La rancoeur rapproche les âmes en peine | Méléagant & Calogrenant

I

l allait bientôt devoir repartir. On le menait poursuivre une piste sans doute stérile, quelque part à l'autre bout du pays, dont il pressentait d'avance qu'il reviendrait bredouille, l'agacement au coeur. Bon, certes, ce n'était pas en faisait preuve d'autant de défaitisme que l'on partait gagnant, mais en même temps, c'était des années d'échec et d'amertume qui avaient façonné la pensée de Méléagant, et même s'il conservait l'espoir de récupérer un jour le trône qui, à ses yeux, lui revenait de droit, il devait quand même bien reconnaître qu'il commençait à trouver le temps singulièrement long.

Ses plans divers et variés tombaient soit à l'eau, soit manquaient de ce quelque chose qui pourrait permettre un réel progrès. Par ailleurs, il avait le sentiment qu'il n'avait pas toujours misé sur le bon cheval. Il avait comme le sentiment que Morgane jouait sur plusieurs tableaux, et la manière qu'elle avait de le mener en bateau commençait à lui taper singulièrement sur le système, lui qui avait tant attendu de leur collaboration. Bon, très honnêtement, tout le monde, à ce stade, lui tapait sur le système... ou presque.

Il devait quitter Camelot le lendemain, sans savoir dans combien de temps il reviendrait, et cette pensée lui arrachait le coeur, surtout à la pensée de Guenièvre, qu'il abandonnerait pour un temps qu'il ne pouvait déterminer. Certes, la principale concernée devait en être la première satisfaite pour sa part tant elle lui témoignait d'animosité, mais lui-même ne voulait jamais souffrir d'une absence trop prolongé de celle pour qui il n'avait cessé de soupirer, même après tant d'années, et poursuivi d'assiduités qui, manifestement, la dégoutaient.

Méléagant espérait la croiser avant que de préparer ses affaires, lui imposer une conversation dont elle ne voudrait pas, mais à la place, ce fut sur Calogrenant qu'il tomba. Ce qui n'était peut-être pas mieux, mais presque tout aussi bien. De tous les chevaliers de la table ronde qu'il prétendait appréciait, Calogrenant était certainement le seul qui avait sa sincère sympathie. Peut-être parce qu'ils étaient les mêmes, tous les deux : les grands négligés de leurs arbres généalogiques respectifs, rongés par une amertume que les circonstances n'entamaient jamais, mais encourageaient plutôt.

-Seigneur Calogrenant, le plaisir est partagé, répondit Méléagant sans hypocrisie. Comment allez-vous ? Comment s'est passée votre mission ?

Il savait qu'il était parti en expédition au service du roi. Il n'en savait pas plus.

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L'

avantage, avec Calogrenant, c'est que Méléagant savait pouvoir attendre de lui une réponse entièrement honnête, et c'était à vrai dire assez raffraichissant. Bien possible qu'avec d'autres, il prenne davantage de soin à étoffer son discours pour sembler, peut-être, plus héroïque (Méléagant pour sa part n'était pas innocent de ce genre de comportement... en même temps, il fallait ce qu'il fallait pour préserver sa réputation et par la même sa place autour de la table ronde), mais avec lui, il se contentait de lui apprendre la stricte vérité, et Méléagant aimait entendre ce que l'on pouvait y comprendre. Ils brassaient de l'air sans résultat, mais ce n'était pas Calogrenant qui en était responsable, c'était la nature vaine des missions qui lui étaient confiées, et qui elle étaient le résultat d'une politique que Méléagant ne manquait pas de trouver absolument déplorable... comme tout ce que faisait, de près ou de loin, le roi Arthur.

Il était allé trouvé un devin quelconque au fin fond de la Bretagne, sans doute parce qu'on avait prétendu (un bruit de couloir, tout au plus), que cet homme avait potentiellement entendu parler du Graal et donc de son emplacement. Certains pouvaient peut-être louer l'obstination du roi à trouver la sainte relique et sa volonté profonde de ne négliger aucun détail, mais Méléagant, lui, ne voyait définitivement dans tout cela qu'une perte de temps. Calogrenant faisait définitivement partie, aux yeux de Méléagant, de ces chevaliers qui étaient réellement talentueux mais dont les compétences et le plein potentiel se retrouvaient muselés par une autorité royale qui ne savait pas avoir un sens des priorités digne de ce nom.

-Sans surprise, répondit Méléagant dans un soupir. Si notre roi engageait l'énergie de ses chevaliers à la conquête de nouveaux territoires et à l'affrontement de menaces bien réelles, plutôt que de nous envoyer à la chasse aux chimères et interroger quelques vieillards illuminés, Arthur Pendragon gouvernerait le monde à l'heure qu'il est. Méléagant adressa une tape amicale sur l'épaule de Calogrenant. C'était dit sur le ton de la plaisanterie, pas comme une attaque directe envers le ri, mais le fond de sa pensée restait évident, et il se permettait de l'exprimait un peu plus librement, même si Calogrenant n'était certainement pas hostile à la Couronne comme lui pouvait l'être. J'espère que votre prochaine mission sera celle qui vous apportera tous les honneurs, vous le méritez.

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éléagant appréciait de pouvoir communiquer son point de vue à quelqu'un qui étai capable de l'entendre et surtout de l'approuver. Pas qu'il se prive non plus de dire ce qu'il pensait, à mots plus ou moins couverts, à ceux qu'il considérait comme des ennemis ou des détracteurs, mais il était agréable de ressentir qu'il avait à son côté un chevalier qui lui-même était capable d'observer avec lucidité la vanité de ses missions, et surtout la volonté de faire plus, chose qu'on lui refusait dorénavant. Méléagant ne pouvait pas laver le cerveau de tous les chevaliers de la table ronde dans l'espoir qu'ils se liguent contre Arthur, même s'il espérait y parvenir avec certains, mais dans le cas de Calogrenant, la question ne se posait pas. Leurs points de vue se rejoignaient par bien des aspects, et c'était agréable d'avoir avec lui une conversation ouverte qu'il ne pouvait pas se permettre d'avoir avec d'autres.

Méléagant trouvait encore Calogrenant trop... aimable quand il affirmait que certaines tâches qui leur étaient confiées manquaient de pertinence, ce qui sous-entendait donc que d'autres, voire la majorité, avaient leur utilité. Bon, toute mauvaise foi mise à part, il était apte à reconnaître qu'au service de la Couronne, il avait accompli certains faits d'arme qui resteraient dans les annales pour de bonnes raisons, notamment au cours de la guerre contre les Saxons, mais au-delà de ça...

Il s'apprêtait à répondre quelque chose mais fut pris de court par la question que lui posa son interlocuteur, et à laquelle il ne s'attendait pas le moins du monde. Il avait du mal à cerner d'office le rapport entre la question de son interlocuteur et leur conversation, mais il comptait bien être éclairé sur le sujet.

Que pensait-il de la magie ? La question était bien vaste, à vrai dire, et il estimait difficile d'y répondre de façon bien concrète, d'autant plus que ce n'était pas un sujet qu'il maîtrisait vraiment. Pour lui, ma magie était une chose complexe, abstraite, et qu'il avait toutes les peines du monde à comprendre, même s'il l'estimait en même temps indispensable à ses projets. Ce n'était pas pour rien s'il avait demandé ses services à Morgane dans l'espoir de voir Arthur tomber de son trône. Il savait bien que l'on n'obtiendrait rien sans faire usage de la magie. Surtout quand on savait que le roi, lui, avait le grand Merlin à son côté.

-Je pense que la magie est indispensable et dangereuse en même temps. Je me méfie par-dessus tout de ceux qui la maîtrisent. La magie peut résoudre bien des problèmes mais en crée encore davantage. Il faut malheureusement faire avec. Méléagant marqua une pause. Pourquoi cette question ?

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éléagant, s'il avait une opinion plus nuancée sur la magie, notamment parce qu'il escomptait lui-même s'en servir à ses propres fins, n'avait pour autant aucun mal à comprendre le point de vue de son interlocuteur, bien au contraire. Il estimait même que leurs avis se rejoignaient, seulement, il semblait au chevalier que son camarade observait la situation au regard d'une perspective inenvisageable quand lui-même, de son côté, se contentait de considérer que la magie, puisqu'elle existait et existerait toujours, se devait de vous bénéficier autant que possible. Malgré tout, si l'on partait du principe que la magie pouvait bel et bien cesser d'être, alors c'était tout autre chose, une question bien différente, et qui suscitait alors d'autres réflexions et d'autres interrogations.

C'est vrai, la magie, si on décidait de l'exploiter sans être un être magie, nécessitait quelque sacrifice. En s'associant à Morgane, dans la mesure où cette dernière était fiable - autant dire que c'était loin d'être une certitude -, Méléagant en avait fait le constat. Il pourrait certes arguer que Morgane était, au-delà d'une magicienne redoutable, avant tout et surtout une personne infiniment vicieuse, il estimait quand même que le vice avait clairement tendance à se frayer un chemin dans le quotidien de tous ceux qui maitrisaient les domaines du surnaturel et de l'occulte... Sans doute parce que tout ce qui n'était pas tout à fait naturel ne pouvait, de toute évidence, pas complètement ramener quoi que ce soit de bon, il y avait toujours quelque chose, de plus ou moins flagrant, dont il fallait se méfier.

-Je suis d'accord. Sans magie, nous serions tous à armes égales. Sans magie, sans l'aval de Merlin ni Excalibur, sans la promesse du Graal, Arthur ne serait jamais monté sur le trône. Ne serait-ce que pour cette raison, il était impossible à Calogrenant de ne pas être entièrement d'accord avec son interlocuteur. Oui, en effet, un monde sans magie serait préférable, mais il fallait être réaliste. C'était une idée utopiste, irréalisable. Malheureusement, la magie est parmi nous, et nous ne saurions en aucun cas la faire disparaître. Pour ne serait-ce qu'en caresser l'ambition, il faudrait faire preuve de magie soi-même, et en ce cas, ce serait un cercle sans fin.

Le souci n'était pas de constater que la magie était néfaste aux hommes... mais d'observer qu'elle appartenait au monde au même titre que tous ceux qui l'habitaient. Par conséquent, comment l'en débarrasser ?

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éléagant observa son interlocuteur avec une grande curiosité, il avait largement su capter son attention dès les débuts de leur conversation, et d'une manière générale, Méléagant accordait beaucoup d'intérêt et de crédit à ce que son interlocuteur pouvait lui dire (ce qui n'était pas donné à tout le monde, il fallait le remarquer), mais là, il gagnait son intérêt en plus de son intention. Il devenait évident que Calogrenant avait une idée bien précise derrière la tête et le chevalier de la table ronde était impatient d'en savoir plus.

-J'ai entendu des rumeurs, en effet, au sujet d'un groupe d'individus qui chercherait activement à débarrasser nos terres de toute trace de magie, répondit posément Méléagant.

Il ne tenait pas à en dire trop, il tenait à ce que son interlocuteur explicite de lui-même son propos pour savoir exactement à quoi s'en tenir, mais il était tout de même vrai qu'il avait bel et bien entendu parler, de la part d'Arthur d'ailleurs, de ces individus anti-magie. Il n'avait pas d'avis tranché les concernant. Il avait plutôt tendance à penser que la magie était une force trop puissantes pour que de simples humains puissent s'imaginer capables de s'en débarrasser, alors autant en tirer le meilleur parti.

Le combat quand la magie était en jeu n'était bien évidemment pas équitable, mais si la magie était de votre côté, après tout. C'était bien pour cette raison qu'il était allé trouver Morgane dans l'espoir d'obtenir son aide... et c'était une moindre nécessité quand on savait qu'Arthur, de son côté, pouvait compter sur la loyauté indéfectible de Merlin, ce qui évidemment était loin d'arranger les affaires de quiconque espérait prendre la place du roi, cela va sans dire.

-Et comment ces personnes comptent-elles s'y prendre ? On ne peut pas vraiment dire que nous soyons à armes égales.

Rien n'était dit concrètement, mais Méléagant pensait comprendre que son interlocuteur appartenait à ce groupe de chasseurs en question, et même s'il n'était pas certain d'envisager de les rejoindre, il était assez curieux de connaître leurs modes de fonctionnement, tout comme il ne comptait pas faire partie de ceux qui chercheraient à leur nuire. D'autant moins que ce groupe d'individus avait peut-être les meilleures chances de les débarrasser de Merlin, et si ça pouvait être le cas, prendre l'ascendant sur Arthur deviendrait tout à coup beaucoup plus facile.

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éléagant ne pouvait que cautionner le discours de son interlocuteur quand ce dernier affirmait qu'il y avait toujours un moyen de se débarrasser d'un ennemi plus puissant. S'il devait penser différemment, il ne s'obstinerait pas à vouloir détrôner Arthur alors que tout semblait d'avance annoncer sa défaite, comme il avait déjà échoué par le passé, quand il avait été convaincu d'être celui qui tirerait Excalibur du rocher et épouserait Guenièvre. Il admettait que le roi était objectivement plus puissant, mais il admettait aussi que cela ne l'arrêterait pas, parce qu'il saurait avoir les bonnes armes au bon moment, profiter des faiblesses de l'ennemi, et s'entourer des bonnes personnes... Mais justement, parmi ces personnes dont il voulait s'entourer dans l'espoir de mettre fin au règne d'Arthur Pendragon pour porter sa couronne à sa place, il y avait Morgane, dont il voulait profiter des pouvoirs. Il ne pouvait nier l'intérêt des individus dôtés de pouvoirs surnaturels quand le but de la manoeuvre était de les utiliser à son avantage. Même si ça ne pouvait évidemment pas fonctionner à tous les coups.

Ceci dit, les chasseurs, tels qu'ils se faisaient appeler, n'avaient semble-t-il pas encore de plan entièrement établi. Pour le moment, ils s'organisaient, surtout, ce qui n'était pas une mauvaise chose. Quand on caressait une ambition aussi grande, il était préférable de ne pas se précipiter, ce serait paver d'or la voie de l'échec. Maintenant, il s'agissait aussi de ne pas brasser du vent inutilement, et Méléagant ne saurait être convaincu sans de réels arguments.

Ils étaient de plus en plus nombreux, selon les dires de Calogrenant. C'était une chose que Méléagant voulait bien croire. Pour faire parler d'eux comme ça avait été le cas récemment, il fallait que ce soit le cas, effectivement, et le chevalier n'était pas étonné que cette cause attire un certain nombre de personnes, même parmi les plus distingués. La menace que représentaient les êtres magiques n'était pas de l'ordre de l'imaginaire, elle était confirmée par des faits très concrets.

-C'est assez flou, pour moi, répondit poliment Méléagant. Mais je suppose que tu ne m'en diras pas davantage si je ne m'engage pas à vous suivre, n'est-ce pas ?

Ce qui paraissait après tout très logique, il ne manquerait plus que Calogrenant s'amuse à répandre les plans d'actions des chasseurs un peu partout, au risque de les compromettre.

-Je ne sais pas vraiment... L'affaire peut m'intéresser, mais je ne suis pas entièrement convaincu de ce que je peux avoir à y gagner.

Et l'intérêt personnel de Méléagant passait toujours avant tout le reste, c'est bien connu.

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éléagant n'avait rien d'un utopiste ou d'un rêveur. Méléagant était quelqu'un de foncièrement égoïste. Ce qui lui importait, ce qui ;le concernait, c'était son propre sort. Il avait conscience qu'au vu de l'ampleur de ses projets, ces derniers auraient forcément des conséquences sur le monde, mais le but de la manoeuvre, en ce qui le concernait, n'était pas tant de modifier à tout jamais l'apparence de l'humanité que sa propre vie. Son destin individuel lui importait plus que le reste, et c'était là-dessus qu'il ne s'entendait pas forcément avec Calogrenant.

-Je dois admettre être moins concerné par le sort de l'humanité entière que tu ne peux l'être, je n'ai jamais été à ce point altruiste.

Ce n'était pas le genre de choses qu'il se permettait forcément de dire en temps normal, mais en présence de Calogrenant, il se permettait d'être davantage honnête. Certes, il ne partagerait jamais avec lui ses desseins les plus sombres, ce serait beaucoup trop risqué, et il n'en était absolument pas question. Il ne pouvait tout simplement pas se le permettre.

Oui, en jouant les souverains, il devrait bien prétendre se soucier du sort de son peuple. Et ce serait quelque part le cas, en effet, mais uniquement parce que cela ferait partie de fonctions pour lesquelles il voudrait qu'on loue son autorité. Une autorité et une influence encore loin d'être acquises, mais Méléagant ne doutait définitivement pas que cela viendrait.

En attendant, oui, il n'était pas certain que l'argument que lui proposait son interlocuteur puisse éveiller quelque vélléité de le suivre que ce soit, mais il prenait tout de même soin de retenir tout ce qu'il venait de lui dire. Quoi qu'il en soit, il pouvait malgré tout admettre que, d'une façon ou d'une autre, leurs intérêts pourraient bien se rejoindre. Il aurait certainement besoin de davantage de précisions pour savoir où se situer par rapport à ça, mais puisque ça n'arriverait pas...

-Faute d'en savoir assez, je ne peux que te souhaiter d'arriver au bout de tes ambitions, ajouta-t-il car en effet, il le lui souhaitait, mais c'était définitivement tout ce qu'il pouvait se permettre de dire.

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-T

u parles d'instaurer un monde plus sûr pour les hommes, je vois difficilement en quoi ce ne serait pas de l'altruisme, observa Méléagant en regardant son interlocuteur.

Plutôt que de lui répondre cela, Méléagant s'attendait plutôt à ce que son interlocuteur tente d'étayer son propos et ses arguments pour le convaincre, mais il n'avait pas l'air pour autant de vouloir s'en donner la peine, comme si le fait que la démarche ne serait pas altruiste tout compte fait aurait plus de chance de le convaincre. Au bout du compte, Méléagant se disait que si son interlocuteur n'insistait pas, c'était peut-être parce qu'il savait que ce serait d'ores et déjà peine perdue. Méléagant ne trouverait pas forcément cela très surprenant. Il n'avait sans dute pas tort : Méléagant était du genre borné, et pas du genre à changer d'opinion très facilement.

Par ailleurs, même s'il savait apprécier son interlocuteur, force était de reconnaître à Méléagant que ce ne serait pas lui rendre un fier service que de rejoindre sa cause alors que lui-même avait besoin de la magie pour assouvir ses desseins les plus sombres, et qu'il attendait de mener à bien depuis un long moment.

-J'en déduis donc que tu ne m'en apprendras pas davantage, je m'attendais à ce que tu cherches tout de même à me convaincre en m'en disant plus.

Et Méléagant devait bien admettre qu'il aurait apprécié avoir de plus amples informations. Est-ce que, pour autant, il aurait changé d'avis ? Très probablement que non, en fait, vraiment pas. Méléagant était néanmoins curieux, faute d'être intéressé, et il aurait aimé vouloir autant savoir ses méthodes que leurs desseins exactement.

Mais soit, Méléagant n'allait pas insister non plus si son interlocuteur n'insistait pas pour sa part. En effet, dans les circonstances actuelles, que dire sinon : "nous verrons bien". Et que verrons-nous exactement ? C'était difficile à dire pour le moment. Quand ? Et comment ? C'étaient de vraies questions, mais tout comme Méléagant ne partageait pas tout de ses ambitions, il pouvait comprendre aussi que le jeune homme ne voulait pas non plus tout partager de ses propres projets, c'est un fait. Oui, clairement, la situation était complexe, et il n'était pas toujours simple de savoir ce qui pouvait être dit et ce qui ne pouvait pas l'être.

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-E

t moi je ne dis pas les choses pour qu'elles te dérangent ou non, répondit Méléagant avec un sourire aimable.

Ce qui était le cas. Articuler le fond de sa pensée en présence de ceux qui étaient dignes de l'entendre n'exigeait pas de lui qu'il se soucie outre mesure de leurs états d'âme. Peut-être était-ce là chose légèrement indigne, mais c'était un privilège de sa part, car l'hypocrisie et le souci de ce que l'autre pouvait penser, il les réservait plutôt, et à foison, à ceux qu'il considérait comme ses ennemis - à commencer par ce cher Arthur Pendragon, cela va sans dire. Alors oui, que sa vision dérange ou non Calogrenant, cela n'empêchait pas le chevalier de la table ronde d'observer les choses comme il décidait de les voir, ni plus ni moins.

Dans sa requête d'en demander davantage, Méléagant n'avait pas complètement abandonné, preuve était de la manière dont il incitait son interlocuteur, par des voies détournées, à le convaincre malgré tout. Est-ce qu'il estimait que ce serait efficace pour autant ? Rien n'est moins sûr, en réalité, car il ne pensait pas que cela lui serait profitable en quoi que ce soit que de marcher véritablement sur les pas de son interlocuteur, mais il aurait quoi qu'il en soit souhaité en apprendre davantage, qui sait si cela ne l'aurait pas révélé à quelque élément essentiel qu'il aurait pris plaisir à découvrir.

-J'ai appris de longue date qu'un refus n'était pas toujours définitif. Et d'ailleurs, j'ai toujours voulu mettre un point d'honneur à changer les non en oui, répondit-il d'un ton aimable, et oui, nous sommes d'accord que c'était une mentalité absolument terrible que celle-ci, et qui faisait fi du consentement, mais Méléagant était à tout point de vue une personne horrible. Ceci dit, ses belles méthodes ne fonctionnaient pas toujours. Depuis le temps, le "non" de la belle Guenièvre ne s'était toujours pas changée en "oui" pour lui. Mais cela n'empêchait pas pour autant Méléagant de continuer d'y croire.

-Mais soit, je me contenterais donc de cela, je suppose. Mais tu comprendras également que je n'aurais su m'engager à quelque chose dont je n'aurais pas su tous les tenants et aboutissants. Il marqua une pause. Je te souhaite le plus grand succès quoi qu'il en soit.

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