Retour aux sources [pv Viviane]

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ême s'il y avait bien longtemps à présent que son mentor avait achevé son enseignement, façonné son élève à son image, Morgane avait pour habitude, de se rendre régulièrement en terres d'Avalon, que ce soit pour retrouver Viviane ou pour le simple plaisir de profiter de ces lieux dont le moindre recoin paraissait imprégné de magie, ou par simple nostalgie d'une époque qui lui avait tout apporté ou presque. C'était pour toutes ces raisons à la fois qu'elle avait fait le voyage cette fois-ci. Et aussi pour le plaisir, il faut bien le dire, d'adresser à la dame du Lac un rapport détaillé sur ce qui se déroulait à Camelot (même si Lancelot devait aussi s'en charger, à sa manière, mais ils ne lui apportaient sans doute pas les mêmes sons de cloche, et pour cause, ils n'avaient pas du tout la même vision des choses, à commencer par la vision qu'ils avaient de leur roi), sachant que dernièrement, il s'était passé plus d'un évènement qu'il serait plaisant à Morgane de lui rattraper.

Elle n'était pas attendue, mais Morgane savait que Viviane devinerait sa présence dans les environs, raison pour laquelle, pour l'heure, elle longeait tranquillement le lac, sans appeler son mentor, patiente comme elle l'était rarement en temps normal (même si ses projets de vengeance élaborés avaient bien nécessité qu'elle fasse preuve de patience, évidemment). Viviane ne viendrait peut-être pas à sa rencontre, qui sait... Ce ne serait pas grave en soi, outre le fait qu'elle n'était pas attendue, elle aimait parcourir ces liens sans raison particulière. C'était bien l'un des rares endroits, l'un des rares moments où elle se contentait d'être à l'écoute d'elle-même et de se recentrer complètement. Ce n'était pas du luxe en ces temps troublés qui lui étaient certes profitables mais nécessitaient de sa part une attention de tous les instants pour ne pas perdre le contrôle.

Après plusieurs minutes de promenades silencieuses aux abords du lac, elle aperçut finalement du mouvement, peu de temps plus tard, Viviane fit son apparition. Un fin sourire s'esquissa sur les lèvres de Morgane. Viviane était l'une des rares personnes qu'elle pouvait affirmer apprécier sincèrement de revoir, sans faux-semblant, et sans hypocrisie. En fait, elle était sans doute sa seule exception... avec Mordred, évidemment.

-Bonjour Viviane, la salua-t-elle avec grande déférence.

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lle était bien loin de chez elle... On pouvait le dire, oui, quelque part, si l'on considérait que le territoire de Gorre ou encore Camelot, les lieux où elle avait l'obligation de passer la majeure partie de son temps, étaient son foyer. Et de manière générale, Avalon était à l'écart du monde, un lieu isolé et difficilement accessible. C'était pour cette raison que l'on pouvait si facilement y trouver la paix et une certaine sérénité. Mais Morgane, quoi qu'il en soit, ne considérait pas que "chez elle" soit là où on attendait qu'elle soit... D'autant plus qu'elle préférait, de très loin, être là où on ne l'attendait pas. Elle préférait se réclamer de partout et de nulle part à la fois, et considérer que le moindre monceau de terre que ses pieds avaient foulé lui appartenait. Cela étant, si elle devait vraiment se choisir un territoire d'appartenance, elle choisirait Tintagel, là où elle avait vu le jour, là où elle avait vécu une enfance heureuse au milieu de ses deux parents, avant que Urien Pendragon ne vienne tout détruire, avant qu'Arthur Pendragon ne naisse à son tour en ces mêmes lieux et détruise ce qu'il restait d'humanité en elle. Ou bien, justement, elle choisirait Avalon, où, grâce aux bons soins et à l'enseignement de Viviane, elle s'était éveillée à la magie, c'était en ces lieux qu'elle s'était construite, qu'elle s'était parachevée ainsi qu'elle était. Alors elle préférait considérait que c'était ici, chez elle, même si Viviane ne semblait pas daigner lui accorder ce droit. Mais en même temps, elle s'octroyait toujours les droits qu'on ne lui adressait pas, qu'importe que l'interdit vienne d'un ennemi exécré ou d'un mentor admiré.
Bien sûr, Viviane comprit immédiatement qu'elle était venue la trouver. Certes, elle n'avait pas forcément besoin de vouloir la trouver pour se rendre ici, mais en l'occurrence, puisque c'était sa volonté, il était évident que Viviane ne pouvait que le comprendre.

-Faut-il que j'ai une raison particulière pour venir te rendre visite, à présent ? demanda-t-elle simplement.

Après tout, il n'était pas rare que Morgane vienne rendre visite à Viviane, et ce n'était pas forcément avec une motivation précise à l'esprit. Elle appartenait à cette rare catégorie de personnes auxquelles Morgane pouvait s'adresser sans forcément d'arrière-pensée, sans forcément planifier quoi que ce soit.

-Mais si je tombe mal, je pourrais toujours revenir à un autre moment.

Elle ne s'offusquerait pas en tout cas de voir son interlocutrice favoriser sa solitude à sa compagnie.

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organe ne sut rien du fait que Viviane avait envisagé de mettre un terme rapide à sa visite impromptue, car non préméditée, et fut simplement satisfaite de savoir que celle qu'elle considérait comme son mentor, cette femme qui l'avait finalement bien plus élevée que sa propre mère (en même temps, la pauvre n'en avait guère eut l'occasion - la faute à qui, hein ?), avait du temps à lui consacrer. Morgane appréciait la moindre des conversations qu'elle pouvait avoir avec son interlocutrice. Viviane avait toute sa considération et son estime, et elle considérait toujours leurs discussions comme sincèrement utiles et stimulantes, ce même quand, comme maintenant, elles ne partaient pas vraiment d'un postulat particulier, et n'étaient motivés que par l'intention de l'une d'apprécier la présence de l'autre (l'une étant bien souvent Morgane, cela va sans dire, ce que cette dernière assumait parfaitement au demeurant, comme elle assumait toujours le moindre de ses faits et gestes - et encore heureux, elle avait en horreur ceux qui ne le faisaient pas). Elle s'exécuta quand son interlocutrice lui proposa de s'asseoir. Elle ne se fit effectivement pas prier, il n'y avait aucune raison de faire autrement. Et elle ne se fit pas prier davantage quand Viviane lui demanda des nouvelles de Camelot, et donc du roi, ce roi qu'elle tenait autant que sa protégée à voir sombrer, un intérêt commun qui ne renforçait que d'autant plus la considération que Morgane éprouvait pour Viviane.

-Il se porte détestablement bien, répondit-elle dans un fin sourire. En même temps, qu'attendre d'autre d'un homme aussi naïf. Car oui, aux yeux de Morgane, Arthur était vraiment d'une incroyable naïveté, et cette dernière lui coûterait cher. Intelligent et stratège, il pouvait l'être, bon et juste, il l'était clairement trop, mais ses qualités seraient ce qui le ferait sombrer d'autant plus vite. Le monde entier complote contre lui, y compris parmi ses chevaliers, et il est incapable de voir quoi que ce soit. Mais je gage que cela va changer sous peu. Elle esquissa un fin sourire, choisissant ce moment pour lui révéler cette information tout sauf anodine qui avait très clairement de fortes chances de changer la donne, et ce à plus d'un titre. J'ai retrouvé Mordred, ajouta-t-elle alors sans en dire plus pour le moment.

Viviane était la seule, Arthur mis à part (et sans doute Merlin, à qui Arthur n'aurait sans doute pas résisté à l'idée de lui apprendre la vérité), à connaître l'existence de cet enfant incestueux tout comme le sort auquel le roi l'avait condamné. Il avait pensé avoir mis fin à ses jours, mais il était toujours là, et Morgane ferait de son fils l'arme la plus puissante possible.

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iviane avait sans doute raison, Morgane ne se défiait certainement pas assez d'Arthur, cela étant, elle était loin d'ignorer que sa gentillesse et sa bonté d'âme faisaient de lui un roi aimé de son peuple, bien plus que ne l'avait été Uther Pendragon. Elle en avait totalement conscience, et cela l'exaspérait au plus haut point. Il n'empêche que dans les hautes sphères et dans l'entourage présumément proche d'Arthur, tout n'était que mensonges, trahison et conspiration, de quoi peut-être mettre à rude épreuve la proverbiale patience du roi, qui au fond n'était pas toujours si aimable qu'il paraissait l'être au regard de son peuple. Morgane ne dit rien pour l'heure, se contentant de hocher la tête. Elle ne se laissait dicter de directives par personne, mais la dame du lac faisait exception, elle avait confiance dans ses idées et son jugement, et si leur motivation n'était pas la même, leurs intérêts restaient communs dans tous les cas. Et elle avait raison, voir son peuple se détourner de lui, un peuple qui l'avait tant aimé, ce serait une humiliation à la hauteur de toutes celles qu'elle envisageait de lui faire subir.

Quand elle évoqua Mordred, Morgane fut surprise de constater que Viviane réagissait comme si elle avait toujours été au courant du fait qu'il était toujours en vie. Mais peut-être était-ce le cas ? Morgane lui en voudrait un peu, mais ne serait pas forcément surprise, il n'y avait pas grand-chose qui échappait à Viviane. Elle garda pour elle cette pensée, se contenta, une fois encore, d'écouter son mentor. Elle pensait la même chose, en ce qui la concernait. Elle ne voyait pas qui pourrait mériter plus que son fils d'accéder au trône, pas seulement parce qu'il était le fils d'Arthur, mais parce qu'il avait une revanche à prendre sur le roi.

-Il ne sera pas nécessaire de le rendre détestable, répondit-elle avec assurance. Il suffit de montrer au peuple le vrai visage de son roi.

Au-delà de l'homme tendre, clément, et généreux. Il y avait un homme cruel, violent, le genre d'homme capable d'assassiner toute une embarcation de nouveaux-nés dans l'espoir d'atteindre son propre fils.

-Et je pense savoir comment le pousser dans ses retranchements.

Elle en était sûre, même. Elle était d'accord, la stratégie de Viviane était la meilleure. Et elle comptait faire tout son possible pour la mettre en oeuvre.

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organe avait bien conscience de tout ce que lui disait Viviane. Elle pensait haïr d'autant mieux son demi-frère qu'elle le connaissait justement très bien. Certes, cette haine l'aveuglait et faute d'appréhender un plus grand dessein, elle se contentait bien aisément de cette simple vengeance personnelle qui servait de fin en soi. Il faut dire que le destin de l'humanité ne l'intéressait guère, elle ne se souciait jamais que d'elle. Enfin non, elle se souciait également de Mordred. Etrange sentiment que celui d'avoir dans son sillage un être qui nous importe plus que soi-même.

Oui, Arthur avait très bien su forger autour de lui une solide armure d'illusions à laquelle le peuple prenait grand soin de croire (encore que plus elle le sondait, ce bon peuple, plus elle découvrait des fissures dans cette armure présumément imprenable). Oui, il faudrait s'armer de preuves concrètes pour faire tomber le roi, et Morgane se sentirait pour tout dire assez déçue que Viviane sente la nécessité de le lui souligner, comme si cette évidence ne s'était pas imposée à elle dans l'instant. Elle ne comptait pas contrer son fidèle ennemi avec du vent, non. Des preuves, elle saurait en fournir, et plus d'une puisque c'était nécessaire. Elle savait combien la vérité pouvait être niée par ceux qui n'avaient pas envie de l'entendre, elle était la première, d'ailleurs, à être capable de cette sorte de faiblesse. Mais nul homme n'était tenu à l'invincibilité ni à la gloire éternelle. Arthur pas plus qu'un autre.

-Je pourrais te révéler mes plans dans le moindre détail, mais j'ai pour principe, et je crois bien que tu me l'as inculqué, de ne dévoiler mon jeu qu'au moment de gagner.

Même à Viviane, qu'elle estimait pourtant plus que n'importe qui d'autre. Mais le fait est qu'elle ourdissait ce projet depuis bien trop longtemps, et il lui tenait bien trop à coeur pour qu'elle ne souhaite pas en retirer, à terme, tous les lauriers. Leurs intérêts mutuels s'arrêteraient toujours où leurs intérêts respectifs commenceraient, et en l'occurrence, si les deux pouvaient se rejoindre, Morgane voulait aussi prouver à son interlocutrice qu'elle était tout à fait capable, et plus que ce que Viviane soupçonnait sans doute.

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organe, en effet, par accès d'orgueil, avait bien envie d'estimer ne plus avoir grand chose à apprendre de celle qu'elle considèrerait toujours et quoi qu'il advienne comme son mentor. Elle n'en était pas au point d'avoir la bêtise de croire que l'élève avait dépassé le maître (elle avait trop d'estime pour Viviane, et même si elle souhaitait garder ses projets pour elle, cela ne signifiait pas pour autant qu'elle la respectait moins pour une fois, c'est seulement qu'elle avait envie de cheminer seule, pour cette fois, et cela impliquait de ne parler à personne de ce qu'elle ourdissait), mais elle pensait quand même avoir tiré de précieuses leçons des nombreuses heures qu'elle avait pu passer à écouter les conseils et les prédications de la Dame du Lac. Elle se contenta donc d'afficher un fin sourire à cette remarque, sourire qui se crispa légèrement quand elle lui proposa de revenir accompagnée de son fils, la prochaine fois.

-J'ignorais qu'Yvain puisse t'intéresser en quoi que ce soit, répondit-elle d'un ton à peine innocent, se ressaisissant bien vite, du ton de celle qui ne se connaîtrait aucun enfant "bâtard" (même si le bâtard était pour la peine de sang royal).

C'était simplement ce qu'elle dirait toujours à quiconque évoquerait son fils en parlant de Mordred. Yvain était un incapable (selon les critères de Morgane), et elle n'éprouvait pour lui que du mépris, mais il faisait un parfait homme de paille quand la situation le demandait. Bon, bien sûr, Viviane ne pouvait être dupe à ce sujet, elle était l'une des rares personnes à connaître l'existence de Mordred, et à présent à savoir qu'il était en vie. Au fond, ce n'était sans doute que très légitime qu'elle le rencontre. Mais pour l'heure, Morgane n'était pas prête à le livrer au regard de qui que ce soit si ce n'est à ceux qu'il devait duper. Mordred était l'élément clé, celui qui ferait tomber Arthur du trône et prendrait sa place. Elle ne voulait pas sortir cet atout de sa manche à tout va. Elle estimait seulement que c'était trop tôt. Et aussi, et ce même si leurs intérêts étaient partagés, elle ne voulait pas que Viviane utilise Mordred à ses propres fins. Même si elle ne souhaitait peut-être le rencontrer que par pure curiosité.

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