La réunion des fées [pv Morganne de Gorre]

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omment Morgane avait-elle fait pour passer tant de temps loin de son fils (Mordred, hein, pas l'autre dont elle se moquait totalement) ? Elle n'en savait rien et n'avait vraiment rien envie d'en savoir, elle voulait faire table rase de cette absence, en asphyxier le souvenir en le canalisant via une douce et parfaite vengeance qu'il l'aiderait à accomplir.

Depuis qu'elle l'avait retrouvé, sa haine envers Arthur (qui n'en avait pourtant guère besoin) avait décuplé. Elle était plus que jamais motivée à lui faire payer le prix du moindre de ses affronts. Et l'heure était proche, pour son plus grand plaisir. Même s'il lui restait encore de nombreuses choses à accomplir, un tableau d'ensemble à peaufiner, ne serait-ce que pour déterminer la place de tous les protagonnistes de cette délectable histoire de vengeance. Morgane avait quitté Mordred il y a quelques jours seulement, ravie de le savoir installé à Camelot, et attristée de ne pouvoir y rester elle-même car le devoir l'appelait à Gorre, et elle ne pouvait s'y soustraire. Il était temps pour elle de reprendre le cours de ses ambitions.

Une fois de retour chez elle, elle eut le plaisir de n'y trouver ni Urien, ni Yvain, le mari comme le fils trop occupés sans doute à courir après cette chimère qu'était à ses yeux le Graal que son demi-frère considérait avec une naïve impatience, celle d'un homme qui avait renoncé à gouverner par ses propres moyens. Elle avait donc tout loisir de procéder à ses plans, et parmi eux, il y avait la nécessité, bien sûr, de façonner de nouvelles alliances.

C'était pour cette raison qu'elle avait invité Mélusine chez elle. Elle avait immédiatement senti chez cette femme une puissance magique aiguë, que jusqu'alors elle n'avait ressenti qu'au cours de ses électriques conversations avec Merlin, ou en présence de sa mentor Viviane (avec qui elle devrait songer à faire la paix au demeurant après leurs frictions de la dernière fois). Cette femme, qu'elle soit pour elle ou contre elle, pouvait avoir son importance, sur l'échiquier, et Morgane devinait d'avance qu'il était préférable de l'avoir de son côté. Une chance, Mélusine avait répondu favorablement à l'appel. Et voilà qu'elle se trouvait à présent en sa demeure.

-Soyez assurée que le plaisir est entièrement réciproque. Que diriez-vous de faire le tour du propriétaire ? Ainsi nous pourrions deviser seule à seule. Je gage que nous aurons de nombreuses choses à nous dire.

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élusine répondit favorablement à sa proposition, et Morgane s'engagea donc à proposer à son invitée une visite digne de la curiosité qu'elle éprouvait peut-être à découvrir plus en détails le domaine de Gorre. Il sembla que la visite faisait son petit effet, en tout cas, Mélusine se confondit en quelques compliments auxquels Morgane répondit avec un très fin sourire. Elle hocha la tête quand son interlocutrice suggéra qu'elle devait être fière de ses terres... Contrairement à ce que son geste laissait prétendre, ce n'était pas du tout le cas. Elle n'était ni fière ni honteuse de ses terres.

Certes, elle reconnaissait que les lieux avaient leur attrait, mais elle s'en moquait. Ce lopin de terre ne représentait absolument rien pour elle. Tout ce qu'elle associait à Gorre, c'était son mariage avec Urien, et elle n'en retirait honnêtement rien de bien attrayant, tout au contraire. Tout ce que son mariage lui avait valu, c'était un nom, une fortune dont elle n'avait cure, et un fils qui l'indifférait encore davantage, mais Mélusine n'avait nul besoin de savoir quoi que ce soit de cela. Elles n'étaient pas là pour parler de cela de toute manière.

Dans un premier temps, Morgane se contenta de rompre le silence dans l'unique but de faire quelques commentaires sur les différents lieux qu'elles traversaient au fil de leur progression. C'était une façon de jauger quelque peu le tempérament de son interlocutrice sans pour autant entrer trop directement dans les détails. Malgré tout, il fallait bien, à un moment ou à un autre, qu'elles rentrent dans le vif du sujet. Raison pour laquelle, après un moment, elle daigna en dire davantage, d'autant qu'il semblait que Mélusine attendait cela de sa part, surtout, qu'elle lance la première les "hostilités".

-Vous devez avoir une bonne idée des raisons qui m'ont poussée à vous inviter ici, n'est-ce pas ?

Elle n'en dirait pas plus pour le moment, mais elle estimait que cette entrée en matière se suffisait à elle-même, sans l'ombre d'un doute, et qu'il n'y avait pas besoin de plus. Ce qui allait être intéressant, à présent, serait de connaître la réponse de son interlocutrice. Savoir sous quel angle elle choisirait de présenter précisément les choses... Elle, elle ajusterait son propre tir en fonction.

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organe n'attendait pas moins que de la sincérité de la part de son interlocutrice, et c'est ce qu'elle obtint effectivement. En même temps, si le mensonge était un art dans lequel Morgane excellait, suffisamment pour en savoir l'intérêt et les mérites, elle savait aussi distinguer les occasions au cours desquelles ce mensonge s'avérait nécessaire et celles qui ne le nécessitaient guère.

En l'occurrence, il était évident que si elles voulaient savoir l'une comme l'autre à quoi s'en tenir de manière générale, la transparence était de mise... Bon, une transparence qui aurait sans doute ses limites, car certaines vérités n'étaient pas forcément bonnes à dire et Morgane était bien loin de vouloir tout confier à son interlocutrice, mais quelques-unes du moins, celles qui mettaient en confiance et pouvaient vous éclairer sur les intentions de l'autre, du moins.

-Ma situation n'est pas inconnue, répondit Morgane, du roi moins encore que de qui que ce soit d'autre. Et pour cause, Morgane n'avait pas manqué d'utiliser ses pouvoir sur et contre Arthur, aussi, en ce qui la concernait, et à l'instar de Merlin, sa réputation était faite et beaucoup savaient qu'elle possédait des pouvoirs magiques, et qui plus est puissants et redoutables.

Etait-ce une bonne chose ? Morgane ne le jurerait pas. Peut-être le secret aurait-il été préférable sur certains points. Mais dans tous les cas, ce qui était était, et Morgane comptait bien assumer cette situation, comme elle avait toujours assumé toutes les autres la concernant.

-Pour votre part, si le moins de personnes possibles sont au courant, je ne saurais que vous conseiller que les choses demeurent ainsi.

C'était un conseil qui serait profitable à Mélusine, en effet... mais ce n'était pas dans ce but que Morgane s'exprimait ainsi. Si d'autres découvraient la nature de son interlocutrice, ils choisiraient peut-être de bénéficier de ses dons... Pour l'heure, elle voulait qu'elle devienne son alliée, et à elle seule. Et donc, il ne fallait pas qu'il en soit autrement, tout simplement.

-Peut-être avez-vous entendu parler de ce groupe d'individus que l'on nomme les chasseurs ?

Autant aller jusqu'au bout de son raisonnement. De cette manière, elle saurait sans doute se montrer plus convaincante qu'elle ne l'était à l'heure actuelle. Et pour la suite, ce pouvait bien ne pas être négligeable.

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élusine n'avait jamais entendu parler des chasseurs. Pour autant, elle ne mit pas longtemps à comprendre de quoi il retournait et quelle espèce d'individus pouvait bien daigner un nom si incisif... Chasseurs, cela n'inspirait d'office ni la sympathie, ni la confiance, et c'était évidemment volontaire de leur part. Dans un premier temps, quand Morgane avait entendu parler de ce groupuscule déterminé à la perte de tous les êtres magiques, elle avait doucement ri. Que pouvait-elle, cette bande de bras cassés, face aux pouvoirs quasiment infinis que certains d'entre eux possédaient ? Morgane se sentait au-dessus de tout cela... c'était toujours le cas, d'ailleurs, elle restait convaincue qu'aucun d'entre eux ne parviendrait jamais à lui faire quoi que ce soit.

Mais force était de constater que beaucoup de ses pairs étaient déjà tombés sous leurs assauts. Et leurs idéaux se répandaient doucement comme une trainée de poudre, pour peu qu'on y prête l'oreille. d'aucuns se laissaient séduire par leurs discours de haine, et il y avait de quoi, en effet, en toute honnêteté. Il se murmurait notamment que les idées du roi se laissaient pervertir par la fréquentation malavisé de sa fée de belle-soeur et de son magicien de conseiller. Elle ne pouvait pas leur donner tort. Les intentions de Morgane à l'égard d'Arthur étaient tout sauf pacifiques, quant à Merlin, s'il était manifeste qu'il était du côté du roi, son influence sur lui était également très claire, et il était légitime de ne pas y percevoir que du bien.

-J'en sais trop peu encore sur ces chasseurs, si ce n'est qu'ils ont causé la perte de bien trop des nôtres déjà, et qu'il serait une grave erreur que de les négliger.

Par contre, s'en débarrasser serait la meilleure des solutions. Seulement, les chasseurs étaient pour le moment une entité sans visage. Ils agissaient dans l'ombre, masqués, et l'identité d'aucun d'eux n'avait jamais su être connue. De même le nom de l'instigateur (de l'instigatrice, en l'occurrence) de ce groupe restait un véritable mystère, ce qui compliquait évidemment toute offensive.

-En ce qui me concerne, posez-moi toutes les questions que vous voudrez, j'y répondrai le plus sincèrement possible.

Ce qui signifiait donc qu'elle s'octroyait le droit de ne pas être si sincère si les questions de son interlocutrice devaient la mettre en difficulté. Mais elle verrait bien.

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élusine se montrait très curieuse à son sujet. Elle n'en était ni offensée ni surprise. Elle comprenait qu'elle puisse susciter nombre d'interrogations chez son interlocutrice, c'était même plutôt logique, et même si elle comptait bien sélectionner les informations qu'elle délivrerait à son interlocutrice, cela ne la dérangeait pas du tout que de répondre. Car, après tout, si elle ne se dévoilait pas, ne serait-ce qu'un peu, il lui serait impossible d'aller plus loin avec son interlocutrice.

Pour savoir comment se positionner vis-à-vis d'elle, il fallait qu'elle en apprenne plus à son sujet. Et pour en apprendre plus à son sujet, il fallait qu'elle se dévoile à son tour. Ce qui pouvait bien lui servir, en réalité. Car après tout, en fonction de ce que Mélusine penserait de son histoire, elle pourrait déjà se faire une idée de la suite.

-Bien sûr, mais je compte sur vous pour m'apprendre la vôtre ensuite, répondit-elle. Ce qui lui semblait tout à fait logique. C'était un échange de bons procédés. Elle considérait toujours que l'on n'avait rien sans rien, et elle s'y tiendrait quoi qu'il en soit, surtout dans ces circonstances bien particulières. Ma mère Ygraine, était mariée à Gorlois, duc de Cornouailles, nous avons été élevées, ma soeur et moi, dans l'amour et le respect. Mes parents étaient très attachées l'un à l'autre. Elle marqua une pause. Elle comptait bien accentuer le pathos, tant qu'à faire. Uther Pendragon désirait ma mère. Mais la digne Ygraine n'aurait jamais cédé à ses avances... elle n'aimait que mon père. Alors Pendragon, après avoir assassiné mon père, grâce à l'aide de Merlin, a revêtu son apparence pour parvenir à ses fins. J'avais cinq ans... Elle marqua une nouvelle pause. Neuf mois plus tard, Arthur naissait... et ma mère mit fint à ses jours. Cette partie de l'histoire était importante, elle concentrait l'origine de sa haine envers Arthur, même si elle ne présentait rien comme tel. Orpheline, j'ai été conduite au couvent, séparée de ma soeur... C'est dans cette période que j'ai rencontré la dame du lac. C'est à Viviane que je dois toutes mes connaissances et toutes mes commpétences.

Et elle allait s'arrêter là. Il y avait encore de nombreuses choses à dire sur elle, à commencer par tout ce qui concernait Mordred bien sûr, mais cela, elle ne le partagerait pas.

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organe ne pouvait pas savoir précisément quel impact son petit récit avait eu sur son interlocutrice, elle ne pouvait savoir si elle en avait été déçue, choquée, bouleversée, émue... Oh, elle connaissait quelques dispositifs qui pouvaient permettre de pénétrer les pensées et les émotions des autres, mais il ne serait pas vraiment discret de les mettre en oeuvre à l'heure actuelle. Si elle se fiait à ses seules impressions et à la réaction de Mélusine, il semblait de moins qu'elle ait fait mouche.

Alors oui, il était tout à fait probable que la jeune femme ait tout de même quelques réserves, s'interroge sur la légitimité de son discours, d'autant plus qu'elle devait avoir, comme beaucoup d'autres, un respect profond pour Merlin (voire pour Uther Pendragon, il y en avait certains comme cela, aussi improbable cela puisse-t-il paraître). Mais elle avait au moins entendu son récit, et il ne faisait aucun doute que, d'une manière ou d'une autre, il lui resterait en mémoire, et c'était ce qui importait, au fond. En tout cas, son interlocuteur lui affirmait qu'elle compatissait, et Morgane était tentée de la croire à son tour.

Elle ajouta qu'elle avait vécu une histoire qui n'était pas loin d'être similaire, et forcément, cela ne savait que forcer la curiosité de la fée. Elle était tentée de l'interroger pour en apprendre plus, d'ailleurs, mais Mélusine suggéra dans tous les cas de poursuivre cette conversation d'ici quelques heures, autour d'un bon dîner;

-Bien sûr. Quand il le fallait, elle savait prendre son mal en patience, même si ça n'aurait rien de franchement simple malgré tout, parce que son interlocutrice avait su titiller sa curiosité. Sachez tout de même que vous me mettez au supplice, car j'attends toujours d'en apprendre davantage sur votre propre histoire. Elle accompagna cette remarque d'un fin sourire avant de reprendre la parole. Je vais vous conduire jusqu'à ce qui saura être vos appartements tant que vous le désirerez, ajouta-t-elle en bonne hôtesse.

Car même si Morgane appréciait quand il le savait sa solitude, elle savait néanmoins recevoir. On ne saurait tout perdre non plus de son éducation quoi qu'il en soit, et pour sa part, elle estimait que plus l'impression que Mélusine aurait d'elle serait bonne, mieux ce serait quoi qu'il en soit, même si la nature de leurs relations restait encore à déterminer à l'heure actuelle.

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i Morgane demanda à qelques-uns de ses serviteurs de procéder à la surveillance discrète de ses convives, elle n'engagea pas leurs services au profit d'un espionnage trop accru comme il lui arrivait parfois de le faire avec certains autres de ses hôtes. S'il lui restait encore beaucoup à apprendre au sujet de son invité, et quand bien même elle était loin d'être certaine encore du rôle qu'elle pourrait bien lui demander de tenir dans ses propres projets, elle pensait tout du moins que la jeune femme n'était pas, à l'heure actuelle, une menace. Et elle continuerait de ne pas en être une pour peu qu'elle mesure ses mots et sache orienter la conversation dans le bon sens. De toute évidence, Mélusine, au vu de ses grands pouvoirs, était une femme de laquelle il valait mieux se faire l'amie que l'ennemie. L'inverse était tout aussi vrai, bien sûr, et c'était pour cela que cette rencontre pouvait être quitte au double. Soit elles trouveraient un parfait terrain d'entente, soit la situation s'envenimerait... difficile à dire pour le moment. La situation se clarifierait sans aucun doute au cours de leur diner.

Dîner qui eut lieu quelques heures après que Morgane ait fait conduire Mélusine à ses appartements et lui ait laissé le temps de se reposer un peu et de se changer. Elle-même, avait choisi de se vêtiir d'une tenue qui lui semblait davantage appropriée aux circonstances. Il s'agissait de rester une hôtesse d'exception jusqu'au bout. Si ce n'était de loin pas l'exercice qui forçait en elle le plus d'enthousiasme, elle savait y faire néanmoins.

Elle avait ordonné un souper intimiste, juste Mélusine et elle, et le personnel chargé du service. Pour l'affaire qui les concernait, et dans l'attente d'en apprendre plus sur Mélusine, Morgane avait bien l'intention de ne pas l'intimider par trop de faste et de camarades de tablées. Urien et Yvain étant de toute façon occupés à jouer les chevaliers de pacotille pour ce bon vieux roi Arthur, elle pouvait de toute façon faire les choses comme bon lui semblait, ce qui valait bien évidemment mieux.

-J'espère que le repas sera à votre goût, se contenta-t-elle de dire en guise d'introduction.

Bien sûr, elle avait de nombreuses questions à poser, mais elle attendait de son interlocutrice qu'elle engage les "hostilités".

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organe gratifia son invitée d'un sourire quand cette dernière complimenta le dîner qui avait été préparé à son attention ainsi que ses qualités d'hôtesse. A ses yeux, le compliment allait de soi, car en effet, elle savait recevoir et mettre les petits plats dans les grands. Encore plus quand elle voulait obtenir quelque chose de la part de ses interlocuteurs. Dans le cas de Mélusine, elle ne savait pas exactement encore ce qu'elle attendait d'elle, mais elle savait néanmoins qu'il fallait mettre son interlocutrice dans les meilleures dispositions possibles, ne serait-ce que pour apprendre à mieux connaître la jeune femme et savoir à quoi s'en tenir la concernant.

Mélusine sembla y consentir, puisqu'elle reconnut qu'elle la mettait sans doute au supplice, faisant durer le suspense. Elle hocha la tête en lui adressant un regard de connivance tout en sirotant une première gorgée de son verre de vin. Autant goûter une bonne histoire avec un bon cru... Et il lui apparaissait d'avance qu'elle en aurait pour son argent. Sans mot dire, elle se contenta donc de tendre l'oreille et d'écouter attentivement son interlocutrice, alors que cette dernière acceptait de se dévoiler davantage.

Elle lui apprit donc qu'elle était née fée, et qu'elle possédait ses pouvoirs depuis la naissance, à l'instar de Viviane. Cela la plaçait peut-être en position de domination, mais Morgane ne voyait pas les choses ainsi, pas du tout, même. Elle estimait qu'elle avait d'autant plus de mérite à disposer de pouvoir si puissants qu'elle les avait acquis, ils n'avaient pas été décidés pour elle à la naissance. Son histoire était complète mais manquait néanmoins de sel et de détails. La jeune femme avait besoin d'en savoir davantage sur les circonstances de ces différents exils pour savoir précisément à quoi s'en tenir.

-Serais-je trop indiscrète si je vous interrogeais sur les circonstances de ces différents exils ?

Oh, elle se doutait qu'elle l'était effectivement. Elle ne comptait pas s'en excuser, ne serait-ce qu'un seul instant. Elle avait besoin d'en apprendre plus, et elle estimait qu'elle méritait d'en apprendre davantage. Après tout, elle-même, si elle avait dissimulé des détails, s'était tout de même montrée plus... bavarde, dirons-nous. Alors elle en attendait davantage de la part de Mélusine.

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i Morgane n'était pas la moins douée quand il était question de ne dire que ce qu'elle avait envie d'exprimer sans entrer dans les détails, il semblerait que, de son côté, son interlocutrice sache y faire également. Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Difficile à dire, encore. A son adresse, forcément, cela avait le don de rendre la situation quelque peu frustrante, mais à celle d'autrui, ce pouvait être un atout. Savoir faire varier son discours en fonction de ses interlocuteurs et ne pas accorder sa confiance à tout va, c'était un luxe et un talent.

Si Mélusine les possédait, c'était certainement tant mieux. Quand bien même elle avait la ferme intention d'insister malgré tout pour en apprendre davantage sur son invitée du moment. Bien sûr, il n'était pas question de la mettre mal à l'aise de par ses insistances, mais la fée Morgane savait bien souvent y faire quand il était question d'obtenir ce quelle voulait. Même si cette fois pourrait bien être différente malgré tout, ce n'était pas à exclure.

Car entendre seulement que le comportement de la jeune femme n'avait pas été convenable, et que c'était cela qui lui avait valu ses nombreux exils, ce n'était pas assez, cela va sans dire. Heureusement, Mélusine lui en raconta davantage, et ce devint déjà beaucoup plus acceptable, même si Morgane restait certaine qu'elles demeuraient encore en surface des choses. Il en fallait bien évidemment plus à Morgane. Beaucoup plus, tant qu'à faire. Mais au lieu de poursuivre encore, Mélusine l'interrogea à son tour. Soit, ça allait donc être un jeu de patience, et Morgane regrettait presque d'en avoir dit autant sur elle, car ce n'était pas au tout-venant qu'elle racontait le récit de son enfance, même si ce dernier n'était pas un secret. Ceci dit, elle avait encore de la patience à revendre.

Et de toute évidence, Mélusine était loin de tout savoir sur elle puisqu'elle suggéra comme une affirmation que Arthur et elle étaient proches. Eux, proches ? Cette remarque était aussi fausse que cocasse, mais Morgane ne se sentait pas immédiatement d'humeur à la contredire, malgré tout. Arthur était l'homme qu'elle haïssait le plus au monde, et elle était convaincue d'être en retour la femme qu'il haïssait le plus. Mais inutile de le dire, après tout.

-Qu'aurait-il dû faire pour moi, selon vous ? dit-elle dans un simple sourire.

Elle n'avait pas de réponse à cette question. Arthur n'avait jamais rien fait pour elle. Ou si, il lui avait donné un fils. Soit. Qu'il avait cherché à tuer aussitôt. Ca ne comptait pas.

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u fond, l'angle avec lequel Mélusine choisissait d'aborder la suite de la conversation avait tout pour convaincre Morgane et la satisfaire. Certes, elle n'avait pas forcément envisagé les choses de la sorte, mais en définitive, au-delà du fait qu'il leur fallait se jauger mutuellement, il était également important que Morgane se fasse une bonne idée de ce que pouvait bien être l'allégeance de Mélusine.

Et si allégeance il n'y avait pas en fin de compte, il pouvait également être temps d'y remédier, cela va sans dire. Subtilement, bien sûr, il ne saurait en être autrement, mais sans oublier surtout de faire preuve de toute la force de conviction adéquate. Maintenant, il n'était pas question de se laisser prendre à un piège quelconque non plus : Morgane était bien décidée à ne rien dire de plus que ce qu'elle estimait nécessaire et légitime. Et si elle devait laisser un rien de rancoeur transparaître dans son discours, la haine profonde et viscérale que lui inspirait Arthur, elle, ne devait pas se laisser deviner tant qu'il ne pouvait être certain qu'elle soit bel et bien partagée, ou finisse par l'être tout du moins.

-C'est bien souvent de ceux dont nous sommes le plus proches qu'il faut se méfier, reconnut Morgane dans un léger hochement de tête.

Et le fait est qu'elle le pensait sincèrement. Et pour cause, elle en avait constaté plus d'un exemple au cours de sa vie qui avaient largement eu le loisir de la convaincre. Et c'était un discours qu'elle ne cessait de répéter au roi lui-même, quand bien même ce dernier demeurait sourd à ses avertissement (grossière erreur. Car à force de la considérer comme la seule et unique menace, il en oubliait toutes les autres, celles auxquelles il accordait une confiance aveugle et qui n'attendaient pourtant que de fondre sur lui, tel l'aigle sur sa proie).

-Pour ce qui est d'Arthur, jamais, non, il ne semble avoir envisagé de me prêter une main secourable, ajouta-t-elle alors simplement.

Montrer avant tout qu'Arthur n'était pas l'irréprochable souverain qu'on l'imaginait être, c'était son but en cet instant. Même si elle n'était pas totalement honnête. Arthur lui avait accordé une place au sein de sa cour, ça, elle ne pouvait le nier. Mais qu'avait-il fait de plus ? Et était-ce si honorable, après tout ? Au-delà du fait d'être sa soeur, elle était l'épouse de l'un de ses chevaliers, elle avait sa place au sein de la cour quoi qu'il puisse en être.

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élusine ne fit aucun commentaire concernant ce que Morgane lui apprit de son "très cher" frère. Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose ? La fée le déterminerait bien assez tôt. En attendant, même si elle avait distribué ses informations avec parcimonie (tout comme son interlocutrice avait pris les mêmes précautions de son côté), elle n'avait pas menti. Elle n'avait dit que des choses vraies. Ou tout du moins des choses qu'elle pensait. Avec certitude et sans conteste. Alors, elle verrait bien quel regard son interlocutrice déciderait de finalement porter sur la situation. Elle pensait avoir joué sa part comme il se devait, et s'éterniser sur le sujet pourrait dans tous les cas lui porter préjudice. Raison pour laquelle elle ne rechigna pas à changer de sujet quand son interlocutrice aborda un tout autre thème, mais qui avait son importance.

Elle voulait bien croire que, de là où elle venait, les êtres magiques avaient la vie dure, c'était pareil ici depuis l'avènement des chasseurs, et c'était de pire en pire. Alors il en était sans doute de même partout. La magie attisait la haine, car elle était crainte, peu comprise, et parce qu'il est vrai que si tous les êtres magiques réunis choisissaient d'asseoir un quelconque projet de domination, ces pauvres humains ne pourraient absolument rien y faire. Enfin...

-Ici comme ailleurs, nous sommes très peu, et il est d'autant plus difficile de déterminer notre nombre que les nôtres ont tendance à se cacher. Ce qu'elle trouvait déplorable, même si cimpréhensible. Personne, après tout, n'avait envie de risquer sa vie bêtement, ce serait stupide de prétendre le contraire. Mais je connais certains d'entre nous bien sûr. Elle marqua une légère pause. Je partagerais bien avec vous leur secret, mais tout comme je ne me permettrai jamais de dévoiler votre véritable nature, il est bien sûr hors de question de vous en dire quoi que ce soit, j'imagine que vous comprenez.

Cela, c'était une manière indirecte de lui faire comprendre que son secret était préservé en sa présence, elle n'avait aucun intérêt, vraiment pas le moindre, à le divulguer. Bien sûr, elle n'avait que sa parole, mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, Morgane rompait rarement ses paroles. Sans être quelqu'un de fiable, elle n'avait du moins qu'une parole.

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organe hocha la tête quand son interlocutrice reconnut comprendre sa décision, quand bien même elle en avait attendu une autre. Peut-être, plus tard, quand elle saurait précisément sur quel pied danser avec son interlocutrice et que penser de la relation qu’elles étaient en train de nouer, elle se laisserait aller à plus de confidence et lui adresserait à bon escient les quelques secrets qu’elle avait à sa disposition, mais ce n’était pas pour tout de suite. Mélusine avait encore des preuves à faire auprès de Morgane, tout comme elle se doutait que la réciproque était également vraie, et il leur faudrait plus d’une conversation pour savoir plus précisément sur quel pied danser.

Car le moment venu, il pourrait être utile de partager quelques-unes des informations à sa disposition, si en retour la jeune femme consentait à lui rendre la pareille. Un échange de bons procédés qui pourrait les mener très loin. Du moins si elles prenaient les bonnes décisions, ce qui n’était pas encore un fait assuré. Elles faisaient toutes les deux face à un jeu vierge. Et c’était à elle de décider des conditions de la partie. Joueraient-elles l’une contre l’autre ou l’une avec l’autre ? Déjà, c’était une grande question, et qui exigeait une attention toute particulière.

Quand Mélusine l’interrogea sur le rôle de la Couronne dans l’affaire, Morgane sut que c’était l’occasion pour elle d’avancer quelques pions, et elle n’avait pas l’intention d’y déroger, même si elle savait également qu’il lui fallait se montrer prudente. Fustiger et accabler Arthur témoignerait d’un parti pris négatif qui, bien évidemment, n’interférerait pas en sa faveur. Il fallait qu’elle la joue fine, c’était primordial, il fallait qu’elle tienne son rôle de citoyenne inquiète, et laisse entrevoir les failles de son roi (qu’elle estimait bien réelles) sans donner le sentiment d’un pur et simple acharnement. Quand bien même c’était tout à fait ce qu’était le comportement de la fée à l’égard de son demi-frère.

-Il en a conscience, en effet, les attaques des chasseurs sont de plus en plus récurrentes, et ils font peu cas de la discrétion. Le roi a a cœur de nous protéger, j’en suis convaincue, mais je crains fort que la situation le dépasse.

Elle s’abstint d’ajouter un autre commentaire de son cru qui aurait voulu dire « comme à son habitude », mais cela ne l’empêchait bien évidemment pas de le penser très fort. Morgane faisait mine d’adresser à la situation un regard objectif. Même si dans de telles circonstances… ce n’était pas possible.

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