Les reines Dragons [pv Ena Koad]

L’imposant royaume du silence s’étendait à perte de vue au-delà des murs de pierres cyclopéens de Camelot. Quel curieux contraste. La ville et son palais, étaient morts, faite de pierre froide alors que seuls ses occupants apportaient la chaleur manquante et la vie. Alors qu’ici, les colonnes qui nous entouraient étaient aussi vivantes que les créatures peuplant cet endroit. Soutenant un dôme de verdure qui respirait aussi bien que vous et moi. Buvant la lumière du soleil, ce toit naturel laissait filtrer quelques rayons, accordant aux sujets du royaume de Gaïa et de Faunus leurs bienfaits. Paradoxalement, ce monde qui était entièrement vivant, paraissait moins éveillé que celui des hommes. Bien timides, les créatures qui jadis, foulèrent la terre bien avant le mortel bien-aimé du Ciel, restèrent cacher de son approche. Seul le chant de quelques ménestrels volants nous accompagnait durant notre promenade. Le poète vous raconterait une belle histoire contée par ces messagers à plumes. Mais la vérité fut tout simplement que ces créatures célestes ne se préoccupaient que de leur survie.

Pour ma part, j’ignorais où se trouvait ma place. Ma vie fut partagée entre deux mondes. J’eus aussi bien connu la vie sauvage, dormir et respirer au cœur d’une forêt au milieu de créatures indomptables, que dans un château avec gens et bons services. Nous pouvions dire que je savais m’adapter au lieu qui m’accueillait, et donc, si jamais le besoin se faisait sentir, je pouvais toujours changer au cas où. Voilà déjà peu de temps que je suis arrivé à la cour de Camelot. Les courtisans me paraissaient fort aimables, et le roi Arthur était un bon seigneur qui savait se faire bon hôte. En peu de temps, je sus m’informer sur le fonctionnement de son royaume, de son histoire et de qui était qui a peu de choses près. Juste quelques repères pour savoir où je poserais le pied. Mais pour le moment, les miens me menèrent dans ces bois si frais où quelques brises s’engouffrant entre les hautes tours naturelles, donnèrent la sensation qu’un géant soufflait tout près.

Comme toujours, nous étions deux à marcher. Mon fidèle Garrett de Poitou, celui qui a offert sa protection depuis mon arrivée dans le royaume des Francs, me suivait depuis ce jour. Ancien habitant de la forêt enchantée de la fontaine Soif, il se sentit dans l’obligation de veiller sur ma sécurité depuis si longtemps. Mais moi, je ne voulais pas le voir comme un simple serviteur. Au contraire, il était ce que nous pouvions appeler comme un meilleur ami, un confident, un frère, ce que vous désiriez. Alors, nous échangions quelques pensées sur le chemin, nos impressions, nos inspirations. J’espérais qu’un jour, ce chevalier prendrait un peu plus son indépendance. Après tous ses bons et loyaux services, il méritait de vivre sa propre vie.

Notre chemin nous conduisit à travers les arbres et les fougères. La végétation semblait s’écarter à notre passage, comme exécutant une révérence devant notre venu. Evitant de m’imposer en les écrasant, je pris mon temps, caressant du bout des doigts les feuilles et les tiges qui courbèrent l’échine. Puis, toute plante disparue. Nos pieds foulèrent un sol recouvert de cailloux de toutes tailles, qui longeaient le courant d’une rivière. En plus des oiseaux, nous avions l’orchestre des flots rapides qui serpentaient à nos pieds. Respirant un bon coup l’air si fraiche et vivifiante, je m’exclamais :

"Quel monde époustouflant. Il doit resplendir si nous allions à la brune."
"Oui madame. On dit que pendant le vêpres, le ciel est comme en feu et la rivière devient violette."
"Alors mon ami, ce choix ne fut pas un hasard. Vous me connaissiez bien et saviez que la beauté de la nature me manquerait."
"Oui madame. Je savais que les forêts du Poitou vous manqueraient, et que ce paysage vous serrez parenté."

Tout me paraissait paraître sous les meilleurs signes qui soit. Mon séjour à Camelot, me paraissait prometteur, du moins le temps qu’il m’aurait fallu pour m’installer officiellement. Car toujours, je fus la fée à la fois bienfaisante et maléfique de mon ancien domaine. A cause de la trahison d’un homme, un monde utopique aurait pu exister. Mais depuis, ce n’était que malheur et désolation. J’eus toutefois fait pour que le Lusignan ne tombe pas complétement en disgrâce, mais je savais par un présage donné lors de ma disgrâce, qu’un jour, ma lignée ne serait plus que légende et que le domaine serait réduit à rien, où la misère deviendrait maîtresse.

Chassant ces idées bien funestes de mon esprit, je m’installais près du court d’eau, laissant Garrett se promenait et inspecter les lieux. Que j’aimais fermer les yeux, me détendre et laisser le soleil réchauffer ma peau et entendre le cliquetis de l’eau. Si je ne fus fée bâtisseuse, je serais restée fée sylvestre. Mais alors que je me détendais dans les bras de mère nature, un bruit me tira de ma méditation. Quelqu’un approchait et tournant ma tête vers sa direction, je demandais d’une voix calme et rassurante :

"Y’a-t-il quelqu’un ? N’ayez donc pas peur et approcher bon ami. Je vous créant qu’aucun dessin ne se profile dans mon cœur."

Ce fut bien plus qu’un bruit qui me mit en alerte. Non, en réalité c’était une force. Une présence, une énergie, quelque chose de familier qui m’attirait et qui m’appelait. Un lien qui s’amplifiait à mesure que cela se rapprochait.

La présence se dévoila à moi. Un esprit sylvestre se détachant du mur végétal, d’un pas tranquille, me toisait du regard. Comme toutes créatures des bois, ce fut les traits d’une jeune fille aux cheveux d’or et à la silhouette angélique qui fut matérialisée. Non une nymphe curieuse et craintif de l’homme qui avançait, mais bien un esprit fort et maître du moment qui m’accordait une audience. Qui pouvait-elle bien être ? Fée, sorcière, paysanne ou herboriste, son aura ma paraissait des plus curieuse. Elle avait un lien avec la magie, j’en étais sûr, mais ce trait différait beaucoup de celui de Dame Morgane, le premier disciple des arcanes rencontrer à Camelot. Quoi qu’il en soit, prudence était mère de vertu, mais courtoisie des bons amies.

"Rien en effet, mais j’imagine que si vous veniez pour un funeste plan, vous l’auriez déjà exécuter. Et sinon, venir directement me voir serait fort stupide."

La perfidie pouvait tromper le cœur le plus adroit. Mais je doutais qu’elle eut la moindre mauvaise intention à mon égard. Cependant, elle pourrait bien venir juger des forces adverses, et quoi qu’elle en déduirait, une attaque ou un repli, si ce n’était une alliance serait à envisager. Mais non, son visage ne témoignait aucun mobile cacher et j’eus côtoyer des hypocrites et vipères dans ma vie, pour finir par reconnaitre les premiers signes de tromperies. Mais ne nous tardions pas sur ce sujet au combien complexe. J’en remplirais tout un manuscrit rien que sur cela. Avançons donc dans notre histoire.

Une rencontre qui aurait put paraitre des plus communes. Ceci dit, là où nous prions avoir la paix, la vision d’un être si mystique ne présageait en rien une vie lambda. Et loin de m’en déplaire, j’aimais tirer avantage de chacune d’elle. De la plus simple mortelle, à l’enfant des dieux. Chacun à sa façon, pouvait être utile à un très grand dessin. L’inconnue allait donc en faire partie ? Quel rôle pourrait-elle jouer ? Aucune idée, je ne pensais déjà pas à l’enrôler dans quoi que ce soit. Peut-être aurais-je une idée maintenant, ou plus tard, ou jamais, laissons le destin faire les choses, car jamais rien ne se faisait sans son consentement. Poursuivons donc la trame de cette histoire et voir ce qu’il fut décider pour nous en suite.

"Cette forêt est bien grande ma chère. Pouvez-vous connaître chaque âme qui vient y fouler le pied nuit et jour ? Cela dit je ne vous donnerais pas tort. Je viens de la capitale même, mais en réalité je suis fraichement débarquer sur vos cotes."

Allez savoir, cette inconnue pouvait bien être la gardienne de ces bois, une garde forestière, une chamane ou sorcière ? Si oui, effectivement j’aurais fait une rencontre qui me serait fort avantageuse. J’eus besoin de rencontrer du monde afin de sortir de cette routine m’isolant de tout et de tous. Ambassadrice officieuse, j’errais ça et là, restant une ombre sans rien apporter. Une boucle paraissant sans fin, mais qui en réalité, risquait fort de me couter fort chère pour la suite. Donc autant jouer le jeu. Exprimant toute la politesse qui fut possible, je cherchasse à gagner les faveurs de l’illustre inconnue, bien désireuse d’en savoir autant sur elle, qu’elle sur moi.

"Mais vue que vous le demandez, je me présente. Dame Mélusine. Invitée de Camelot, dame du continent. Et vous êtes ?"

Nous pouvions dire que cette inconnue n’était pas des plus amicales. Femme froide fut-elle, elle refusa de me répondre et s’adressa à moi, comme si elle était reine, et moi simple paysanne venant d’entrée dans son château. Je voulu bien croire qu’elle puisse vivre dans cette forêt et soit curieuse des visiteurs s’en approchant. Mais j’avais du mal à croire qu’elle soit maîtresse de ces bois. Si encore qu’elle était fée, je lui accorderais cela, mais rien ne la désignait comme telle. De toute manière, je fus bien placé pour connaître l’arrogance de mes semblables, se croyant souvent souverain d’une forêt ou d’une montagne sans consentement de cette dernière. Mais pour reconnaitre le maître d’un bois, il existait une caractéristique que l’inconnue semblait manquée.

Cela me fit bien rire de l’entendre me questionner en retour. Quelle impudence. Refuser de me répondre, mais en exigé encore après… Voilà qui n’était point noble et démontrait un cruel manque de savoir vivre. Moi qui est pourtant fait l’effort de me présenter et tendre les mains vide de toute arme ou enchantement. Pourtant, bien que j’eusse de quoi m’offusquer, je gardais mon sang-froid et lui répondais néanmoins avec une pointe de sarcasme. Je voulais bien être poli, mais qu’on ne me marche point sur les pieds.

"Peu importe. Vous ne me connaissez pas." Lui renvoyais-je donc avec un sourire carnassier en pleine figure. "Vous avez un avantage sur moi. J’eu la courtoisie de vous informer un peu sur moi déjà. Et donc, si vous désirez en savoir un peu plus, soyez bonne marchande et donnez quelque chose en retour."

Après tout, n’était-ce pas vrai ? Pourquoi quelqu’un devrait tout raconter, et son interlocuteur se taire ? Elle n’avait après tout aucune autorité sur moi. Depuis mon exil, j’étais comme un esprit libre qui n’avait plus de maître. Et bien que je respectasse la souveraineté de certaines créatures, j’exigeais en retour, le respect. Sans vouloir me montrer trop vantarde, je fus à l’origine de bien des royaumes, et précipité certains à leur chute. Alors disons que pour m’effrayer ou même m’intimider, il fallait se lever de bonne heure. Sans oublier tous ces opposants que j’eus affronter et dont j’en sortais victorieuse à chaque fois, sans me retrouver avec la moindre blessure, même pas la plus petite cicatrice.

"Et ne me sortez pas que vous êtes maîtresse de la forêt. J’eus déjà foulée plus d’une fois le sol de cet endroit sans jamais vous rencontrer ni vous, ni un de vos fidèles."

Peut-être était-ce différend sur la grande île, mais sur le continent, quand un intru venait dans une forêt protégée, le maitre des lieux allait soit se confronter à l’individu, ou bien chargeait-il à un de ses subordonnés d’espionner. Et à bien entendu, un être magique pouvait les sentir et les reconnaitre. Or dans cette forêt, je n’eus rencontré ni l’un ni l’autre. En même temps, on dirait que chacun d’eux se cachait du monde, accroupie sous un arbre et fuyant au moindre bruit.
On me racontait tant d’histoires sur les nombreux peuples vivant dans les forêts, lacs, rivières, montagnes et champs. Mais croisé leur route paraissait si difficile voir impossible. A la longue, ils seront relégués au rang de légende, et pour ceux qui y croiront encore, ils deviendront la cible de chasseur plus mal avisé que ceux d’aujourd’hui, pour servir de trophée ou bien d’ingrédients. Si on voulait faire bouger tout le monde, on aurait sans doute beaucoup de travail à faire.
Mais pour le moment, terminons cette confrontation. J’ignorais qui elle était, ce qu’elle voulait vraiment, malgré cela je ne comptais pas me laisser faire aussi facilement. Au bien sûr, je pouvais baisser le regard et partir. Mais pas aussi vite. Si je devais m’en aller, je le ferais à ma manière, m’assurant que même si d’apparence je capitulais, en réalité je remportais une formidable bataille.

La déclaration ne manqua pas de faire sourire Mélusine. Car un peu plus, et la fée aurait pariée que cette étrangère aurait affirmée être la reine ou la protectrice de ces bois. Or, elle confirma l’inverse. Cette dernière ne manquait pas d’arrogance, et même si elle se montrait plutôt brutale dans ses propos, elle savait agir avec un peu plus de diplomatie. Cependant, on ne trompait pas la fée du Poitou aussi facilement. Elle savait reconnaitre un sourire faux et quand quelque chose se tramait dans l’esprit de son interlocuteur ou interlocutrice. Là, on jouait un peu à qui baissera sa garde en premier pour finir dévorer.
Car derrière ces beaux sourires, on pourrait entendre chacune de ces dames grognaient, la situation étant quelque peu tendue. En tout cas Mélusine fit toujours attention là où elle mettait le pied, chacune de ses paroles étant réfléchis, les mots soigneusement choisis avec soin.
Au moins, l’étrangère dévoila son nom. « Ena ». C’était une première victoire, mais en aucun cas, un signe de début de bonne entente. La méfiance était de mise, surtout que la fait ne savait encore à qui, elle avait à faire et inversement. Maintenant, que cet échange fut fait, cette Ena en profita à son tour pour demander un renseignement. Était-elle une proche dur roi Arthur ? L’information pouvait paraitre anodine, mais dame du Lusignan, avait déjà compris depuis le temps, que toute demande n’était pas innocente, et qu’Ena poursuivait sans doute un intérêt n’ayant rien de dépourvu d’attentes bien sombres. Lesquelles ? Impossible de le dire, Mélusine resta tout de même méfiante.

"Je suis une invitée, en quoi ais-je dis être proche ou éloigner ?"

A la cour, les invités justement étaient très souvent la pour raison politique. Bien qu’on louât la sagesse et la bonté du roi de Camelot, Mélusine suspectait quelques intérêts également d’ordre plus politique. Après tout, quand on parlait du Lusignan, c’était un peu comme l’Aquitaine. On gardait en mémoire son passé glorieux, les richesses accumulait rapidement, la prospérité accordée par le Ciel. Donc, avoir un dignitaire près de chez soi de ces contrés si riche, c’était un peu comme s’attirer la chance de la fortune. Ce n’était peut-être pas les intentions du roi Arthur, mais Mélusine connaissait tellement ce genre de mentalité.

"Après un long voyage à travers le continent, votre bon roi eut la gentillesse de m’accorder asile chez-vous. Homme sage et droit, ainsi suis-je arrivé. Le connaissez-vous donc pour vous enquérir de ses connaissances ?"

Mélusine sentait vraiment que la question sur le souverain, n’était en rien anodine. Ena aurait put demander par curiosité pourquoi était-elle venue ou comment était le continent etc. Un pressentiment sans doute, en tout cas la fée du royaume Franc, se doutait qu’elle ne risquait pas de voir son intuition se confirmer. Peut-être bien qu’aussi, ces années d’errance l’ayant rendue quelque peu paranoïaque. Pas assez selon son fidèle Garrett. En tout cas, cela lui donna un incroyable don d’intuition, la rendant quelque peu capable de deviner, mais pas toujours, les mobiles du cœur.