvenues à le toucher. Tant mieux, c'était exactement l'effet escompté, quoi qu'elle n'ait besoin de jouer la comédie qu'à moitié pour cette fois, puisque ses craintes et son désarmement étaient effectivement sincères, ils n'avaient seulement pas la même origine que ce qu'elle pouvait bien prétendre. Elle n'était pas inquiète de perdre l'affection d'Obéron parce qu'elle l'aimait en retour mais parce qu'elle avait peur de ne plus avoir la mainmise sur le bel héritage qu'elle espérait obtenir de lui une fois qu'ils seraient mariés et qu'elle l'aurait assassiné. La vie était tout de même cruelle... Et puis, qu'adviendrait-il des chasseurs, avec cette nouvelle situation ? Non, il fallait absolument essayer de faire quelque chose. C'était très important. Elle ne laisserait pas une occasion si belle lui passer sous le nez, pas après y avoir si assidument travaillé, et ce pendant de très nombreuses années. Elle adressa un sourire aussi sincère que complice à Gaspard quand ce dernier lui demanda ce qu'ils pouvaient bien faire. La question était effectivement pertinente, et la serveuse était ravie qu'il la pose. Cela voulait bien signifier qu'elle s'était trouvée un complice dans l'affaire, et c'était absolument ce qu'elle souhaitait : c'était même très important à ses yeux. Seule, elle était certaine que son influence autrefois si grande ne suffirait pas à faire flancher Obéron, elle avait essayé. Mais épaulée par Gaspard, son propre fils, c'était encore autre chose, et elle avait le sentiment que de meilleures cartes, providentielles, s'étaient soudainement glissées dans ses mains.

-Je n'en sais trop rien... répondit-elle sans perdre ce fin sourire qui n'était pas totalement franc, parce que cette situation n'avait absolument rien d'amusante en soi. Je te demanderais bien d'aller directement parler à ton père, mais je suppose que ça n'y changerait pas grand-chose, n'est-ce pas ? En vérité, elle ne le supposait pas, elle en était entièrement certaine. Les rapports entre le père et le fils n'étaient pas entièrement au beau fixe, Maria n'était pas sans l'ignorer, elle n'avait d'ailleurs rien fait pour arranger les choses à ce sujet. Peut-être pourrais-tu essayer de séduire Ombeline d'Autice ? Tenter de sonder ses sentiments ?

Ainsi, si elle se laissait prendre au piège, Obéron ne pourrait que reconnaître qu'elle se servait de lui (même si Maria pouvait parler de ce point de vue-là). Mais ce plan avait des failles conséquentes que la serveuse n'était pas encore capable de voir.

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aria se contenta de hausser les épaules quand Gaspard lui demanda si elle pensait vraiment que séduire la jeune Ombeline d’Autice allait suffire. A dire vrai, elle était loin d’en être certaine, au vu de l’avance phénoménal qu’elle avait su prendre sur elle alors que la serveuse n’avait absolument pas entendu parler d’elle il y a à peine quelques semaines de cela. Elle avait la dent dure, manifestement, de l’ambition, et elle n’était sans doute pas de nature à se laisser duper par Gaspard. Que Maria s’amuse un peu avec le jeune homme était autre chose, elle savait pertinemment que cela n’aurait pas de répercussion sur sa relation avec Obéron, mais si Ombeline s’amusait aux mêmes jeux…. Mais quelque part, Gaspard avait sans doute quelque chose pour plaire à cette jeune femme de peu de scrupules… car au fond, Maria devrait peut-être reconnaître que, par certains aspects, toutes les deux se ressemblaient quand même assez, et Obéron avait manifestement un faible pour les femmes qui ne s’intéressaient à lui qui pour servir leurs intérêts. En même temps, il fallait s’y attendre, sans doute. Cet homme était crédule, ce n’était pas pour rien que Maria avait su qu’elle pourrait initier le mouvement des chasseurs par son intermédiaire. Les chasseurs… une raison de plus de ne pas perdre toute son influence sur Obéron. Ce fut alors que le chevalier posa la question qui fâche, celle que la serveuse n’avait pas spécialement voulu entendre mais qu’elle s’était posée aussi, quand bien même elle trouvait cela passablement vexant pour elle. Elle avait beau jouer les pauvres femmes délaissées en présence de Gaspard pour s’attirer la faiblesse de ce dernier, le fait est qu’Obéron lui avait témoigné à plus d’une reprise une affection qui dépassait de très loin la simple attirance… Mais Ombeline d’Autice avait des atouts que Maria devait bien reconnaître ne pas posséder (et encore, elle ne savait pas tout), en ce sens, elle était dépassée, mais elle ne crierait pas à la défaite tant que la ligne d’arrivée n’aurait pas été franchie. Pour l’heure, Obéron n’était pas encore marié, alors rien n’était joué, même si on ne lui avait pas forcément distribué les meilleures cartes. Parfois, le bluff pouvait avoir du bon.

-Oh non, je ne pense pas qu’il soit amoureux d’elle, assura Maria d’un ton qui ne laissait transparaître aucun doute, quand bien même elle en éprouvait bien plus que ce qu’elle acceptait bien de prétendre. Il aime… sa jeunesse, tout au mieux. Il doit se sentir flatté de susciter l’intérêt de cette jeune femme. Elle a ce que je n’ai pas. Jeune, pure…, elle se prétend sûrement vierge. Difficile de rivaliser. Elle marqua une légère pause. Mais je ne compte pas renoncer à ton père, Gaspard. Je sais qu’il n’a pas toujours été… attentionné, avec moi, mais lui et sa famille, c’est ce qui m’est arrivé de mieux. Je ne la laisserai pas me prendre ça.

Bien sûr, elle en faisait des tonnes, mais elle espérait de la sorte émouvoir son interlocuteur. Et elle pensait ne pas trop mal s’en tirer.

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aria savait qu'elle pouvait se montrer très convaincante quand elle le voulait. En même temps, il n'était pas rare qu'elle fasse usage de son pouvoir de persuasion pour obtenir ce qu'elle voulait. C'était grâce à ce pouvoir qu'elle avait su séduire Obéron, et c'était grâce à lui également que le groupe des chasseurs avait vu le jour. Maria avait usé de ce même pouvoir pour s'attirer les faveurs de Gaspard, d'ailleurs, et elle recommençait. Au fond, la serveuse n'avait aucun droit de s'apitoyer ou de se plaindre. En quel nom s'agacerait-elle, d'ailleurs, du fait qu'Obéron lorgnait sur une autre femme alors qu'elle-même l'avait trompé avec son propre fils, mais là résidait une grande partie de son talent, elle arrivait à uustifier ses actes les plus horribles, quitte à jouer les innocentes avec les plus au courant de ses "crimes". Elle était convaincue que Gaspard compatissait sincèrement à son sort, quand bien même elle le trompait sur ses réelles motivations. Perdre l'amour d'un vieux crouton, ça lui était sincèrement égal, vraiment, perdre la fortune qui lui était promise et l'influence qu'elle devait y gagner, c'était une toute autre chose, par contre, et là, ça lui causait un véritable souci. D'une manière ou d'une autre, elle fallait qu'elle regagne le coeur du père Gabet, il fallait qu'elle éloigne l'héritière d'Autice de son sillage, il fallait qu'elle s'en tire, que toutes ces années passée dans le giron de l'ancien chevalier de la table ronde n'aient pas servi à rien. Elle refusait que les choses lui échappent, elle refusait que la situation dégénère et vire à son désavantage. D'une manière ou d'une autre, il fallait qu'elle s'en sorte, qu'elle tire le meilleur parti d'une situation désastreuse. Mais pour cela, elle avait besoin du soutien plein et entier de son interlocuteur. Sans la complicité de personne, par elle-même, elle avait malheureusement conscience qu'elle n'arriverait à rien, tout simplement. Ce fut le plus charmant des sourires que Maria adressa une réponse favorable à sa requête. Certes, la serveuse savait très bien que Gaspard y consentissait à contrecoeur (et elle préférait cela, d'ailleurs), mais ça lui allait très bien malgré tout.

-Merci beaucoup, répondit-elle avec douceur et une reconnaissance qu'elle ne devait feindre qu'à moitié. Elle serra sa main dans la sienne par-delà le comptoir, un geste qui pouvait passer pour simple, en soi, mais qui devait être plus équivoque qu'il n'y paraissait pour les principaux intéressés. Tu n'imagines pas à quel point cela compte pour moi.

Bien sûr, elle en rajoutait, elle le prenait pas les sentiments, mais en même temps, c'était sa méthode préférée, réellement. Une méthode qui, très souvent, portait d'excellents fruits.

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aria était stratège de nature, elle s’assurait d’ordinaire d’avoir plusieurs coups d’avance sur ses adversaires, et même, elle s’arrangeait pour que ses adversaires n’aient pas conscience du fait qu’ils en étaient. Mais ça ne fonctionnait de toute évidence pas à tous les coups. En l’occurrence, c’était elle qui n’avait pas vu le coup venir, c’était elle qui n’avait pas su reconnaître son adversaire, et pour cause, ce dernier était arrivé de nulle part et avait fait une entrée plus que fulgurante dans sa vie, lui retirant tout ce qu’elle avait considéré lui appartenir. Gaspard osait encore penser qu’ils trouveraient une solution, Maria voulait le croire aussi, mais en réalité, elle était loin d’être aussi confiante et sereine que d’ordinaire à ce sujet. La meilleure manière de confondre un ennemi, c’est de le comprendre, et Ombeline d’Autice ainsi que ses motivations étaient un véritable mystère pour elle, tout comme le retournement de situation actuel, le comportement d’Obéron à son égard, en était un autre. Elle était sincèrement dépassée par cela. Espérer que la jeune femme se laisse séduire par le fils de son prétendant, c’était un peu la dernière corde qu’elle voyait à son arc, mais elle était loin de s’imaginer que ce serait si simple, c’est même tout l’inverse. Ombeline verrait sûrement venir le piège, la supercherie, et pour la peine ne se laisserait pas distraire. C’était malheureusement fort possible, elle devait en tout cas l’envisager, que ça lui plaise ou non. Et dans ce cas, elle ne saurait pas à quelle autre stratégie se rattacher afin d’obtenir pour de bon gain de cause. Elle esquissa un fin sourire quand il affirma qu’il s’était donné beaucoup de mal pour supporter son père. Elle prenait sa réflexion au second degré, parce qu’elle pensait avoir bien joué son rôle, il n’empêche qu’elle était sûre et certaine du fait qu’il ne se doutait du rien. Il n’empêche qu’il avait raison, elle avait pris sur elle pour le supporter. Elle ne voulait pas que ça ait été en vain à ce point.

-Je sais que je n’ai jamais arrêté de me plaindre de ton père, dit-elle tout de même pour donner le change, avec ce qui lui paraissait être pile la pointe d’émotion nécessaire pour rendre crédible son discours. Je sais aussi que je n’ai pas toujours été… droite, avec lui. Et elle n’avait pas besoin de se montrer plus précise à ce sujet, parce que s’il y avait bien quelqu’un de bien placé pour savoir qu’elle n’avait pas été un exemple de fidélité envers celui qu’elle avait considéré comme son fiancé, et qui semblait maintenant proche de s’engager avec une autre. Elle osait, oui, prétendre voir ses sentiments bafoués quand elle avait trompé Obéron avec son propre fils, elle n’avait même que très peu de scrupules à ce sujet, en réalité. Mais j’aime ton père, je l’aime sincèrement, et là je… Sa voix trembla légèrement, elle était une bonne actrice, quand elle le vouait. Et elle le voulait souvent. Je ne sais pas ce que je vais devenir, maintenant.

Et ça, par contre, c’était la vérité.

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pparemment, son petit jeu d'actrice avait fonctionné à la perfection et avait attiré la sympathie et la compassion de Gaspard, c'était toujours mieux que rien. Oh, ça ne changeait rien au fait que la situation prenait une tournure incontrôlable au point que la jeune femme ne savait trop ce qu'il fallait qu'elle fasse, mais ça ne lui faisait pas de mal, en ces circonstances, de pouvoir bénéficier de la présence de Gaspard. Elle avait besoin de passer pour la victime qu'elle considérait bel et bien être, parce qu'elle avait été flouée, parce qu'elle se sentait humiliée par cette petite jeunette venue de nulle part et qui lui volait la vedette alors qu'elle n'avait que trop travaillé pour obtenir cette fichue alliance qui lui était dérobée à l'heure où elle était convaincue qu'on la lui passerait au doigt. Si elle s'écoutait, elle se consolerait dans l'instant auprès de Gaspard, ne serait-ce que pour compenser un peu sa frustration, mais c ne serait pas une bonne idée, ce ne serait pas assez tenir son rôle. Pour le moment, il fallait surtout que Gaspard la sache mortifiée et se range de son côté plutôt que de celui de son père et de l'arriviste d'Autice.

De cette manière, qui sait, elle parviendrait peut-être à inverser la tendance. Elle en doutait un peu, mais sait-on jamais, après tout. Elle n'avait pas dit son dernier mot dans tous les cas. Maria était une femme d'ambition, et elle ne comptait pas seulement baisser les bras et revenir à la case départ, à perdre son temps dans ce fichu bouge, à servir des habitués qui n'avaient plus aucun ragot intéressant à lui divulguer. Elle avait des envies, des ambitions, des projets, et elle ne moisirait pas ainsi. S'il fallait qu'elle passe par un autre que par ce vieillard d'Obéron, eh bien tant pis... ou alors tant mieux, en fait, car Obéron n'avait clairement pas été très réactifs. D'autres hommes se montreraient sans doute bien moins réticents à lui passer la bague au doigt. Quant aux chasseurs... à ce sujet non plus, elle n'avait pas encore dit son dernier mot, même si elle ne savait pas encore de quelle manière elle allait s'y prendre exactement.

-Je l'espère, répondit-elle d'une voix émue quand Gaspard affirma qu'ils allaient trouver une solution. Elle appréciait son dévouement et ses intentions, et elle espérait que cela arrive. Au moins, elle savait qu'elle pourrait compter sur allié de poids pour les éventuels stratagèmes qu'elle mettrait en place. En soi ce n'était pas rien. J'ai de la chance de t'avoir, ajouta-t-elle avec douceur. Si tu n'étais pas là, je ne sais vraiment pas ce qu'il adviendrait de moi à présent. Oh, elle ne le savait toujours pas, mais au moins, il était présent. Je te dois énormément.

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u fond, Maria était de l'avis de Gaspard, elle ne pensait pas lui devoir quoi que ce soit, parce qu'elle ne pensait pas devoir quoi que ce soit à qui que ce soit. Elle s'en était toujours mieux sortie en menant seule sa barque et en se servant au passage des gens autour d'elle, et si les récents événements devaient lui avoir appris quelque chose, c'est qu'elle se devait de poursuivre sur cette lancée. Compter ne serait-ce qu'un peu trop sur les autres, c'était prendre beaucoup trop de risques. Elle avait fond beaucoup trop de ses projets sur sa relation avec Obéron, et on voyait le résultat, il était important qu'elle se rattrape maintenant. Ceci dit, elle savait qu'elle ne pouvait pas non plus négliger les personnes autour d'elle, car l'on ne pouvait bien évidemment pas compter seulement sur soi-même et espérer aller loin de cette manière. Les autres pouvaient être des armes puissantes, il fallait seulement parvenir à les utiliser de la bonne manière voilà tout, et à ce titre, Maria était tout de même soulagée d'avoir su garder le fils après avoir perdu le père. Si elle parvenait à garder un minimum d'influence sur Gaspard, elle n'aurait peut-être pas tout perdu dans cette sinistre affaire. Même si elle ne pouvait pas se leurrer non plus, elle avait tout de même beaucoup perdu. Bon, bien sûr, elle pouvait encore espérer qu'Obéron lui revienne, que Gaspard parvienne à séduire la jeune Ombeline d'Autice et saborde les prémisses de leur relation, mais il fallait savoir garder un brin de lucidité si l'on ne voulait pas être déçu, et ça, c'était une chose que la serveuse n'oubliait pas. En tous les cas, la promesse que Gaspard lui faisait de ne pas la laisser tomber lui faisait tout de même du bien. Son ego avait bien besoin de ce genre de propos en ce moment.

-Quel dommage que je sois si vieille, répondit-elle dans un fin sourire mêlé d'un soupir. Oh, Maria était loin de se considérer comme une vieille croulante, elle était convaincue d'avoir de très nombreuses ressources, même si elle était bien loin d'avoir vingt ans encore, mais elle restait aussi lucide que la situation pouvait l'exiger. Je t'aurais épousé sur-le-champ, plaisanta-t-elle en souriant.

Elle ne parlait pas sérieusement, parce qu'il était évident que si s'attaquer au père avait eu de l'intérêt d'un point de vue aussi bien financier que d'influence, elle ne pouvait espérer tirer de Gaspard qu'un plaisir purement sexuel, tout comme elle savait bien que Gaspard devait avoir plus d'une prétendante bien plus "fraîche" qu'elle à se mettre sous la main. Mais c'était là une manière de le complimenter à sa manière... avec ce qu'il fallait d'ambiguité. Car elle aimait l'idée que leur relation le demeure. Ambiguë.

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aria comme Gaspard pourraient difficilement nier que leur relation était... pour le moins ambiguë, et c'était au demeurant ce qui en faisait le seul et l'intérêt, d'autant que si cette ambiguïté pourrait peut-être se taire en lassitude, ce ne serait en revanche pas en accomplissement. Le petit jeu était certes plus amusant et dangereux quand Obéron faisait encore partie du tableau, mais il n'empêche que la serveuse appréciait de pouvoir encore jouer un peu, et surtout, que Gaspard la suive. Ne serait-ce que parce que ça la confortait dans son pouvoir de séduction, et elle avait bien besoin de cela dernièrement, à l'heure où il lui arrivait par instants, par la force des choses, d'en douter bel et bien. Elle apprécia donc grandement la réponse du jeune homme, qui n'oubliait pas de se montrer aussi équivoque qu'elle. Oh ça, elle en était convaincue. S'il avait été question de mariage entre eux, jamais il ne l'aurait fait mariner autant que ne l'avait fait son géniteur. Mais bien sûr, non, l'éventualité du moindre mariage entre eux était simplement prétexte à amusement, il n'y avait rien de sérieux derrière ces propos, et ne pas les prendre au sérieux pour une fois faisait du bien, au passage. Ce n'était pas spécialement ce qui allait faire progresses ses affaires, à présent mal en point, mais quoi qu'il en soit, elle appréciait de pouvoir avoir ce genre de conversation avec Gaspard dans cette situation, cela lui prouvait que l'homme qui avait bien failli être son beau-fils se rangeait de son côté. Maria se permit même de rire quand son interlocuteur affirma qu'il ne devait pas être simple d'avoir Obéron comme beau-père. Cette perspective avait de quoi l'amuser, c'est certain. Ce serait proprement ridicule.

-Ce serait sans doute bien pire, en effet, voulut-elle bien reconnaître avec un fin sourire aux lèvres. Au moins, dans l'état où étaient les choses, j'avais parfois l'impression de compter pour lui.

Bien sûr, elle en rajoutait une fois de plus intentionnellement, mais même si elle se plaisait au petit jeu auquel elle et Gaspard étaient de grands joueurs, elle voulait ne pas faire oublier que Obéron Gabet avait compté pour elle. Ce qui était quelque part le cas, mais certainement pas dans le sens que Gaspard pouvait imaginer, pas celui qu'elle voulait imaginer en tout cas. Elle pleurait bien plus sa fortune que sa personne ou son affection, et s'agaçait de devoir recommencer depuis le début avec un autre homme. Comme si elle pouvait avoir encore à ce point de temps à perdre.

-Je ne devrais pas le dire... mais il va tout de même me manquer.

Elle ne voulait pas le dire, surtout, mais après tout, si elle devait paraître plus vulnérable qu'elle ne l'était, c'était ici et maintenant, alors elle n'allait pas s'en priver.

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aria savait qu'elle jouait bien son jeu, mais il était toujours agréable de le constater en situation, comme c'était le cas à présent, puisque Gaspard semblait complètement avaler ses bobards et ne pas les remettre une seule seconde en question. Le contraire ne serait pas compréhensible... et pourtant, c'était le contraire, qui était vrai. Obéron ne lui manquait pas du tout. Au contraire, s'il y avait bien une chose de bien dans cette situation, c'était qu'elle n'avait plus à supporter le regard pervers et lubrique de cet abruti. En revanche, sa fortune, sa délicieuse fortune, allait cruellement lui manquer, cela va sans dire. Elle allait retomber sur ses pattes, elle le faisait toujours. Mais force lui était d'admettre qu'elle tombait de très haut, là, et donc la chute était tout de même plus douloureuse que 'ordinaire, il fallait bien l'admettre. Elle le savait, chercher à récupérer Obéron ne servirait sans doute à rien, mais elle ne comptait pas renoncer à ce qu'elle avait construit avec lui, certainement pas. Autant dire qu'il en était même tout à fait hors de question. Maria savait qu'avec le soutien aveugle (et aveugle, il fallait qu'il le soit, ce qui l'arrangeait vraiment bien, en l'occurrence) de Gaspard, elle n'avait pas tout perdu. Maintenant, il fallait espérer tout autant qu'elle le conserve. Elle ne présumait plus rien de ce qu'elle était capable de gagner ou de perdre. Elle avait cru maîtriser parfaitement la situation. Et là, elle devait tout reprendre de zéro, ce n'était pas bien malin. Elle esquissa un fin sourire et décida de ne rien dire de plus. En dire davantage pourrait bien revenir à perdre en crédibilité. Elle était sur une corde raide, et il fallait qu'elle gère du mieux possible ce petit numéro d'équilibriste, attentif.

-Allez, assez parlé de moi, je t'ai suffisamment ennuyé avec mes histoires. Elle était convaincue du fait qu'il affirmerait qu'elle ne l'ennuyait jamais. Elle le reconnaîtrait bien là, en tout cas, mais elle ne comptait pas lui laisser le temps de dire quoi que ce soit. Elle embraya directement, sur un sujet qui pourrait être aussi intéressant. Parle-moi un peu de toi, affirma-t-elle dans un sourire. De tes amours, par exemple ?

Parce qu'il devait y en avoir, non ? Gaspard était beau, jeune, fringant, il avait de quoi plaire à n'importe qui, et il avait vraiment l'âge de se laisser tourner la tête par une jolie donzelle. Maria devait bien avouer qu'elle ne serait pas complètement ravie de voir son... jouet lui échapper, mais en même temps, elle était curieuse, et la moindre information qu'il pourrait donner sur lui pourrait bien l'intéresser ou lui servir. Elle ne perdait pas le nord, elle trouvait toujours matière à manipuler son monde, c'était tout simplement comme ça.

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aria ne savait pas si elle avait vraiment envie de s'intéresser aux amours de son interlocuteur, mais il serait de toute façon plus distrayant d'évoquer sa vie sentimentale à lui que de s'appesantir sur la sienne (si tant est que l'on puisse réellement parler de "vie sentimentale" en ce qui la concernait, ce dont la serveuse doutait fortement). La serveuse restait malgré tout curieuse, et elle estimait qu'il était important qu'elle s'intéresse à la vie de Gaspard... comme elle devrait s'intéresser de très près à la vie de n'importe quel chasseur, également, car ils étaient sous sa vigilance, à présent, et la vie personnelle avait de l'importance dans ce genre de cas de figure. Encore fallait-il que le chevalier de la table ronde ait quoi que ce soit à dire à ce sujet. Pour commencer, elle crut que Gaspard n'avait effectivement rien de spécial à raconter, qu'il poursuivait au même rythme que d'ordinaire, c'est à dire qu'il se contentait d'attirer dans son lit les jeune femmes (ou les plus âgées, hein) qui se laissaient séduire sans songer à passer à l'étape supérieure, qui impliquait un mariage que l'on devait sans doute attendre de plus en plus de se marier. Le temps filait, et même s'il restait un jeune homme plein de ressources, il n'allait sans doute pas falloir longtemps avant que ces ressources ne soient partagées en justes noces.

Mais elle comprit bien vite que la situation était plus complexe que cela, car Gaspard ajouta un "C'est compliqué" lourd de sens. Ce n'était pas là le genre de phrases que l'on prononçait à la légère, loin de là. Si c'était compliqué, c'est qu'il se passait bel et bien quelque chose d'inédit dans la vie sentimentale de Gaspard, et forcément, cela ne manquait pas de l'intéresser terriblement. Elle était d'autant plus curieuse, à vrai dire, que Gaspard se dérobait à la moindre explication en se dissimulant derrière ce que Maria ne pouvait que considérer comme étant de basses et fausses excuses. Certes, elle était du même avis que lui : il était important de se consacrer aux chasseurs (surtout aux chasseurs) et à son rôle de chevalier dans une certaine mesure. Mais cela n'empêchait en aucun cas la moindre aventure sentimentale. Quoi qu'il en soit, qu'il le veuille ou non, il y avait bien quelqu'un dans l'esprit de Gaspard. Et donc, elle avait envie de savoir de qui il pouvait bien s'agir.

-Ne t'invente pas d'excuse, plaisanta Maria, bien décidée à tirer les vers du nez de son interlocuteur. Dis-moi plutôt comment elle s'appelle.

Son nom pour commencer, puis le reste des informations ensuite. Dans tous les cas, elle sentait bien qu'il y avait anguille sous roche, et elle brûlait réellement d'en découvrir davantage.

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C'

est bien souvent lorsque l'on estime qu'une chose n'est pas importante qu'elle se révèle l'être en réalité. En tout cas, quand Gaspard affirmait que tout ceci n'avait pas d'importance, la serveuse entendait plutôt qu'il ne fallait pas que ça en ait, mais que c'était le cas malgré tout. Dans le cas contraire, ils n'auraient pas cette conversation, dans le cas contraire, Maria ne chercherait même pas à lui tirer les vers du nez, elle aurait bien vite compris que son jeune interlocuteur n'avait rien à lui apprendre, du moins à ce sujet. Mais si. Il y avait bel et bien une femme, une femme suffisamment importante pour visiblement mettre les sentiments du jeune chevalier sens dessus dessous, constat un peu frustrant pour Maria, à vrai dire. Non pas qu'elle éprouve quoi que ce soit qui s'apparente à de la jalousie (il aurait fallu pour cela qu'elle cultive le moindre sentiment pour Gaspard, et il n'y avait rien de tel en son coeur, ni pour lui ni pour personne - à se demander si elle était seulement capable d'aimer), loin de là, mais il était plaisant, quelque part, de se dire qu'elle avait le jeune homme sous le coude... au cas où. Elle perdrait forcément un peu de l'influence qu'elle avait su gagner sur lui si une autre femme entrait dans la danse. Mais enfin, c'était ainsi, et quelque part, c'était inévitable. C'était de son âge que de goûter aux élans du sentiment amoureux, pour le meilleur comme le pire, d'ailleurs, car l'expérience avait parfois un goût amer. Et quelque chose disait à Maria que le jeune homme avait testé l'amertume en question avant même d'avoir goûté à un fruit peut-être défendu.

Qui avait donc un nom, un nom qui en lui-même n'éveillait rien de particulier dans l'esprit de la serveuse. Si elle avait déjà croisé le chemin de cette Azilis, cela n'avait pas dû la marquer outre mesure... Il est certain qu'elle y aurait prêté une oreille plus attentive si elle avait su que cette dernière avait su capturer le coeur du beau Gaspard. Donc, elle avait un nom. Mais un nom, à lui seul, ce n'était pas suffisant, et bien évidemment, la curieuse Maria voulait en savoir davantage. De toute évidence, il ne s'agissait ni d'une amourette innocente, ni d'une idylle consommée... Alors de quoi était-il question. Qu'est-ce qui faisait obstacle entre cette femme et ses sentiments pour que le jeune homme se retrouve attablé au comptoir de la taverne, à en discuter avec elle, prétextant que ce n'était pas important d'un ton qui n'avait aucune chance de la convaincre.

-Et donc ? Quel est le problème avec cette jeune femme, exactement ?

Car il y avait forcément un problème. Et au fond, Maria aimait bien ça, les problèmes.

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