La valeur d'un trésor réside dans son secret. (Ombeline :3)

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il était un lieu où il était parfaitement indispensable de se rendre pour étendre le champ de ses relations, s'assurer une visibilité auprès de la noblesse, rappeler à tous son nom et assoir une réputation durable auprès de ses pairs, c'était bel et bien la cité de Camelot, celle où résidait ni plus ni moins que le roi Arthur, cet homme qui attisait autant d'admiration que son trône de convoitises, et pour ce qui était de le convoiter, Ombeline n'était pas en reste le moins du monde. Elle avait profité d'une invitation du roi, qu'elle apitoyait, manifestement, depuis la mort de son père, ce qui n'était pas pour lui déplaire. L'homme, en mémoire de son gros porc de géniteur, semblait se sentir investi d'une certaine responsabilité vis-à-vis des jumeaux d'Autice, et Ombeline en profitait autant que possible. Certes, le temps qu'elle passait à Camelot, c'était un temps qu'elle ne consacrait pas à son frère - et depuis plusieurs jours qu'elle était là, le manque devenait presque insupportable -, mais elle se nourrissait de quelques conversations diplomatiques, s'enrichissait de quelques relations qui pourraient être bénéfiques, elle ne perdait pas de temps, la moindre minute avait son intérêt. Même celle-ci, alors qu'elle se rendait jusqu'à la demeure qu'occupait d'ordinaire Manon, la servante de la reine à Camelot, quand bien même elle savait qu'elle ne l'y trouverait pas, justement parce qu'elle savait qu'elle ne l'y trouverait pas. C'est qu'elle avait assisté, la concernant, à un spectacle des plus singuliers, et qui n'avait pas manqué d'éveiller autant son intérêt que sa curiosité.

La personne en compagnie (plus qu'équivoque) de laquelle Ombeline avait surpris Manon, elle la connaissait, du moins un peu, sans qu'elle soit pour autant très intime avec elle : Ena, une sorcière. Très vite, Ombeline n'avait que pu convenir de ce qu'elle pourrait retirer d'une telle situation. Les amours "impures" d'Ena et Manon ne dérangeait pas le moins Ombeline, il faut dire qu'elle serait la plus mal placée au monde pour faire quelque reproche que ce soit à ce sujet étant donné sa propres situation sentimentale, elle n'était pas là pour blâmer les jeune femme, juste utiliser le secret qu'elle avait désormais à sa disposition pour son propre bénéfice. Elle frappa donc à la porte de la demeure de Manon, satisfaite de n'y trouver qu'Ena (Manon était trop proche de la reine pour parlementer directement avec elle), même si c'était couru d'avance.

-Bonjour Ena. dit-elle en se permettant d'afficher un sourire qui se voulait légèrement bienveillant. Je voulais voir Manon. dit-elle, ce qui était entièrement faux, mais c'était une manière comme une autre d'en venir très immédiatement au sujet de sa venue, qui ne devrait pas laisser la sorcière indifférente. Mais j'aurais tout autant plaisir à deviser avec sa compagne.

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attitude et la réponse d'Ena n'eurent rien pour surprendre la jeune femme, qui avait sans mal imaginé une telle réaction de sa part. C'était logique, en même temps, elle aurait été folle ou proprement idiote si elle ne s'était pas défendue, d'une manière ou d'une autre d'entretenir la relation qu'Ombeline lui savait avoir avec la servante de la reine. Ombeline savait parfaitement ce qu'il en était, elle l'avait vu de ses propres yeux, mais elle pouvait comprendre, néanmoins ces efforts pour nier l'évidence. Nul n'était normalement prêt à accepter les "déviances" de la jeune femme, et elle risquait gros si son secret devait finir par être découvert... Et c'était justement pour cela que la souveraine d'Autice avait décidé de tirer profit de cette situation. Elle n'avait aucun intérêt à la dénoncer où à confier ce secret à quiconque. Elle avait un réel intérêt, par contre, à tirer profit d'un secret tel que celui-ci. Dans un fin sourire qui laissait directement deviner qu'elle n'avait rien de convaincu, elle répondit, sans se démonter.

-Tu pourrais presque me convaincre, répondit-elle, toujours le même sourire aux lèvres, mais je vous ai vues. Elle partageait immédiatement cette information afin que son interlocutrice ne puisse avoir aucun doute à ce sujet, et ne perde pas trop de temps à démentir sans cesse. Ce serait contreproductif, une réelle perte de temps. N'aies crainte, je ne suis pas là pour te juger. Crois-moi, je n'ai pas la moindre intention de divulguer votre secret. Il y avait mieux à en faire, à ses yeux, que de le répandre aux quatre vents, d'autant que la demoiselle n'avait objectivement rien à reprocher aux amours de la sorcière et de la servante de la reine. Ces relations, parmi les plus interdites, exacerbaient bien plus son intérêt que les relations les plus classiques, souvent arrangées, et qui ne transperçaient en rien le romantisme. Je connais mieux que personne les attraits des amours interdites. Il serait malvenu de ma part de te juger.

Et c'était le cas, en effet. La jeune femme vivait elle aussi une grande passion qu'il fallait taire à tous prix, elle aussi devait préserver à tout prix un secret qui la mettrait au bal de la société, c'est un fait. Sa relation avec Pellinore, si forte, si certaine, si évidente, si intense puisse-t-elle être, ne pouvait être révélée à personne... Ils partageaient le même sang. À ses yeux, cela ne faisait que renforcer la force de leur lien, mais elle avait bien conscience du fait que nombreux seraient ceux à ne pas être de cet avis. Nul ne saurait lui pardonner l'inceste dont elle était volontairement fautive. À peut-être une exception près, qu'elle avait sous les yeux. Elle savait pertinemment que, dans ce monde, on n'a rien sans rien, et si il fallait échanger un secret contre un autre pour obtenir la pleine et entière collaboration de son interlocutrice, dans laquelle elle voyait déjà une alliée précieuse.

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mbeline, sans avoir parlé franchement, savait son propos avoir été suffisamment direct tout de même pour que Ena sache parfaitement qu'elle était au courant de son secret. Visiblement, la sorcière, perdant patience, voulait surtout obtenir d'elle les raisons claires, nettes et précises de sa venue. Ombeline pouvait comprendre. Si elle-même prenait un malin plaisir à sans cesse tourner autour du pot, elle n'appréciait guère qu'on en fasse de même pour elle. Il était admis qu'elle savait ce qui liait Manon à Ena, ce que cette dernière voulait savoir, c'était sans doute davantage ce que la souveraine du territoire d'Autice attendait d'elle en l'échange de sa discrétion. Un léger sourire en coin se déposa sur le visage de la jeune femme. Soit, elle allait se montrer très explicite. Après tout, elle avait plutôt hâte de présenter à son interlocutrice les termes de son petit marché, qui lui tenait d'autant plus à cœur qu'elle y voyait un moyen parfaitement infaillible d'assouvir ses ambitions ainsi que celles de Pellinore (qui étaient après tout les mêmes, il n'y avait rien qu'ils ne fassent ensemble de manière générale, et pour son plus grand plaisir). Elle toisa néanmoins son interlocutrice un moment sans rien dire, ménageant encore un peu son effet avant de se jeter à l'eau et de parler plus directement à la jeune femme de ce qu'elle cherchait à obtenir, des raisons directes de sa présence en ces lieux qu'elle n'aurait sans doute jamais foulés de son pied si la vérité nue ne s'était pas présentée à elle d'une manière qui ne tolérait aucune équivoque.

-Je sais que tu entretiens une relation sentimentale avec la servante de la reine. Je vous ai vues, toutes les deux. Ça, c'était surtout pour éviter de voir son interlocutrice nier, même si elle ne pensait pas qu'elle le ferait. Je n'ai pas à t'expliquer le scandale que cela représenterait si cela venait à se savoir, tu dois être la mieux placée pour le savoir. Et ne parlons même pas des conséquences que cela aurait pour ta chère et tendre Manon. Elle marqua une légère pause. C'était encore des informations qu'elle n'avait pas forcément besoin d'exprimer, parce que son interlocutrice savait déjà pertinemment tout ça, mais elle lui signifiait de la sorte qu'elle n'hésiterait pas à parler si leur petit marché ne devait pas lui convenir. Je vais être très claire. Puisque la limpidité était ce qu'Ena lui demandait. Laisse-moi employer ta magie à mon profit, et ton secret sera sauf, je ne le révèlerai à personne.

Dans le cas inverse, ce même si elle était loin d'être dégoûtée par la relation de la servante et de la dragonnière comme le serait la plupart (elle ne pouvait pas se permettre de juger quiconque dans sa situation, c'est une certitude), elle mettrait bel et bien ses menaces à exécution. Parfois, souvent, le chantage reste le meilleur moyen d'obtenir ce que l'on convoite.

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es termes de son petit chantage avaient été formulés, et aux vus de la réaction de la jeune femme, celle-ci comprenait que, pour sa sécurité et sa réputation, elle avait tout intérêt à ne pas y contrevenir. Elle le formula en ses propres termes, d'ailleurs, en remarquant qu'elle n'avait de toute évidence pas le choix. Oui, Ombeline y avait compté, et était ravie d'entendre la jeune femme rejoindre son opinion. Elle allait donc lui rendre le service que la souveraine d'Autice attendait d'elle, ce qui avait le don de particulièrement la réjouir. Le sourire qui s'était affiché sur les lèvres d'Ombeline n'avait rien de feint, et il le fut moins encore quand il s'élargit tandis que son interlocutrice lui demandait pour quelle raison elle avait besoin de sa magie. Oh, s'il n'y en avait qu'une ! La magie ouvrait à un champ de possibilité infini, à ses yeux ! Elle enviait réellement Ena et ses pouvoirs. Elle avait beaucoup de chance.

-La magie est un don véritablement précieux, on peut en faire tant de choses ! Elle marqua une légère pause avant de reprendre : Je n'en ai pas besoin pour une raison spécifique, je veux seulement pouvoir en faire usage quand cela me sera nécessaire, et crois bien que tes pouvoirs me seront fort utiles. Pour rendre à Autice son prestige, pour prendre le trône du roi Arthur, entre autres...

Elle parlait sans son philtre habituel, ne dissimulait rien de ses sombres intentions... elle pouvait parler librement à Ena, pensait-elle, car si elle osait répandre quelque rumeur (fondée, de fait) sur elle, ce serait la femme qu'elle aimait en plus d'elle-même qui en paierait le prix fort. Les chantages où l'on pouvait faire pression sur une tierce personne étaient les plus efficaces, sans nul doute. Ombeline le devinait sans mal, car si c'était la vie ou la réputation de Pellinore qui devaient être en jeu pour sa part, elle serait capable de tout, quitte à se compromettre elle-même. Ah, comme il était agréable de ne pas prétendre, pour une fois !

-Ne te méprends pas, Ena, je n'exige pas le plein contrôle de tes pouvoirs. Non, je définirais plutôt notre petit accord comme une sorte de collaboration.

Ena ne pourrait sans doute pas la prendre entièrement au sérieux, car une collaboration nécessitait tout de même normalement d'être considéré sur un pied d'égalité, et ce n'était de toute évidence pas le cas pour l'heure. Ombeline dominait la conversation pour l'heure, et voulait que cela reste ainsi, elle voulait garder le contrôle. Ceci dit, il est vrai qu'Ena lui inspirait plus de sympathie que l'inverse. Elle l'utilisait, sans nul doute, mais elle pensait qu'au-delà d'un simple rapport de force, elles pourraient véritablement trouver un terrain d'entente qui s'exempterait de la pression que la souveraine d'Autice exerçait pour l'heure sur la jeune dragonnière.

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mbeline esquissa un sourire, concédant aisément à son interlocutrice que leur petite "collaboration" pouvait difficilement sembler en être une si elle utilisait la magie de son interlocutrice à tout-va, chose que celle-ci serait sans cesse contrainte de faire, sous la menace. C'est vrai que vu comme ça, Ena n'y gagnait rien du tout, et l'héritière d'Autice ne pouvait pas vraiment prétendre le contraire... pour autant, elle n'avait pas envie que la sorcière se sente contrainte et forcée, ce n'était pas le but, pour elle. Elle savait bien que son interlocutrice mettrait bien moins d'énergie à la tâche s'il ne devait y avoir aucune motivation là-derrière. Ombeline voulait réussir à créer un climat de complicité entre elles, et elle se rendait bien compte que ce n'était pas gagné encore. Ce n'était pas bien grave en soi, Ombeline avait tout le temps nécessaire pour parvenir à ses fins. Son sourire s'élargit quand Ena ajouta que Ombeline n'était pas la seule à convoiter le trône de Camelot. Oh, cela, elle se rendait bien compte. Elle savait pertinemment qu'Arthur Pendragon ne faisait pas l'unanimité, et que la concurrence serait rude, elle pensait seulement dépasser tous les autres. Ce qu'elle ignorait, c'est que son interlocutrice elle-même avait dans l'ambition de renverser le roi de son trône. Si elle avait conscience de cela, elle aborderait les choses d'une manière bien différente, c'est certain.

-Je ne pense pas être la seule, non, et c'est pour cela que ton aide me sera d'autant plus précieuse. Je me dois d'attaquer par où nul ne m'attendra... nul ne nous attendra. Elle esquissa un fin sourire avant de poursuivre. Et je suis une femme de parole, je regrette que tu puisses imaginer le contraire. Même si c'était normal, en vérité. Après tout, elles ne se connaissaient pas, et Ombeline était bien capable de rompre une promesse si cela était dans ses intérêts. Mais en l'occurrence il n'en était rien. À moins que son interlocutrice ne la trahisse, elle ne voyait vraiment pas de raisons de lui dévoiler ce secret qui, pour sa part, n'éveillait pas tant de réserves que pour la plupart, quoi qu'il en soit. Du moment que tu respectes notre accord, je n'aurai aucun intérêt à trahir votre secret, à toi et Manon. Elle ne manquait pas de rappeler le nom de Manon, pour rappeler à son interlocutrice qui d'autre était en jeu dans cette affaire. Et en guise de garantie, si tu acceptes de m'aider, je te révélerai à mon tour le plus noir secret que je possède. Si je te trahis, tu pourras me trahir en retour, c'est plutôt équitable, tu ne penses pas ?

Et ce pouvait être pour elle un pari risqué, car alors, elles auraient en main des cartes de même valeur. Mais Ombeline avait réellement envie de croire que le jeu en valait la chandelle, qu'il méritait de prendre quelques risques.

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mbeline avait deviné qu'Ena appréciait l'idée que la situation puisse aller dans les deux sens, qu'en échange de son secret, qu'elle avait découvert sans qu'elle l'ait voulu, elle puisse obtenir d'entendre le sien. La souveraine d'Autice avait beau ne connaître que peu la jeune sorcière, elle avait bien compris que cette dernière n'était pas de nature à se laisser soumettre. Elle ne voulait pas donner à Ena le sentiment de lui être soumise, elle se disait que cela ne pourrait qu'aboutir à un sentiment proprement contreproductif, et elle ne voulait pas cela... Là, elle pourrait déjà un peu mieux faire valoir le terme de collaboration, le terme de partenariat, qu'elle avait évoqués un peu plus tôt. En tout cas, son argumentaire sembla avoir
convaincu Ena, et c'était tout ce qui importait, même si cela signifiait que, en contrepartie, elle allait devoir se jeter à l'eau et évoquer avec elle le secret le plus sombre qu'elle possédait, et qu'elle n'avait jamais révélé à qui que ce soit. C'était risqué, comme manœuvre, vraiment très risqué, sans l'ombre d'un doute, mais elle avait envie de penser que les risques étaient calculés, et qu'elle ne regretterait rien pour autant, que les choses allaient se passer de la meilleure manière pour elle malgré tout. Elle laissait reposer ces convictions sur de simples intuitions. Mais ses intuitions l'avaient rarement trahie. Enfin bref... Dans tous les cas, sa décision était prise, alors elle allait parler. Et elle n'aurait pas lieu de le regretter car, prochainement, les fruits de ces confidences lui deviendraient tout bonnement indispensables pour mener à bien ses projets, pour réussir à poursuivre selon non seulement ses ambitions mais également son cœur. Elle prit donc une grande inspiration, et lui raconta donc toute l'histoire, ton histoire.

-Je te l'ai dit tout à l'heure, Ena, je m'y connais en ce qui concerne les amours contrariées et interdites. Elles sont mon lot quotidien. Elle marqua une pause, planta son regard dans celui de la jeune femme pour lui laisser entendre la sincérité de son discours. Car il ne s'agissait pas de l'embobiner, elle allait réellement lui ouvrir son cœur. Mon père était un monstre, déclara-t-elle alors, il m'a volé mon innocence alors que je n'étais qu'un enfant, encore. Ma vie sous sa gouverne a été un véritable cauchemar. Ce qui m'a permis de tenir le coup, celui qui m'a toujours rendue plus forte, c'est Pellinore. Elle esquissa un léger sourire, rien qu'à prononcer son prénom. Pellinore n'est pas seulement mon frère, c'est mon âme sœur. Et elle éprouvait comme une légèreté soudaine qui envahissait tout son être alors qu'enfin, elle se délestait du poids d'un secret qu'elle n'avait jamais appris à personne jusqu'alors, c'était sans doute un fardeau plus lourd que tout ce qu'elle s'était imaginée. J'aime mon frère comme aucune sœur ne devrait aimer son frère, comme aucune femme ne devrait aimer une autre femme.

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mbeline avait bien conscience de prendre de sérieux risques en révélant la vérité sur le lien qui l'unissait à Pellinore à son interlocutrice. Certes, la souveraine d'Autice avait de son côté des informations plus que compromettantes au sujet d'Ena, mais ça ne rendait pas forcément son initiative moins dangereuse, en prononçant ces mots, elle les mettait peut-être en danger, elle et Pellinore. Mais quand elle eut fini de parler, elle n'éprouva pas d'appréhension ou de regrets, bien au contraire, elle se sentit soulagée. Même au-delà de soulagée, elle avait le sentiment d'avoir retiré un poids de son épaule. Elle se sentait légère. Ombeline n'avait jamais parlé à qui que ce soit de l'amour interdit qu'elle portait à son frère, et même si elle avait appris à vivre dans le secret, et y avait même pris goût, elle réalisait quel soulagement cela pouvait être que de se confier ainsi, sans ambages, au sujet de celui qui comptait le plus à ses yeux. Elle avait abandonné les apparences et s'était dévoilée dans tout ce qu'elle était. Souveraine, manipulatrice, oui, à n'en pas douter, mais aussi et surtout, amoureuse, profondément amoureuse, de cet amour qui vous engage à faire tous les sacrifices, les plus terribles comme les plus beaux. Et elle éprouvait de la satisfaction à l'idée d'en avoir parlé à la femme peut-être la plus susceptible de comprendre ce qu'elle vivait. Certes, leurs situations étaient différentes, mais elles se rapprochaient en plusieurs points, et Ombeline avait envie de croire que si quelqu'un pouvait bel et bien comprendre ce qu'elle vivait, c'était son interlocutrice.

Et en effet, quand cette dernière reprit la parole, Ombeline ne se sentit pas jugée. Elle se contenta de confirmer que leurs situations étaient loin d'être différentes, et à ces propos, un sourire sincère éclaira le visage de la jeune femme, qui était bien de cet avis elle aussi. Ce sourire s'élargit plus encore quand Ena confirma que, pour la peine, elle acceptait bel et bien de "collaborer" avec elle. Certes, il y avait toujours un fond de chantage derrière tout cela, elles ne pouvaient pas prétendre le contraire, mais le tout s'appuyait sur ce qu'Ombeline appréciait de voir comme un sentiment de compréhension mutuelle. Elles ne pouvaient que se comprendre, et par conséquent, il était sans doute logique qu'elles se soutiennent aussi, même si pour l'heure, le petit marché qu'elles étaient en train de passer sembler n'allait que dans un seul sens.

- Merci, j'apprécie beaucoup, répondit Ombeline, se doutant que le privilège qui lui était accordé ne devait pas l'être à beaucoup d'autres (et encore heureux, elle n'avait pas spécialement envie de partager les talents d'Ena avec beaucoup d'autres). Et ne t'en fais pas, ton secret est en toute sécurité avec moi, et je te promets même de le protéger si l'occasion m'en est donnée.

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mbeline esquissa un sourire quand son interlocutrice assura apprécier sa promesse, celle de protéger son secret, et même de le défendre si la situation l'exigeait (si elle se tenait à carreau et faisait quand même ce qu'elle attendait d'elle de son côté, il ne fallait pas s'attendre non plus à un échange purement cordial et désintéressé de bons procédés). Ena avait toutes les raisons du monde de douter d'elle, Ombeline le ferait à sa place, mais ses propos étaient sincères. Tant que la dragonnière ne la mettait pas en difficulté, la jeune femme d'extraction noble ne comptait pas le faire davantage, à plus forte raison qu'elle éprouvait une certaine sympathie, un certain attachement pour Ena Koad. Elles n'avaient pas les mêmes parcours, loin s'en faut, leurs origines sociales ne leur permettaient certainement pas de prétendre à des destins similaires, mais leurs histoires se rejoignaient par certains aspects, et c'étaient ces aspects auxquels il plaisait à Ombeline de se rattacher. Elles se ressemblaient plus qu'elle n'avait été susceptible de le constater avant de venir à sa rencontre. Ombeline appréciait de se reconnaître en Ena, sans savoir si la réciproque était vraie, et il lui était d'autant plus facile, en fin de compte de passer cet accord avec elle. Son sourire ne disparut pas quand Ena assura que, de son côté, elle protègerait son secret de la même manière. La jeune femme hocha la tête en signe de totale approbation. En même temps, elle ne pouvait qu'approuver un tel discours, divulguer ainsi son plus profond et ^lus précieux secret avait été un pari, et risqué s'il en est, même s'il demeurait calculé. Mais elle ne regrettait ni son choix ni sa décision. Elle savait présentement qu'elle avait agi pour le mieux.

-J'y compte bien, répondit-elle alors, ravie qu'elles soient ainsi parvenues à un accord qui, certes, profitait plus à l'une qu'à l'autre, et de loin, mais se faisait avec un certain souci d'équité, suffisant en tout cas pour que Ena cède à sa demande sans lui opposer plus de résistance. Je ne vais pas te déranger plus longtemps, décréta-t-elle alors d'un ton assuré. Je suis ravie de faire affaire avec toi.

C'était le cas. Ombeline prenait soin de placer ses pions un peu partout en préparation de ses projets ambitieux, et elle était heureuse que certains d'entre eux trouvent une place de choix sur l'échiquier. Cette conversation était pour le moment informelle, au sens où Ombeline ne demandait encore rien de concret à Ena, mais ce n'était que partie remise, c'est certain. A présent que leur accord était passé, elles auraient maintes et maintes occasions de se revoir, toutes les deux, clairement plus d'une. Et l'héritière d'Autice comptait bien profiter de l'avantage qui lui était donné sans rechigner. Elle savait la valeur des choses, à plus forte raison quand le trône était en jeu.

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