I'm not a friend, I'm not an enemy, I just love money !

La tempête faisait rage cette nuit là et la mer, complètement démontée, faisait dangereusement tanguer le navire du capitaine Lancaster. L'équipage s'attelait désespérément à maintenir le cap ainsi qu'à ne pas laisser les lourdes vagues faire sombrer la bâtisse de bois, tandis que Godric Lancaster, bien au chaud dans sa cabine, accueillait avec extase son tout premier enfant. Sa femme, alors enceinte de son huitième mois, avait absolument tenu à l'accompagner pour ce long voyage, sans quoi le capitaine n'aurait d'ailleurs jamais pu admirer le visage du si petit être qu'il tenait à présent dans ses bras tremblants. Car jamais plus le navire royal ne retrouverait le chemin de son port d'attache. Mais ça, personne ne pouvait encore réellement s'en doutait, le visage souriant et épanoui de Lancaster en attestant pleinement.

- Que dis-tu d'Alwenn ?

Était-ce le plus beau jour de sa vie ? Le capitaine Lancaster n'en doutait pas une seule seconde. Malheureusement, lorsqu'il sortit enfin sur le pont pour annoncer la naissance de sa belle petite fille à son équipage, il put admirer l'étendu des dégâts causés par la tempête, dégâts qui ne présageaient absolument rien de bon pour la suite des événements. Le mat central était fendu et ne tarderait pas à embrasser les flots s'il n'était pas réparé sur le champ. Plus aucune boussole ne voulait fonctionner et la majorité de leurs vivres étaient à présent gorgée d'eau... Ils étaient perdus au beau milieu de l'océan, sans plus aucun point de repère, sur une bâtisse qui n'avancerait plus tant qu'elle ne serait pas remise en état. Les vivres restantes étaient tout juste suffisantes pour tenir l'équipage loin de tout affamement pour les trois ou quatre jours à venir... Fou de rage et de culpabilité quant à sa décision d'emmener sa femme avec lui, Godric Lancaster ordonna aux hommes sous ses ordres de faire tout le nécessaire pour que le navire reprenne la route dès le lendemain, dans l'espoir utopique de revenir à bon port avant que la faim ne tue tout l'équipage. Comment pouvait-il se douter d'emblée que la nourriture nécessaire, il devrait la prendre par la force, dans des moeurs tout à fait opposées à celles de son rang ?



- Navire à bâbord !!

Du haut de ses treize ans, Alwenn, juchée sur la petite hune, attrapa un cordage et se laissa glisser jusqu'au pont du navire de son père. Un drapeau noir où régnait une tête de mort ne tarda pas à flotter tout en haut du grand mat. Godric Lancaster ainsi que tout son équipage étaient devenus pirates pour survivre, oubliant bien vite le statut de déserteurs que la tempête leur avait offert à leur insu treize années plus tôt. Alwenn était née fille d'ambassadeur mais c'était sous l'autorité d'un pirate qu'elle avait grandi et ce dernier métier n'avait déjà plus de secret pour elle. Il était tout à fait normal alors que son père lui offre son propre navire à ses dix-huit ans et qu'elle s'éloigne du cocon familial avec son propre équipage.

Plusieurs années c'était écoulée depuis son envol, sans aucune embûche rencontrée sur les océans. Le ciel était avec Alwenn, sans nul doute. Du moins, jusqu'à ce que cette pensée soit mise à mal quelques jours à peine après ses vingt-trois ans, lorsque son navire rencontra sur son chemin une autre bâtisse portant le drapeau de la mort. Elle ignorait qui en était le capitaine mais il avait empiété sur son territoire et c'était avec hargne qu'elle fit sombrer l'envahisseur. Mais ce dernier l'avait troublé, d'une manière qui ne plaisait absolument pas à la jeune femme et il était très clair que la prochaine fois qu'elle croiserait sa route, et mieux valait pour lui ce que ne soit jamais le cas, elle ferait cesser ce trouble en lui faisant amèrement regretter d'avoir réussi à rejoindre la rive à la nage. Une pensée qui s'accentua d'autant plus lorsque son propre navire, fortement endommagé par le combat, sombra à son tour. Sans lui, elle n'était rien. A quoi bon être un pirate si l'océan ne nous rend pas un peu plus fou chaque jour et qu'on erre sur la terre ferme en quête de solution pendant plus de deux ans ?