[Event] L'enfance est courte, la maturité infinie. [pv Ena :33]

M

anon n'en revenait pas. Elle se regardait sous toutes les coutures dans le miroir de fortune qui lui permettait de constater son apparence... étrangère. Elle avait perdu un nombre conséquent de centimètres, ses cheveux noirs flottaient jusqu'au bas de ses reins et ses grands yeux écarquillés, ébahis, lui renvoyaient l'image d'une enfance qu'elle avait le sentiment de n'avoir jamais vécu. Elle avait peut-être ressemblé à cela, un jour, ans sa vie. C'était même certain, mais elle ne serait pas capable de citer une seule anecdote, un seul événement, qu'elle ait pu vivre à ce moment-là... Et voilà qu'elle se retrouvait dans la peau de celle qu'elle n'avait jamais été. Est-ce que c'était vrai ? Elle avait envie de croire qu'elle s'était seulement laissée abuser par son reflet dans la glace. Mais c'était impossible, parce qu'elle ne pouvait pas se laisser abuser par sa tenue, qui l'enveloppait maintenant comme un emballage trop grand. Elle était partagée entre la fascination et l'angoisse. Elle ne comprenait rien à ce qui se passait... C'était arrivé comme ça, d'un coup. Il n'y avait rien qu'elle ait pu faire. Et maintenant... elle se demandait vraiment ce qui allait se passer. Est-ce qu'elle avait été victime d'un sortilège ? Est-ce que c'était temporaire ou non ? Elle n'en avait pas la moindre idée... ça lui faisait vraiment, vraiment peur... Elle n'avait qu'une hâte, qu'Ena rentre chez elle. Ena était sorcière. Elle saurait forcément lever ce mystère, il ne pouvait en être autrement. Elle aurait forcément la solution, elle saurait exactement quoi faire... Ou pas. Mais au moins, elle serait là pour la rassurer, et ça c'était une très bonne chose.

Elle attendait donc, inquiète, fébrile, tout simplement incapable de détacher le regard du reflet dans le miroir. Elle ne s'y faisait pas... même si tous les indices pointaient dans cette direction, elle était incapable d'admettre complètement que c'était vrai. Un part d'elle avait envie de croire qu'il ne s'agissait jamais que d'un cauchemar, un cauchemar très étrange comme ceux qu'elle pouvait faire quand sa mémoire cherchait par tous les moyens à se manifester et à remonter à la surface... Sauf qu'elle savait quand même faire la distinction entre rêve et réalité. La porte s'ouvrit finalement, Manon adressa un regard plein d'espoir dans cette direction, mais l'expression de son visage s'affaissa quand elle découvrit Ena... qui ne se trouvait pas dans un état différent d'elle. Si Manon n'avait pas en ce moment l'apparence d'une gamine de dix ans, elle ne l'aurait pas reconnue. Mais là, elle savait que c'était elle.

-Oh non, toi aussi..., s'inquiéta Manon.

Et elle s'inquiétait vraiment, oui, parce que si Ena se retrouvait dans cet état, cela signifiait qu'elle n'avait rien pu faire pour retrouver son apparence normale.

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N

on, en effet, il ne s'agissait pas que d'Ena, et la jeune femme commençait à espérer très sincèrement qu'elles n'étaient pas les seules dans ce cas de figure. Que cela leur soit arrivé à toutes les deux n'excluait pas la possibilité qu'on ait voulu s'en prendre à elles... ce qui ne serait pas de bon augure car cela signifierait que l'attaque venait d'une personne au courant de la situation (ce qui réduisait donc la possibilité aux jumeaux d'Autice, et Manon ne voulait pas les croire capables de cela, surtout Pellinore - et puis, ils ne savaient pas faire usage de magie, sinon Ombeline n'aurait pas sollicité l'aide d'Ena en premier lieu). Si d'autres étaient concernés, cela pouvait signifier aussi que l'on se pencherait très sérieusement sur la question, et dans ce cas, elles avaient peut-être de meilleures chances de se tirer de ce singulier mauvais pas au plus vite. N'empêche, qu'il était trange de voir Ena sous cette apparence ! Même sa voix n'était plus la même. C'était logique, bien sûr, mais particulier malgré tout... Il ne faudrait définitivement pas que cette situation s'éternise, car elles auraient peine à compter l'une sur l'autre en de telles circonstances. Heureusement, tout de même, qu'elles avaient gardé leurs mentalités adultes, avec un peu de chance, ça leur sauverait la mise. Elle hocha la tête quand la dragonnière lui demanda si cela était arrivé d'un coup pour elle aussi. Oui, ça avait été précisément le cas. Elle n'avait rien vu venir et cela n'avait rendu la situation que d'autant plus destabilisante.

-Bizarre..., répondit-elle quand sa petite amie lui demanda comment elle se sentait.

Elle estimait que c'était en effet l'adjectif adéquat. C'était vraiment étrange, parce que ses sensations et sa perception des choses n'étaient plus exactement les mêmes et la renvoyaient à une période de sa vie dont elle n'avait plus le moindre souvenir, mais en soi, elle ne pouvait pas dire qu'elle se sentait mal non plus. Physiquement, au-delà de ça, elle se sentait bien, en forme, elle ressentait même une énergie très différente de celle qui pouvait l'animer en temps normal.

-Mais ça va... Elle leva le regard vers Ena. Il y a un remède, pas vrai ? Tu as une solution ?

Elle savait bien que la magie n'était pas une solution miraculeuse à tous les maux de la terre, surtout quand, à l'heure actuelle, elles ne savaient pas le moins du monde pourquoi elles se retrouvaient dans ce cas précis. Mais Ena était une magicienne brillante, et Manon voulait vraiment croire que si quelqu'un était capable de trouver une solution, c'était elle. Elles ne pouvaient pas rester comme ça éternellement, de toute manière, pas vrai ? Bien sûr, et c'était même hors de question. Elles devaient trouver une solution.

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M

anon n'était pas franchement rassurée d'entendre son interlocutrice affirmer qu'elle n'avait jamais entendu parler d'un cas similaire auparavant. Ce n'était pas vraiment encourageant, ça, non ? Si un cas similaire avait déjà été recensé par le passé, elles pourraient prendre cet épisode en exemple pour se tirer de là, mais de toute évidence, il ne fallait pas y compter. Cette pensée était loin de déplaire à la jeune femme, mais elle ne pouvait rien y faire, malheureusement. Elle n'avait d'autre choix que d'accepter qu'il leur fallait partir de zéro, et ce n'était pas qu'une façon de parler si l'on tenait compte de la situation et de ce que leurs apparences ne pouvaient que leur donner le sentiment d'un retour aux sources... même si, dans le cas de la jeune femme, c'étaient là des sources dont elle avait absolument tout oublié en fin de compte. Malgré tout, l'optimisme d'Ena, alors qu'elle assurait qu'il y avait une solution à tout, la rassurait. En même temps, comment pourrait-elle douter quand la femme qu'elle aimait était pour sa part si sûre d'elle. Et en même temps, elle avait entièrement raison, il n'existait de problème insolubles que si on renonçait à les résoudre... et renoncer, cela ne faisait pas partie de leur vocabulaire. La jeune femme qui ressemblait maintenant à une petite fille esquissa un petit sourire quand son interlocutrice affirma que ça lui faisait bizarre de la revoir ainsi. Pour elle aussi, c'était étrange. Mais elle ne pouvait maheureusement pas invoquer le souvenir de l'époque où elles avaient justement cette apparence.

-Si au moins les souvenirs de cette époque avaient pu me revenir dans la foulée, déplora-t-elle dans la foulée, tout en sachant qu'il n'était pourtant absolument pas temps de s'apitoyer sur son sort. Là, elles avaient tout de même plus important à gérer. Mais quand même... quelle sensation étrange que d'avoir le sentiment de vivre son enfance pour la toute première fois, avec une conscience pourtant adulte, qui ne rendait cette expérience que plus singulière... et assez inexplicable.

Elle regarda Ena faire quand elle voulut s'emparer d'un grimoire hors de sa portée, qui vola en morceaux.. ce qui n'était bien évidemment pas l'effet escompté, Ena n'avait pas besoin de le dire pour que Manon le comprenne d'emblée. Et elle n'était par conséquent pas rassurée du tout. Si les pouvoirs d'Ena avaient diminué en même temps que sa taille, ça devenait beaucoup plus compliqué à gérer, tout à coup... Car ils avaient besoin de la magie de la sorcière à son meilleur pour espérer s'en tirer, ça c'était juste une évidence au bout du compte.

-Est-ce qu'il y aurait... un sorcier à qui on pourrait demander de l'aide ?

La pensée n'était pas plaisante, mais leurs choix diminuaient.

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Q

uand Manon avait demandé à son interlocutrice si elle avait à l’esprit le nom d’un mage, d’un sorcier, de n’importe qui qui pourrait avoir le pouvoir de les aider, elle avait au fond espérer qu’il y aurait quelqu’un parmi les confrères de la jeune femme qui serait capable de tenir ce rôle… mais c’était compter sur le fait qu’Ena ait réellement des confrères, ce qui était évidemment loin d’être le cas. Au contraire, la jeune femme était une solitaire, un tempérament solitaire qui d’ailleurs allait très bien à Manon puisqu’elle n’avait pas franchement envie de devoir partager la femme qu’elle aimait avec qui que ce soit, et peu importe le motif… Mais donc non, les noms qu’Ena avait à l’esprit étaient des noms qui étaient tout autant familiers à la servante de la reine. En même temps, qui n’avait pas entendu parler de Merlin l’Enchanteur. Il était sans conteste possible le magicien le plus puissant et le plus influent que ce monde ait connu (jusqu’au jour où il serait détrôné, en tout cas). Quant à Morgane de Gorre, la demi-sœur du roi Arthur, évidemment que tout le monde la connaissait, et elle disposait peut-être en effet de la puissance nécessaire pour leur porter secours. Seulement, Manon n’était pas convaincue du fait que quémander de l’aide à ces deux personnes suffise à les convaincre de leur adresser une main secourable.

Et c’était bien le souci. Si le couple royal, à tort, appréciait Manon, elle se doutait que Merlin avait plus de réserve la concernant. C’était peut-être parce qu’il l’impressionnait qu’elle se le figurait ainsi, mais elle avait souvent le sentiment qu’il voyait clair dans son jeu… elle ne se sentirait pas franchement à l’aise de devoir s’adresser à lui.. Et d’ailleurs, comment s’adressait-on à Merlin ? Il lui semblait inaccessible… Tout comme Morgane, d’ailleurs… et en ce qui la concernait, Manon soupçonnait qu’elle ne daigne s’intéresser à leur sort qu’en échange d’une contrepartie qu’elle n’était pas certaine de vouloir lui concéder, peu importe ce que ce serait. Alors elle était indécise, incapable de savoir quoi faire exactement. Se tourner vers ces deux individus, même si Ena devrait mettre sa proverbiale fierté de côté, c’était peut-être leur seule et unique option au bout du compte. Est-ce que ça en valait bien la peine ? Elle n’en savait rien. De toute façon, il fallait bien qu’elles essaient, il était évident qu’elles ne pouvaient pas rester dans cet état, c’était inconcevable.

-Je les vois mal nous accorder leur aide si facilement. Mais je pourrais peut-être plaider notre cause auprès de la famille royale ? Ils interféreraient en notre faveur auprès de Merlin ou de Morgane ?

Elle était convaincue que si elle se montrait sous cet aspect à Guenièvre, cette dernière serait incapable de rester insensible à son sort. Elle chercherait forcément à l’aider, il ne pouvait en être autrement.

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M

anon avait le sentiment que sa suggestion ne plaisait pas franchement à Ena, et elle comprenait parfaitement, à la vérité, parce qu'elle-même était plutôt réticente à cette idée. Malheureusement, la jeune femme avait le sentiment qu'elles étaient coincées. Bien sûr, la servante de la reine comprenait que sa petite amie ne veuille pas se sentir redevable envers la famille royale, surtout à l'heure où ils devaient être les ennemis numéro un... C'était un sentiment que Manon comprenait d'autant mieux qu'elle luttait au quotidien contre son affection pour la reine, avec qui elle avait nourri une amitié qui était bien moins factice que ce qu'elle voudrait bien prétendre...Bien sûr, s'il y avait une autre solution, Manon l'accepterait sans souci, mais si Ena, en dépit de tous ses talents, n'était pas capable de les ramener à leur état normal, elle se doutait bien que ça n'allait pas être aussi simple, loin de là. Même si, en effet, cela allait exiger de passer la porte du château et d'obtenir un entretien avec le roi et la reine dans leur condition.

Si Manon avait l'opportunité de parler de façon très régulière à Guenièvre, il n'était pas certain qu'elle soit crue si elle se présentait aux gardes royaux en tant que Manon, la servante de la reine. Elle l'était en effet, mais ça n'y changeait rien pour autant, l'affaire était complexe mais devait se tenter. Dans tous les cas, elles ne pouvaient pas se permettre de rester trop longtemps dans cet état... et qui sait si ce n'était pas un début, si leur situation n'allait pas encore empirer... qui sait si elles n'allaient pas encore rajeunir... jusqu'à finalement disparaître ? Elles devaient se soucier sincèrement de la situation. Même si Ena semblait y voir des avantages que Manon était encore incapable d'entrevoir de son côté, sans l'ombre d'un doute. C'est vrai, avec cette taille, peut-être qu'elles pourraient plus facilement se faufiler partout et passer inaperçu. Personne ne se méfierait d'elles du haut de leurs dix ans d'apparence, et de ce point de vue-là, ça pouvait effectivement être un avantage. Et pourrait même les changer en espionnes de choc... Mais il n'était pas question que ça dure pour autant, certainement pas.

-Qu'est-ce que tu as à l'esprit, exactement ? demanda Manon, autorisant un très fin sourire à étirer ses lèvres.

Même si la jeune femme avait une bonne idée de là où la belle dragonnière voulait en venir, elle se demandait si son interlocutrice n'avait pas à l'esprit quelque chose de plus précis que cela. Dans tous les cas, elle était prête à tout entendre, et à la suivre si besoin, sans l'ombre d'un doute. Ena avait toujours d'excellentes idées, dans tous les cas, elle ne se faisait aucun souci à ce sujet.

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M

anon se doutait, pour travailler au château de façon régulière, que même avec l'apparence qu'elles avaient, se faufiler au sein de la demeure royale n'allait pas être d'une facilité... eh bien, enfantine, justement. Mais c'était jouable malgré tout... pour cela, il fallait avoir une bonne connaissance des lieux, et le fait est que Manon était parfaitement à l'aise avec cette variable spécifique. Elles devraient s'en sortir. De toute manière, elles avaient plus d'un tour dans leur sac, l'une dotée de magie, l'autre possédant une parfaite connaissance du château de Camelot, elles devraient réussir à faire en sorte de faire jouer la situation à leur avantage, avec la possibilité, en sus, de se donner les attraits et caractéristiques de gamines insouciantes et joueuses, que l'on ne punirait de toute façon que très légèrement si on devait véritablement décider de les punir.

Manon aimait bien aussi l'idée de revivre sa jeunesse, de se rappeler, juste l'espace d'un instant ce que ça pouvait faire d'être une enfant, dans toute l'insouciance de sa prime jeunesse. Oh, elle n'aurait aucune envie de revivre ce passé oublié pour autant, mais voir la situation sous cet angle permettait tout de même de l'appréhender avec un peu moins d'angoisse et d'incertitude... même si l'incertitude demeurait, et qu'elle n'était pas des moindres, on peut le dire : Manon n'avait aucune idée de si elles réussiraient à retrouver leur apparence normale ou non. Et cela, évidemment, c'était quelque chose qui n'oubliait pas d'être parfaitement angoissant. Jouer à cache-chache dans le château, soit... Puisque c'était un prétexte pour laisser traîner ses yeux et ses oreilles partout, ça pouvait en valoir la peine. Et puis, c'est vrai qu'Ena n'avait pas le même accès au château qu'elle, il était très possible qu'elle ait envie d'en voir et d'en savoir davantage, ce serait toujours plus précis que tout ce qu'elle pourrait lui décrire. La jeune femme hocha la tête. Soit, de toute manière, mieux valait appréhender la situation sous l'angle le plus positif possible, mais elle espérait tout de même que ça n'allait pas durer trop longtemps, car le jeu finirait vite par être lassant, elle en était convaincue, si elles ne devaient pas recouvrir leur apparence d'origine.

-Il n'y a qu'un moyen de le savoir de toute manière, répondit Manon qui s'agaçait d'entendre sa propre voix, qui lui semblait à présent beaucoup trop fluette, un peu trop aigue, totalement immature. On devrait facilement réussir à se faufiler si on passe par l'entrée des cuisines. Elle tourna son regard vers Ena et déposa un baiser sur sa joue, un quelque chose d'enfantin et d'innocent, ça collait bien à la thématique du jour, de toute évidence. On y va ?

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