Visite de courtoisie. (Giselle)

N

ouveau jour, nouvelle épreuve. Le soleil se levait et Giselle devait se forcer à quitter l’abri de ses couvertures, l’abri de l’inaction. La solitude commençait sincèrement à peser, pour la jeune orpheline. Gaspard ne pouvait évidemment pas lui accorder tout son temps, il était chevalier, mais égoïstement elle aurait aimé qu’il le puisse. Pas qu’elle le lui reproche, Giselle soutenait son frère de tout son cœur… Il pouvait devenir un homme d’exception, si seulement il arrêtait d’écouter les mauvaises personnes…

Après un réveil tardif, Giselle est préparée par sa servante et s’en va reprendre ses activités habituelles, notamment le tissage d’une tapisserie sur laquelle elle travaillait depuis des mois maintenant… Bien avant le trépas soudain de son père. L’arrivée d’une servante pour lui annoncer que le Seigneur de Landuc demandait audience était une diversion appréciable. C’est sans trop de regret que Giselle abandonne son ouvrage pour descendre accueillir correctement le père de son amie. Elle ne connaissait que peu de monde, mais s’était fait des de Landuc de proches alliés, en ce jour chanceux ou les nobles avaient trouvés refuge de la tempête chez elle.

Giselle se souvenait encore avec assez de clarté leur court séjour, ou elle s’était liée d’amitié avec la fille de presque son âge, Laudine. Son amie, qui lui manquait énormément, et qu’elle aurait aimé avoir près d’elle en ce moment… Mais elle devait se contenter de lettres, même si c’était difficile.

Giselle va à la rencontre d’Edwin avec un fin sourire, et incline gracieusement la tête par respect et reconnaissance. Ces mots étaient vides de sens, venus d’inconnus. Mais pas de sa part. « Mon Seigneur Edwin. » le salut-elle avec une voix plus douce et chaleureuse que ce qui pouvait habituellement sortir de sa bouche. Son ton est grave, pourtant, comme le sujet, comme l’époque pour les Gabet. « Vous n’imaginez pas à quel point cela compte pour moi. En ces temps sombre… Vos mots sont un baume sur mon cœur. »

Et cela est difficile, pour Giselle, de garder la face, lorsqu’elle regarde Edwin, et qu’il lui fait si fortement penser à son père. Pas pour son physique, mais pour sa personne. Edwin aussi, avait élevé seul sa fille, lui aussi avait perdu son épouse, il avait vécu tant en commun avec Obéron… C’était aussi ce qui rendait Laudine et Giselle si proches, leurs histoires. C'est donc les prunelles emplies d'une profonde tristesse qu'elle répond au seigneur de Landuc.

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E

dwin de Landuc n’était pas le premier noble à être venu présenter ses respects aux Gabet -ce dont elle ne lui en voulait évidemment pas, il venait de loin et ne pouvait pas quitter son domaine quand il le voulait. Oberon était très respecté pour ce qu’il avait fait sous le règne d’Uther Pendragon puis de son fils. Il était un des chevaliers les plus renommés avant que la Table Ronde ne soit créée et que des chevaliers plus jeunes s’illustrent de par leur courage et exploits. Si bien que la jeune noble avait vu beaucoup de passage depuis son enfance… et après le trépas de l’homme. D’anciens compagnons d’armes, d’autres nobles, amis ou famille éloignée… Gaspard avait géré la majorité d’entre eux, notamment parce qu’il se méfiant des « vautours », comme il disait, qui pourraient vouloir profiter de leur nouvelle situation. Giselle ne comprenait pas vraiment, car selon elle son frère était jeune mais il était l’unique personne digne de s’occuper de leurs terres. Même si d’autres les convoitaient, ils n’avaient aucun appui pour le faire.
Mais que lui importait ces soucis politiques, Giselle était suffisamment préoccupée par le deuil et la culpabilité. Culpabilité, d’avoir mentit à son père jusqu’à son dernier jour. Culpabilité, car elle ressentait une forme de soulagement à l’idée qu’il ne saurait jamais ce qu’elle était, qu’elle n’aurait pas à risquer le courroux ou dégoût de son paternel… Mais en même temps, l’incertitude. Car qui sait ? Peut-être aurait-il pu l’accepter ? Changer ses vues sur les créatures magiques ?
Elle ne le saurait jamais. La mort l’avait privée plus que d’un père, d’une réponse à son plus grand tourment.
 
Giselle est sincèrement touchée par la proposition d’Edwin. Il était si prévenant, comme s’il voyait derrière le masque de force et de noblesse qu’elle tentait de maintenir en public – dos et menton droit, volonté chassant les larmes. En tant que dame, elle devait maintenir les apparences. Donner un exemple de bonne conduite et de grâce pour sa maisonnée… Mais ce n’était pas toujours facile. « Vous êtes un homme bon, seigneur, et Laudine est la plus chanceuse des filles. » sourit-elle (un sourire tremblant, mais sincère) avec plus d’émotion qu’elle n’était confortable d’en montrer. Mais Edwin de Landuc était une personne en qui elle avait confiance, même si personnellement elle ne le connaissait pas tant que cela. « Bien que nous ne soyons pas très proches, vous et moi, je dois avouer que j’ai comme l’impression de vous connaître… Après toutes ces années à échanger avec votre fille. Il n’y a pas une lettre ou votre nom n’ait été mentionné, le savez-vous ? » C’était la vérité. Si Giselle ne comptait pas livrer les secrets qu’elles s’étaient échangées depuis l’aube de leur amitié, car elle avait la confiance de Laudine, elle pouvait au moins avouer cela. Son amie parlait constamment de son père, surtout en bien, très rarement en moins bien (seulement concernant son histoire d’amour avec Yvain de Gorre) et à force Giselle avait lu de si nombreuses lignes sur les qualités du père qu’elle avait l’impression de le connaître… au moins un peu. Quoi qu’il en soit son soutient signifiait beaucoup, de même que la main qu’il pose sur son épaule. Giselle, plus que jamais, vois des similitudes avec feu son père, et son expression s’assombrit sous la tristesse.
 

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