La famille qui nous choisit et celle que l'on subit [pv Keu]

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organe avait pris pour prétexte une mission prolongée de son époux et la présence de son fils à Camelot (le fils officiel, du moins, donc celui dont elle se moquait le plus) pour y rester davantage. Même si, plus le temps passait, moins la demi-soeur du roi ne prenait la peine de justifier ses allers et venues au château de Camelot. Elle faisait les choses à sa guise, avec toujours le plus malin plaisir à incommoder le roi. D'un point de vue stratégique, il était évident qu'elle avait tout intérêt à être ici plutôt qu'à Gorre, où était pourtant sa place.

Pas seulement pour incommoder Arthur, mais parce que Camelot était décidément le centre névralgique de tout ce qui se tramait, de toutes les manigances qui s'ourdissaient sous les yeux aveugles du monarque. Pour être aux premières loges, mais aussi pour venir y mettre son grain de sel. Et aussi, du côté de Camelot, elle avait davantage de chances de passer du temps avec Mordred. Si elle s'écoutait, elle abuserait d'ailleurs du temps qu'elle parvenait à lui consacrer, mais il fallait qu'elle soit prudente. Le jeu se mettait en place, petit un petit, maintenant que la partie s'engageaient, il n'était plus temps de s'éparpiller. A peine temps de jouer encore. En fait, elle attendait surtout de récolter ce qu'elle avait semé, même s'il fallait encore un minimum de patience pour cela. Un exercice à l'encontre de sa nature, mais auquel elle commençait à doucement, et sûrement, s'habituer.

Elle venait de s'entretenir avec Arthur. Enfin, "s'entretenir"... "tourmenter Arthur" serait une formule plus exacte, mais qu'importe, elle s'apprêtait à rejoindre ses appartements, sans savoir si elle y trouverait Urien ou non. Ce fut là qu'elle croisa le frère. Le faux frère. Keu. Morgane était convaincue qu'il pouvait jouer un rôle dans les événements à venir, malheureusement, elle redoutait que ce rôle ne soit pas en faveur. Encore qu'elle n'estimait pas que tout était encore fait, raison pour laquelle elle continuait de s'adresser avec déférence à cet homme, quand bien même elle se doutait qu'il ne la portait absolument dans son coeur. Pour d'excellentes raisons, évidemment. Mais qu'elle rejetait en bloc malgré tout.

-Keu, quel plaisir de vous trouver ici, prétendit-elle en dissimulant à peine son hypocrisie. Et pour cause, elle ne pouvait faire entièrement mine d'ignorer l'animosité d'autrui.

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[size=13]ironie avait toujours plus d'intérêt quand elle était employée à l'égard de ceux qui la cernaient d'office et ne se laissaient pas abuser par ses ronds de jambe forcément hypocrites. Il y en avait quelques-uns, comme cela. Arthur, bien sûr, son cher et tendre mari également, ça va de soi... et Keu de même. Ils avaient beau avoir grandi et évolué dans des sphères et selon des codes très différents, le fait est que Keu, contrairement à ce que Morgane aurait bien aimé vouloir croire, n'était pas le dernier des abrutis. Non, il avait une certaine intelligence.

Le genre d'intelligence humaine qui s'épargne la culture au profit de la nature humaine, dont il a pu constater toutes les dérives. Elle n'a jamais su duper ou séduire Keu. Elle l'aurait bien voulu. Pas parce qu'il l'attirait mais parce que sa défiance aurait ainsi pu se laisser endormir. Mais qu'importe. Elle aimait autant détester les uns que prétendre aimer les autres. Alors ce petit jeu ne la dérangeait pas outre mesure. Même si elle y prenait moins de plaisir que quand elle se retrouvait en compagnie de son demi-frère. Ceci dit, il fallait bien faire avec cette situation, il fallait réussir à l'accepter, d'une façon ou d'une autre.

-Pourquoi donc ? Aurais-je des raisons de vous déplaire ? Auriez-vous des raisons de devenir mon ennemi ? répliqua-t-elle, toujours aussi ironique, bien décidée à continuer son petit jeu quand bien même son interlocuteur n'était pas dupe. Cela lui était égal. Puisque leurs échanges ne pouvaient en rien être cordiaux, autant s'en amuser un maximum. Si cela était vraiment possible. J'espère que non. Nous gagnerions bien plus à nous entendre qu'à nous disputer une guerre inutile. Elle le jaugea un instant du regard. Que vous perdriez forcément.

C'était rien de le dire, selon elle. Bien évidemment, elle sous-estimait clairement son interlocuteur. Mais c'était l'apanage de Morgane que de se croire au-dessus de tout et de tout le monde. Elle en avait fait son quotidien, elle ne savait pas faire autrement. Si ce n'est bien évidemment en présence de Mordred, qui était devenu, par la force des choses, son exception à tout. Sans qu'elle s'y attende, mais avec bonheur.

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organe afficha un sourire quand son interlocuteur la qualifia d'aussi belle que détestable. Ce pouvait paraître particulièrement déplaisant, mais pas pour elle, elle choisissait bien au contraire de le prendre pour un compliment. Morgane de Gorre se faisait une grande et belle idée de ce qu'elle valait, et elle n'attendait certainement pas après l'opinion d'un homme - qu'au demeurant elle considérait comme un parvenu - pour se faire une nouvelle image d'elle-même. Elle savait pertinemment que cet homme la détestait, et il avait de bonnes raisons de le faire, puisqu'elle en avait après la seule chose qu'ils avaient plus ou moins en commun tous les deux. A savoir un frère.

Elle pouvait jouer la comédie plus longtemps... Et avec certains, elle ne s'en privait pas. Mais dans le cas de son interlocuteur, elle n'en voyait pas l'intérêt. Son opinion d'elle était déjà toute faite, c'était évident. Par ailleurs, Morgane se contentait très bien d'être uniquement qualifiée de belle, et elle savait que sa beauté était redoutable, elle y avait veillé, elle dont l'apparence ne reflétait pas son âge véritable. Ce pouvait être considéré comme superficiel, et ça l'était, mais ce qui était en surface, et uniquement en surface, régissait le coeur de bien assez d'hommes pour que ce puisse être considéré comme un atout tout sauf négligeable.

Trahie ou prise au piège de son orgueil, c'était le destin que Keu lui annonçait, mais ce n'était absolument pas le destin qu'elle se voyait accomplir. Dans tous les cas, ce n'était pas de son destin, de sa victoire, qu'il était question, même si la gloire de son fils rejaillirait sur elle. Il était question de Mordred, avant tout autre chose, et il réussirait.

-En effet, c'est ce qui se croient adorés de tous qui devraient se méfier davantage, répondit Morgane dans un fin sourire. Il y a tant de traîtres qui attendent leur heure et le moment de détrôner votre frère que c'en devient presque risible. Pas tant leurs tentatives que l'aveuglement d'Arthur... Et ce n'est pas faute de le mettre en garde, pourtant, répondit-elle d'un ton parfaitement léger.

Elle n'apprenait rien à Keu qu'il ne sache peut-être, et surtout, elle ne lui apprenait rien qu'elle ait répété des dizaines de fois à Arthur. Quand ce dernier se focalisait sur elle, il négligeait ce qu'il avait juste sous les yeux. Autant être détestable, il est vrai, et voir ses ennemis avancer à découvert. Elle estimait que c'était un avantage.

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organe ne se départit pas de son sourire en entendant la réponse de son interlocuteur. Elle n'allait pas le contredire, il avait totalement raison de la considérer comme une menace, puisqu'elle en était une, et ne voulait pas s'en cacher auprès du principal concerné, bien au contraire, elle le lui laissait savoir et entrevoir à chaque fois qu'elle en avait l'occasion.

Là-dessus, donc, elle pouvait contredire Keu. Oui, Arthur avait tendance à ne pas savoir identifier les menaces qui l'entouraient et étaient en nombre. Mais en revanche, celle qu'elle représentait, elle, il en avait bien conscience. D'un autre côté, il faudrait qu'il soit définitivement sourd et aveugle pour ne pas le réaliser, très clairement. Elle n'avait pas résisté à l'envie de se présenter en ennemie, et elle ne le regrettait pas. Ce choix avait décidé la dynamique de chacune de leurs conversations, et si elles agaçaient profondément le roi (ce qui l'amusait franchement beaucoup), elles amusaient terriblement Morgane, qui y trouvait une certaine compensation, une manière de patienter un minimum dans l'attente de ce moment où la poudrière exploserait une bonne fois pour toutes. Même si l'impatience était de plus en plus grande à mesure que le temps passait.

-Oh, ce fait-là n'est pas à imputer au laxisme de notre frère. Il sait parfaitement quelles sont mes intentions à son sujet, il en est même le meilleur informé, dans des proportions que vous ne seriez certainement pas capable de soupçonner, déclara-t-elle avec légèreté.

Et pour cause, si elle avait montré pattes blanches dans les premiers temps, elle n'avait pas mis longtemps à dévoiler ses cartes. Elle l'avait fait la nuit où elle s'était fait passer pour l'épouse du roi et abait abusé de lui et de sa confiance. Il savait la haine qu'elle lui inspirait, il savait que cette haine avait été décuplé au moment où elle avait cru Mordred mort par sa faute.

La seule chose qu'il ignorait encore, c'était que leur fils était bien vivant. Ce fils qui était la raison même pour laquelle Arthur s'abstenait bien d'agir à son encontre; Elle détenait sur lui une vérité atroce et innommable, et c'était une arme dont elle n'hésiterait pas à se servir, chose qu'il savait bien sûr pertinemment.

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organe appréciait assez à vrai dire de constater combien le mot "frère", s'il s'échappait de ses lèvres à elle pour parler d'Arthur, était susceptible de déplaire à celui qui devait se considérer bien plus légitime à le considérer comme tel en dépit du fait qu'ils n'avaient aucun gène en commun. Elle le lui laissait volontiers, son frère, en réalité. Morgane n'avait vraiment pas envie de considérer Arthur comme un membre à part entière de sa famille, d'autant qu'il y avait totalement usurpé sa place par l'intermédiaire de son ignoble père, et c'est bien pour cette raison qu'elle ne le considèrerait jamais avec l'affection qu'elle savait en revanche adresser à Morgause.

Mais en attendant, ce fait devait être souligné, puisque c'était la vérité. N'en déplaise à Keu, Morgane était bel et bien la soeur du roi (demi-soeur, certes, mais fallait-il vraiment jouer avec les mots ?), et c'était ainsi qu'elle était connue au sein de la cour, et encore ce qui lui permettait d'avoir une place de choix, stratégique, au coeur de cette dernière, n'en déplaise à Keu qui savourait certes des privilèges indignes de son rang grâce à son passé commun avec le roi mais n'en resterait pas moins aux yeux du monde un simple parvenu.

-Oh c'est vrai ? Peut-être cherche-t-il à ménager vos sentiments, c'est adorable, répondit Morgane avec un fin sourire.

Avec Keu, Morgane voulait bien croire qu'Arthur ne faisait pas les mêmes efforts de civisme ou d'étiquette qu'avec le reste de sa cour, où force lui était de l'appeler "ma soeur" pour préserver des apparences qu'il savait bien avoir tout intérêt à ne pas briser. Qu'il ait fait exception avec celui qu'il considérait comme son frère lui était assez égal. Elle avait beau y faire, elle était bien incapable de considérer son interlocuteur comme susceptible de représenter une quelconque menace. Possible que ce soit un tort de sa part, qu'elle aurait intérêt à corriger, mais en attendant, c'était néanmoins le cas.

-En attendant, tout le monde à Camelot estime que je suis bien plus légitime que vous à me tenir aux côtés de notre roi. J'imagine qu'il doit y avoir une raison. Une moitié de sang commun vaut mieux que pas de sang du tout, je suppose, dit-elle en haussant doucement les épaules, sourire sibyllin aux lèvres.

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organe exagérait sans doute son propos, elle pouvait bien le reconnaître, mais certainement pas s'en excuser. Elle aimait faire dans l'emphase, l'exagération et la grandiloquence. Pourquoi faire petit quand on pouvait considérer les choses en grand ? Possible que certains à Camelot ne l'estiment pas forcément plus légitime que Keu au sein de la cour du roi... mais d'un autre côté, ces petites considérations qui valaient leur querelle du moment n'avaient pas la moindre importance à l'échelle de bien de petites gens, qui vivaient au jour le jour en se moquant royalement des petits conflits d'intérêt qui se créaient autour d'Arthur...

S'ils savaient leur chance. Ils finiraient par être concernés par ces querelles, indirectement, ceci dit, car Morgane souhaitait bien que sa place au sein de la cour ait un impact tel que nul homme, nulle femme dans tout Camelot, ne saurait ignorer ces répercussions, quand bien même ils ne devraient pas en déterminer ou en comprendre leurs origines.

-Et rien ne pourrait me rendre plus heureuse, répondit Morgane avec le sourire. Les dieux me préservent d'avoir quelque rapport que ce soit avec l'ignoble Uther Pendragon. Notre frère n'est pas le parangon de vertu qu'il prétend être, mais il pourrait être érigé dieu de toute vertu en comparaison de cet homme.

En vérité, elle préfèrerait n'avoir rien de commun avec Arthur, car c'était bien ce qu'elle lui reprochait, ce qu'ils avaient de sang commun. Elle chérissait ce sang car il était celui de sa mère, et qu'elle aimait profondément cette femme bafouée qui avait été vouée au pire des sorts par la faute d'Uther, manigances horrifiantes dont Arthur était le fruit inacceptable et pourtant tant accepté.

-Est-ce seulement le sang d'Arthur qui lui a donné accès au trône, d'ailleurs ? répondit Morgane avec un haussement d'épaules. De ce que j'en sais, c'est plutôt aux bonnes grâces de Merlin qu'il doit sa couronne.

Il était certes le fils du précédent roi, mais il n'avait pas été nommé naturellement roi pour autant. Le fils bâtard avait dû passer l'étape d'Excalibur, comme tous les autres. Et il avait réussi. Certes. Mais Morgane s'interrogeait toujours sur la part de destinée et sur la part de manigances qui pouvaient être attribués à cet "incroyable miracle".

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organe ne demandait pas à Keu de comprendre sa colère envers Arthur. Il n'était pas de ceux qu'elle cherchait à rallier à sa cause, et elle n'attendait pas de lui qu'il se plie à son opinion (ce qui ne l'empêchait pas de répéter la sienne pour l'unique et répétée plaisir de le faire, ce qu'elle faisait également chaque fois qu'elle le pouvait en présence du roi en personne). Non, elle estimait qu'il ne serait pas un allié utile. La seule chose qu'elle pourrait trouver plaisante dans le fait que Keu soit de son côté serait l'idée de voir Arthur trahi par son propre frère, mais elle n'avait guère besoin... Arthur serait trahi de bien d'autres manières, et par des hommes qu'il considérait également à l'égal de ses frères, cela lui suffisait, à vrai dire, plus qu'amplement.

La fée ne cherchait pas à se justifier, non, surtout que ce qui motivait sa colère plus que tout le reste à ce jour, à savoir le fait qu'Arthur avait cherché à faire tuer leur fils, son fils, n'était pas de ces secrets que l'on pouvait disperser aux quatre vents. Elle se contentait donc d'exposer très aisément les arguments qu'elle pouvait sans se démonter une seule seconde, et non sans y prendre un certain plaisir, cela va sans dire.

-C'est justement l'implication de Merlin dans l'exploit d'Excalibur que je remets en question, répondit très doucement Morgane, une fois de plus sans spécialement chercher à convaincre son interlocuteur, mais juste pour le plaisir d'exprimer très directement le fond de sa pensée.

Eh oui, elle continuait de penser qu'Arthur avait peut-être su retirer l'épée du rocher grâce à la complicité du très estimé magicien. Après tout, c'était bien lui qui avait planté Excalibur dans le rocher pour commencer, et voilà que c'était son poulain qui réussissait à l'en retirer, tu parles d'une coïncidence.

-Dans tous les cas, faire reposer l'entièreté de notre avenir politique sur un morceau de fer et un caillou est par bien des aspects contestable, ajouta-t-elle avec le sourire. Ce que je voudrais de plus, c'est qu'Arthur ne soit pas roi - non, mieux, qu'il ne soit jamais né. Elle haussa les épaules. Puisqu'il s'agit à l'évidence de faits contre lesquels je ne peux rien, il reste de mon bon droit de dire ce que j'en pense, n'est-ce pas ? Et je n'en pense rien de bon.

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es justifications de Morgane ne devaient pas plaire à Keu - sans grande surprise. En même temps, si celles-ci avaient dû le satisfaire, sans doute se serait-elle épargné de les formuler puisqu'elle n'avait certainement pas dans l'intention de lui faire le moindre plaisir. Elle se contentait de dire le fond de sa pensée, et si on considérait qu'elle le faisait en vain, ça lui était égal, elle savait de quelle façon elle entendait poser ses jalons. Elle adorait donner des avertissements que l'on n'écoutait jamais pour le plaisir de rappeler plus tard qu'elle l'avait pourtant dit. Et de la même manière, elle aimait sincèrement exposer une opinion qui serait écoutée sans être entendue si elle avait pour but d'agacer ceux qu'elle ne voulait pas satisfaire. C'était une perte de temps si l'on voulait. Mais puisque Morgane parvenait à s'en divertir, elle considérait que c'était du temps plutôt bien dépensé en réalité.

-C'est parce que cette situation ne me plaît pas que j'ai bien l'intention d'y mettre mon grain de sel, répondit-elle tranquillement. Si vous êtes de ceux qui ont pour habitude de fuir lâchement chaque fois qu'une chose leur déplaît, c'est votre problème, mais il n'est certainement pas dans ma nature que de fonctionner ainsi.

Oui, bien sûr que cette situation ne lui plaisait, pas, mais elle éprouvait une certaine satisfaction au fait de rôder autour du roi malgré tout. A commencer par la satisfaction de le voir sortir de ses gonds chaque fois qu'elle se trouvait dans les parages. Et aussi, elle tenait à se trouver aux premières loges pour assister au spectacle de sa déchéance : et son petit doigt lui disait que ça ne devrait plus tarder à présent. Elle voyait le châtea ude cartes s'effondrer de toute part. Seuls les principaux concernés paraissaient ne pas s'en rendre compte. Grand mal leur fasse.

-Et si vous espérez me vexer ou me contrarier en me faisant remarquer que nul ici ne m'apprécie, vous ne me connaissez définitivement pas assez. Tous ces efforts fournis pour ne pas être appréciés seraient bien vains s'ils ne portaient pas leurs fruits. Je sais qu'on serait ravie de me voir débarrasser le plancher. Aussi vais-je rester aussi longtemps qu'il me plaira.

Encore que c'était faux, certains, à Camelot, l'appréciait assez... y compris la reine, qui était loin de savoir toute la vérité à son sujet.

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h, continuez de me sous-estimer, c'est toujours un plaisir de constater votre ignorance crasse, s'amusa Morgane en adressant à son interlocuteur son sourire le plus fier et le plus carnassier.

Ne se pensait-elle pas plus puissante qu'elle ne l'était réellement ? Il était bien probable que oui, en réalité, mais jamais son ego surdimensionné ne lui offrirait d'observer la chose de la sorte. Non, Morgane était tout à fait convaincue des cartes qu'elle avait en mains, et elle ne dissimulait pas son impatience à la perspective d'en jouer l'une ou l'autre au gré des convenances. Peut-être bien que cela finirait pas se retourner contre elle et qu'elle le regretterait amèrement, mais elle n'y croyait pas le moins du monde.

Et par ailleurs, quand ce genre d'observations lui venaient de personnes telles que Keu, pour lesquelles elle n'éprouvait aucune sorte d'estime et qu'elle appréciait surtout de voir s'égosiller contre elle à la manière de chiots inoffensifs qui glapiraient dans l'espoir de se faire entendre en présence d'autres canidés capables de les faire taire d'un coup de crocs. Ne devrait-elle pas faire cela, d'ailleurs ? Lui clouer le bec une bonne fois pour toutes ? Elle n'avait aucun intérêt à lui répondre ou à lui accorder de l'intérêt, après tout, pas vrai ? Sans doute pas, certes, mais elle trouvait cela diablement amusant, alors pourquoi s'en priverait-elle en fin de compte ?

-Voilà une chose sur laquelle nous nous mettrons d'accord, je n'ai pas particulièrement envie de vous connaître non plus. La seule différence, c'est que je ne perdrais rien à vous ignorez quand vous pourriez tout perdre à ne pas me connaître... ou du moins à me connaître de la mauvaise manière, fit-elle avec ce sourire si satisfait d'elle-même que beaucoup avaient bien souvent envie de le lui arracher (et elle le savait : ce n'est pas pour rien si elle le gardait pendu à ses lèvres avec un intense plaisir). Être tordu, être dérangé. Tout ceci n'est qu'une affaire de perspective. Personne ici n'est véritablement sain d'esprit. Mais il y a plus de mérite à retirer d'en avoir conscience que de s'imaginer irréprochable et vertueux. Il n'est rien de pire que de se découvrir déçu de soi-même.

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organe ne prit pas la peine de réagir autrement que par un sourire légèrement cynique quand son interlocuteur lui affirma qu'elle se berçait d'illusions. Peut-être que c'était vrai, mais Morgane ne le voyait pas ainsi. Elle se targuait de sa toute-puissance parce qu'elle estimait effectivement être toute-puissante, et tôt ou tard, mais plus tard que tôt, le monde s'en rendrait compte. Et alors, sa victoire sera la plus exceptionnelle que l'on pourrait bien imaginer. Elle n'avait pas envie de s'évertuer à convaincre son interlopcuteur de ce qui était évident à ses yeux.

Par ailleurs, elle estimait qu'il n'était pas si mal que son interlocuteur ne la croie pas ou remette, en tout cas, son propos en question. Il fallait cela pour que la désillusion soit d'autant plus grande. Plus dure sera la chute, c'était ce qu'elle ne cessait de répéter à Arthur, et elle le pensait bel et bien. Quand il serait temps pour Keu d'ouvrir les yeux, il serait définitivement trop tard. Et elle, elle se repaîtrait de sa victoire, certes, mais surtout de celle de son fils. Elle disposait d'une arme que personne ne soupçonnait qu'elle possédait. Et c'était de cette manière qu'elle les écraserait tous et toutes.

-Oh vous me connaissez si mal, répliqua Morgane avec un rire éclatant. Vous imaginez vraiment que je m'estime sans reproche ? Oh non, je ne le suis pas.

Elle pouvait sans mal lister le nombre de choses qui pouvaient lui être reprochées. Certaines avouables, d'autres non : aucune importance. Elle était capable de les lister, et cela pouvait durer des heures et des heures. Mais elle épargnerait cela à son interlocuteur, elle préférait largement l'attaquer sur un terrain beaucoup plus différent.

-Mais à l'inverse de tant d'autres ici, je ne prétends pas l'être, je ne me drape pas d'une vertu déméritée, et ça, ça fait une grande différence, affirma-t-elle avec ces airs orgueilleux qui la rendaient insupportable. Et clairement, elle ne cherchait pas à se faire un ami de son interlocuteur. Bien au contraire, même, elle tenait à ce qu'il n'éprouve à son égard que de la haine et du ressentiment. Chercher à être aimé à tout prix était l'apanage des faibles.

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