A fille charmante, père n'est jamais loin

Yvain venait de retrouver Laudine, et c'était pour lui un sentiment très étrange. Il ignorait toujours s'il avait bien fait de faire tout ce chemin jusqu'à Landuc, mais au nom du seul plaisir d'avoir pu à nouveau poser les yeux sur elle, il estimait que cela avait pu valoir toutes les distances parcourues et tous les reproches assénées.

Retrouver Laudine était une épreuve, c'est certain, mais pas la plus difficile, et Yvain le savait. Il avait hésité, songé qu'il serait agréable de revenir en ces lieux pour ne s'entretenir qu'avec Laudine en prétendant avoir manqué le père. Mais ce dernier n'était jamais loin dans le sillage de sa fille, et Yvain ne pouvait tout simplement pas se permettre de retourner à Camelot sans lui avoir présenté ses hommages.

Sans compter qu'il n'oubliait pas que si une malédiction avait été proféré contre lui, il avait de fortes chances d'en être responsable. Yvain voyait bien quel regard noir l'homme posait sur lui, comme il lui en voulait d'avoir assassiné son genre, comme il l'estimait indigne d'épouser sa fille. D'ailleurs, s'il avait dû avoir le moindre doute à ce sujet, le fait que l'homme ait voulu marier sa fille à Pellinore, le seigneur d'Autice, en disait long à ce sujet.

Yvain avait été horrifié quand il avait appris la nouvelle. Mais à peine les noces annoncées, elles avaient été annulées. Yvain n'avait jamais vraiment su pourquoi, la mort du père des jumeaux d'Autice ne semblant pas devoir annuler l'initiative. Il s'en était réjoui, certes, mais avait bien compris que s'il ne savait pas se montrer très vite digne de Laudine, alors... un autre, peut-être indigne mais aux principe, disons, différent, lui passerait sous le nez.

Bref, ses retrouvailles avec Edwin de Landuc n'avaient pas la moindre chance d'être agréables ou apaisées, mais il n'avait pas le choix. Il saurait qu'il était venu dans tous les cas. Autant au moins tenter d'apaiser l'ire éventuelle de cet homme caractériel et protecteur.

Il parvint à obtenir un entretien avec l'homme, il s'inclina en signe de respect quand il se retrouva face à lui. Il avait l'estomac noué, mais il gardait la meilleure contenance possible pour que cela ne soit pas trop flagrant tout de même.

"Sire, je suis ravi de vous revoir."

Mais avec lui, la flatterie avant certainement peu de chances d'être efficace.

Ce que Edwin avait craint le plus était bel et bien arrivé, l’homme n’aimait pas du tout ça, mais en même temps il ne pouvait pas nier qu’il s’y était quand même un peu attendu. Ce n’était pas pour rien qu’il avait tant craint la venue de Yvain de Gorre de nouveau sur ses terres, parce qu’il ne savait que trop bien qu’il viendrait de nouveau. Et malheureusement, il n’avait pas fait que voler la vie de son gendre. Edwin savait très bien que sa fille avait eu l’occasion de parler à ce jeune chevalier, ce qui ne lui plaisait pas plus que cela. L’homme n’avait aucune envie que ce chevalier retourne le cerveau de Laudine, quand bien même il savait bien que sa fille n’était pas née de la dernière pluie et qu’il pouvait lui faire confiance. Mais ce n’était pas envers Laudine qu’il manquait de confiance, c’était envers le jeune homme en question.

Au moins, Yvain de Gorre se présenta à lui. Edwin ne sautait pas spécialement de joie à l’idée de s’entretenir avec le jeune homme, mais il aurait très mal pris l’éventualité que le chevalier quitte ses terres sans même songer à se présenter à lui. Ce qui ne voulait pas dire qu’il était heureux de l’avoir devant lui non plus, mais c’était un moindre mal. Dans l’idéal, Edwin aurait préféré que ce jeune homme ne remette tout simplement pas les pieds sur ses terres, mais c’était sans doute trop demander. Et en réalité, il ne pouvait pas empêcher un chevalier de la table ronde de Arthur Pendragon à mettre les pieds chez lui.

« Sir Yvain. » Répondit-il, d’une façon qui ne montrait aucune émotion. Le jeune homme n’avait aucun besoin de le flatter, ça ne marchait pas avec lui. Il ne savait pas si Yvain de Gorre était sincère en affirmant qu’il était ravi de le revoir, mais dans tous les cas il ne prenait pas ses propos au sérieux. « Je ne vous retourne pas réellement le compliment. » Lui dit-il d’ailleurs, parce qu’il n’avait aucune raison de ne pas se montrer honnête avec l’homme sous ses yeux. Il n’avait aucun plaisir à le revoir, bien au contraire, il aurait préféré que ce jeune homme reste à sa place. Et il était évident que sa place ne se trouvait pas ici. « Vous avez du courage pour revenir ici après avoir ôté la vie de mon gendre. »

Il ne mentionnait pas le mari de Laudine pour rien, il tenait à ramener cette histoire dans la conversation, parce qu’il n’avait pas l’intention de tourner la page si facilement (comme Laudine semblait le faire si bien de son côté… malheureusement).

« Sir Yvain. Je ne vous retourne pas réellement le compliment. »

Yvain garda contenance autant que possible. Pour tous les reproches qu'il se sentait capable de faire à son interlocuteur, il est certain qu'il ne pourrait pas le blâmer de manquer de sincérité. Il aurait même apprécié un semblant d'hypocrisie dans ces circonstances.

Dans un monde idéal, cet homme réussirait à l'apprécier en dépit de ce qu'il avait fait, et consentirait à l'estimer digne de sa fille chérie. Mais ce monde n'était pas idéal, et toute cette situation était trop bien trop complexe pour que l'on puisse se permettre des raccourcis de la sorte, certes réconfortants, mais inenvisageables.

Enfin, qu'il soit ravi ou non de le revoir, dans tous les cas, Yvain était là, et Yvain n'irait nulle part tant qu'il n'aurait pas démêlé cette affaire. Et le comportement du seigneur de Landuc, qui ne dissimulait rien de l'animosité qu'il éprouvait pour lui, paraissait en dire long sur ce qu'il aurait sans doute été capable de faire pour l'éloigner pour de bon de sa fille. La piste qu'il avait choisi de poursuivre semblait donc être la bonne.

« Vous avez du courage pour revenir ici après avoir ôté la vie de mon gendre. »

"J'ose estimer être un homme courageux, en effet", répondit simplement Yvain. 

Il n'avait pas l'intention de se répandre en excuses, il ne pensait pas que ce soit en s'aplatissant aux pieds de son interlocuteur qu'il obtiendrait sa considération et son pardon, alors, à la place, il préférait afficher une certaine détermination, à revenir et, l'espérait-il, à conquérir le coeur de la belle Laudine de Landuc. Et l'homme devrait l'accepter.

"Et quand on menace mes jours ou ceux de ma famille, je me défends, je ne suis pas celui qui ai attaqué le premier."

Il ne servait à rien de se justifier, au fond. Edwin de Landuc avait conscience des faits tout autant que lui, mais il avait pris la décision de les occulter, tout bonnement. Et de le lui faire payer, alors qu'au fond, il se moquait sans doute de l'homme qui fut son gendre, il n'aimait simplement pas qu'il soit tombé sous le charme de sa fille.

"Si d'aventure vous deviez décider de vous en prendre en moi, j'apprécierais que vous le fassiez à la loyale, et sans détours."

Ils pouvaient passer des heures et des heures à débattre, Edwin savait parfaitement qu’ils ne seraient jamais d’accord tous les deux. Edwin n’avait pas l’intention de se ranger une seule seconde de l’avis de Yvain de Gorre, qu’il ne considérait vraiment pas fiable. En même temps, cet homme avait quand même pris la vie de son gendre, non sans en prime prendre le cœur de sa fille. Edwin ne comprenait vraiment pas pourquoi Laudine était tombée sous le charme de ce chevalier de malheur. Dans tous les cas, il savait parfaitement qu’il ne sera jamais d’accord avec ce que son interlocuteur pourrait bien dire. C’était comme ça dans tous les cas, Edwin ne pouvait pas s’empêcher d’être têtu et il savait parfaitement que parfois il était quand même un peu trop sévère, cela dit il se savait juste aussi. Et il trouvait que c’était quand même une justice de ne pas simplement laisser cet homme voler le cœur de sa fille alors qu’il avait pris la vie de son gendre.

Pour quelle que raison que ce soit d’ailleurs… ils pouvaient prendre la peine de revenir encore et encore sur le fait que Yvain de Gorre n’avait peut-être pas engagé le combat et qu’il s’était contenté de se défendre, ça n’allait pas changer grand-chose pour Edwin. Ils pouvaient très bien passer leur temps à se contenter de débattre de tout cela, mais ça ne mènerait à rien dans tous les cas. Cela dit Yvain décida de lui affirmer que si d’aventure il décidait de s’en prendre à lui, il apprécierait qu’il le fasse à la loyale. Edwin fronça des sourcils en entendant ces mots, ne sachant pas vraiment comment les interpréter. Il ne se considérait pas plus idiot qu’un autre, et il pensait comprendre que ce chevalier le soupçonnait de lui avoir causé du tort, hors Edwin n’avait rien faire contre lui. Il aurait aimé, honnêtement, et il considérait même que puisque ce jeune homme avait décidé de mettre les pieds ici, il devrait même le lui faire payer cher. Mais il n’avait rien faire dans son dos, rien qui manquait de loyauté.

« Osez vous venir réellement sur mes terres, dans ma demeure, dans le seul but de ternir ma loyauté ? » Demanda-t-il la voix sombre. « Je ne vous permets pas de me manquer autant de respect, vous en avez déjà beaucoup trop fait jusqu’à présent. »

C’était déjà beaucoup trop qu’il ose voler le cœur de sa fille, qu’il la fasse souffrir par son absence (même s’il préférait quand même largement qu’il reste absent), Edwin ne pouvait évidemment pas lui permettre de bafouer de cette manière son honneur en sous-entendant des choses ridicules.

« Osez vous venir réellement sur mes terres, dans ma demeure, dans le seul but de ternir ma loyauté ? »

Ternir sa loyauté ? Loin de lui cette idée, non, il se contentait d'examiner des faits, et même s'il n'avait pas de preuve tangible, il ne pouvait s'ôter de l'esprit que son interlocuteur se comportait en coupable. Yvain avait tort de le penser, mais tout de même... Edwin ne s'interrogeait même pas sur les raisons qui pouvaient laisser penser au jeune chevalier qu'il s'en était pris à lui. Et pour Yvain, c'était un comportement suspect. D'un autre côté, il était difficile de ne pas répondre à l'animosité de cet homme par une animosité égale.

Bien sûr qu'Yvain souhaiterait s'entendre avec Edwin de Landuc, et ne louer que ses nombreuses qualités, mais il ne pouvait pas entendre toutes les remarques déplaisantes en demeurant impassible, il ne pouvait se laisser attaquer sans réagir. Il voulait que cet homme l'apprécie, parce que lui-même adorait sa fille, mais il avait le sentiment que quoi qu'il puisse dire ou faire, cela n'y changerait pas grand-chose. Même rien du tout. Il n'était pas question que d'animosité, mais de haine.

 « Je ne vous permets pas de me manquer autant de respect, vous en avez déjà beaucoup trop fait jusqu’à présent. »

Il n'avait rien fait du tout. Enfin si, il avait tué le gendre de cet homme. Mais il n'était pas celui qui avait attaqué le premier. Il avait défendu l'honneur de son cousin... Il n'allait pas pleurer Esclador le Roux. Il ne l'avait pas pourfendu pour les beaux yeux de Laudine, qu'il ne connaissait pas avant de lui porter le coup fatal... mais il était difficile de se reprocher d'avoir libéré cette femme qu'il aimait d'un mariage qu'il n'aurait pas voulu voir heureux. Pensée égoïste, oui. Car Edwin savait l'être.

"Je n'ai jamais rien fait d'autre que de défendre mon honneur. C'était le cas autrefois, et c'est le cas aujourd'hui." Il marqua une légère pause, d'humeur aventureuse, plus qu'il n'était dans son caractère de l'être en temps normal. "Et je ne suis pas venu sur ces terres dans ce seul but. Je suis également venu voir votre fille."

Une chose dont il n'avait aucune intention de se cacher.

Edwin ne pouvait pas être objectif concernant ce jeune homme, il le reconnaissait lui-même. Il avait conscience du fait que sa situation ne lui permettait pas d’être objectif, mais en même temps il ne pensait pas non plus se tromper dans son jugement. Ce jeune homme avait tué son gendre, pour commencer, et si en soit il avait peut-être des raisons pour cela, ce qu’il faisait ensuite n’était clairement pas acceptable. C’était une chose de tuer le mari de sa fille, c’en était une autre de prendre le cœur de Laudine, en la faisant en prime souffrir. Non parce que Edwin voyait bien que sa fille était tombée sous le charme de ce chevalier et clairement, elle en souffrait. Parce que l’homme n’était pas là, parce qu’il avait abandonné la jeune femme. Edwin n’avait évidemment aucune envie de voir sa fille s’attacher de trop à ce jeune homme, mais en même temps ce n’était pas comme s’il pouvait réellement empêcher sa fille d’aimer… malheureusement.

Cela dit, c’était une chose que le jeune homme ait volé le cœur de sa fille, c’en était une autre qu’il insulte son honneur comme il le faisait. Affirmer qu’il n’était pas loyal, sans que le seigneur ne comprenne pourquoi il lui faisait de tels accusations. Évidemment, l’homme ne se doutait pas une seule seconde qu’il avait de bonne raison de se méfier, sauf que Edwin n’avait dans tous les cas rien à se reprocher. Et pourtant, il avait quand même envie de l’empêcher d’agir, mais il n’avait rien faire contre Yvain de Gorre (pour le moment).

L’homme justifia le fait qu’il n’avait fait rien d’autre que de défendre son honneur, autrefois et maintenant aujourd’hui. Edwin ne répondit rien, se contentant d’observer durement le jeune homme sous ses yeux. Attendant ce qu’il allait dire de plus et clairement… Edwin n’allait pas être déçu. L’homme précisa qu’il n’était pas venu sur ces terres dans un seul but, c’était aussi parce qu’il avait l’intention de voir sa fille. Edwin serra des dents en entendant les mots du chevalier, il ne supportait pas la manière dont il avait de lui parler, de se penser légitime à se retrouver ici pour voir sa fille.

« Et vous vous pensez réellement légitime de voir ma fille ? » Demanda-t-il d’un ton sec. « Après m’avoir insulté comme vous venez de faire, vous pensez réellement que je vais vous y autorisé ? »

Il ne pouvait pas empêcher Laudine de vivre non plus, il ne pouvait pas juste l’enfermer dans sa chambre et l’empêcher de voir qui que ce soit. Mais en même temps, il pouvait faire en sorte de bien faire comprendre à Yvain de Gorre qu’il n’était clairement pas le bienvenue.

« Et vous vous pensez réellement légitime de voir ma fille ? »

Non. Et c'était bien le problème, en vérité. Il aimerait être plus fier de lui qu'il ne l'était, être capable d'avancer à son interlocuteur des centaines d'arguments, et il le ferait s'il se sentait acculé, mais il y avait une grande différence entre ce qu'il pourrait bien exprimer pour ne pas perdre la face et ce qu'il pensait réellement.

Non, il ne se pensait pas légitime de voir sa fille ou même de l'épouser. Il avait assassiné son époux, il lui avait promis monts et merveilles puis avait finalement disparu, ça n'avait absolument rien d'honorable, en aucun cas. Il n'était pas digne de la belle Laudine, et cela lui posait constamment un cas de conscience terrible qui justifiait qu'il ne soit jamais revenu. C'est  pour cette raison qu'il avait fallu attendre cette situation très particulière pour qu'il revienne ici. Il ne se sentait pas légitime, mais en même temps... Entendre son interlocuteur sous-entendre qu'il ne l'était pas lui donnait l'envie, plus que jamais, de s'en défendre, même si ce n'était pas forcément la chose à faire.

« Après m’avoir insulté comme vous venez de faire, vous pensez réellement que je vais vous y autorisé ? »

Yvain continuait de penser ne pas s'être montré si insultant à l'adresse de son interlocuteur, il s'était contenté, selon lui, de lui rendre la monnaie de sa pièce. Cet homme le détestait, quand bien même il serait venu lui présenter ses hommages en lui promettant des montagnes d'or, Yvain était convaincu qu'Edwin de Landuc ne l'aurait pas accueilli différemment. Il avait choisi de le haïr sans lui laisser la moindre chance dès les premiers instants. 

Que pouvait-il faire face à cela ? Il pourrait supplier, s'applatir, mais il avait bien compris qu'Edwin en tirerait une évidente satisfaction, sans pour autant lui accorder le bonheur de pouvoir passer du temps avec sa fille, et moins encore sans lui accorder sa main.

"J'aimerais obtenir votre assentiment, car en dépit de l'irrévérence dont vous m'imaginez capable, j'ai pour vous un immense respect." Ce n'était qu'à moitié vrai, mais la flatterie pouvait servir parfois. "Mais si vous ne m'y autorisez guère, alors je me passerai de votre autorisation, car oui, je suis entièrement légitime. Je suis l'héritier du territoire de Gorre, chevalier de la table ronde et le neveu du roi. Un bien meilleur parti pour votre fille que ne le fut feu votre gendre."

Ce jeune homme voulait obtenir son assentiment, parce qu’il le respectait. Edwin ne croyait pas réellement les paroles de ce chevalier de la table ronde, il ne parvenait pas à lui faire confiance. Au vu de son attitude, de ce qu’il lui disait, franchement Edwin avait beaucoup de mal à croire les propos de ce jeune homme, il se contentait de se dire que ce dernier se contentait simplement de chercher à l’amadouer parce qu’il cherchait à obtenir quelque chose. Il cherchait à obtenir sa fille, tout simplement et évidemment Edwin n’avait pas l’intention de le laisser faire. Laudine avait eu le cœur brisé à cause de cet homme, parce que d’une part il avait tué son mari, mais ensuite il avait volé son cœur pour disparaître ensuite. Edwin ne comprendrait pas que Laudine pardonne à ce jeune homme, cela dit qu’elle le fasse ou non, il n’avait pas l’intention d’agir autrement de son côté. Edwin de Landuc était têtu, ce n’était pas pour rien, il était un seigneur, il avait des terres à gérer, des petits gens sous lui qui comptait sur lui. Autant dire qu’il se devait d’être droit dans ses bottes et c’était ce qu’il faisait. Il se montrait dur quand il le fallait tout simplement et en cet instant précis, Edwin considérait qu’il se devait quand même d’être dur. Surtout au vu de ce que le jeune homme lui affirma.

Edwin serra la mâchoire en entendant ce chevalier de la table ronde affirmer qu’il se passera bien de son autorisation si cela était nécessaire. Parce qu’il se considérait légitime, il était effectivement l’héritier d’un grand territoire qu’était Gorre, ce n’était pas rien, rapprocher Landuc et Gorre, c’était forcément quelque chose d’intéressant. Il était un chevalier de la table ronde, et même le neveu du roi. Bien sûr, il était un bon parti, sans doute même effectivement plus que son gendre mais cela ne changerait rien. Edwin reconnaissait que cet homme était un bon parti, mais il n’avait pas pour autant envie de céder. Et encore moins alors qu’il avait le sentiment que ce jeune homme était en train de lui forcer la main, puisqu’il lui affirmait quand même qu’il se passera de son autorisation.

« Vous êtes réellement en train de me dire que vous allez passer outre mon autorité pour me voler ma fille ? » Rétorqua-t-il durement. « Pour cela il faudrait encore que Laudine vous pardonne votre attitude de lâche. » Parce qu’il le savait, parce que l’homme avait volé le cœur de sa fille et qu’il avait disparu. Elle en souffrait, parce qu’en prime l’homme avait tué son mari, mais il la faisait souffrir par sa lâcheté. Malheureusement, il ne pourrait pas réellement compter sur la rancœur de sa fille, mais Edwin s’en passera bien dans tous les cas. L’homme tenait bien trop à sa fille, il se devait de la protéger et même s’il devait la protéger d’elle-même, c’était quelque chose qu’il n’hésitera pas à faire. « Mais même ainsi, que vous vous passiez de mon assentiment ou non, cela ne changera rien. Je ne vous laisserais pas faire, vous n’êtes absolument pas à la hauteur d’elle, que vous aillez des beaux titres ou non. »

« Vous êtes réellement en train de me dire que vous allez passer outre mon autorité pour me voler ma fille ? »

Yvain n'avait vraiment pas la moindre envie d'en arriver là. Son but n'était absolument pas de se faire un ennemi de son interlocuteur. Mais qu'il cherche à se comporter le plus dignement possible ou, au contraire, comme la vermine qu'il l'avait catalogué être, il comprenait que ça ne changeait rien. Il faudrait un miracle pour que cet homme l'apprécie... ou de la magie ?

En toute honnêteté, c'était tentant que d'aviser l'une ou l'autre créature dans l'espoir d'obtenir les faveurs de l'homme qu'il aimerait voir devenir son beau-père. Mais Laudine ne lui permettrait jamais de telles manigances... Déjà qu'elle n'avait aucune vraie raison de lui pardonner son comportement. C'était déjà un miracle que la jeune femme veuille encore de lui après tout ça.

Alors s'il fallait passer outre l'autorité d'Edwin de Landuc, il n'hésiterait pas... mais il voudrait qu'il y ait une autre solution, que cet homme lui donner une autre option.

« Pour cela il faudrait encore que Laudine vous pardonne votre attitude de lâche. »

Yvain se faisait violence pour ne pas apprendre à Edwin de Landuc que c'était déjà chose faite. Ce n'était pas agréable de s'entendre qualifier de lâche, mais il ne pouvait pas faire comme si ce n'était pas le cas, comme s'il n'était pas quelqu'un de lâche, il l'était bel et bien. Et il le regrettait... Il avait fait les choses de la mauvaise manière, mais il comptait bien se rattraper dorénavant.

Laudine avait pardonné, oui, mais Yvain se garda de l'apprendre à son interlocuteur. Il ne voulait pas mettre la jeune femme dans une situation embarrassante. C'était à elle de décider de se mêler ou non à cette histoire. Il espérait qu'elle aurait le coeur de soutenir cette relation, mais en attendant, c'était une histoire qui devait se régler entre hommes.

« Mais même ainsi, que vous vous passiez de mon assentiment ou non, cela ne changera rien. Je ne vous laisserais pas faire, vous n’êtes absolument pas à la hauteur d’elle, que vous aillez des beaux titres ou non. »

"Personne n'est à la hauteur de votre fille. Laudine est la femme la plus admirable que je connaisse, et aucun homme au monde ne sera jamais digne d'elle." Il le savait, et c'est pour ça qu'il avait tant tardé à la retrouver. Ce n'était pas pour rien s'il avait eu tant de réticences. Il avait voulu lui revenir en étant digne d'elle. Il avait échoué. "Mais je suis entièrement convaincu de pouvoir la rendre heureuse, tout comme je suis convaincu que vous-même voulez son bonheur." Yvain marqua une pause. "Que puis-je faire pour vous convaincre ? Demandez-moi n'importe quoi, je le ferai pour elle."

Sauf renoncer à elle, évidemment.

Edwin n’avait pas besoin de flatterie de la part du chevalier sous ses yeux. Quand Yvain de Gorre affirma qu’il n’y avait aucun homme suffisamment à la hauteur pour Laudine, parce qu’elle était la femme la plus admirable qu’il connaisse, qu’aucun homme n’était digne d’elle, le seigneur de Landuc ne pouvait pas s’empêcher d’y voir une fourberie de la part de son interlocuteur. Le jeune homme cherchait simplement à le brosser dans le sens du poil, à se faire plus humble qu’il ne l’était. Mais ce n’était pas ainsi que Edwin pourrait baisser sa garde. Quoi que cet Yvain lui affirmait, il considérait que sa fille ne méritait pas de se retrouver liée à tout jamais à ce jeune homme. De toute façon, elle n’avait pas pu lui pardonner. Edwin se voilait la face, il n’imaginait pas possible que Laudine puisse avoir décidé de pardonner à ce chevalier, du moins pas aussi facilement. Il valait mieux qu’il l’ignore d’ailleurs.

Et même si Edwin admettait que Laudine l’avait bel et bien pardonné, il considérait que sa fille ne ferait rien sans son accord et il était hors de question qu’il l’accorde. Sa fille ne pourrait pas défier son autorité, si c’était le cas… malheureusement il ne pourra sans doute plus rien pour elle et elle perdrait tout, lui surtout. Il n’avait aucune envie d’arriver à cette dramatique fin, mais il ne pensait de toute façon pas cela possible. Yvain de Gorre continua, affirmant qu’il était capable de rendre sa fille heureuse et que c’était ce que lui-même voulait. Edwin ne se déraidit pas encore une fois en entendant les paroles de ce jeune effronté. Ça ne marchait pas comme ça. Évidemment que Edwin voulait le bonheur de sa fille et si pour cela il devait prendre les décisions à sa place pour qu’elle évite de faire des erreurs, il n’hésiterait pas.

Mais clairement le jeune homme n’avait pas l’intention de lâcher l’affaire. Il lui affirma même qu’il était prêt à tout faire pour gagner le droit d’avoir la main de sa fille. Il lui demanda tout simplement de lui demander n’importe quoi et qu’il le ferait sans elle. Edwin était tenté de lui demander de renoncer à sa fille justement, mais il considérait que c’était trop… facile.

« Eh bien… » Edwin prit le temps de réfléchir à la demande de son interlocuteur. Le seigneur pourrait très bien balayer sa remarque d’un revers de la main, mais il se disait qu’il pouvait quand même consentir à lui accorder cette faveur. Mais sa fille méritait évidemment la plus noble des quêtes. « Très bien Sir Yvain. Si vous souhaitez me convaincre que vous êtes réellement à la hauteur de ma fille, que vous serez capable de la rendre heureuse et éventuellement de fédérer mes terres à celle de votre famille… je vous demanderais de rapporter le Saint Graal à notre Roi Arthur. »

C’était trop ? C’était le but. Cela dit, si Yvain rapportait bel et bien le Graal, clairement Edwin n’aurait pas d’autre choix que d’accepter sa valeur.

« Eh bien… »

Eh bien ? C'était plutôt un bon début, non ? Il n'y avait pas de quoi sauter de joie ou organiser un festin pour mille personnes, bien sûr, mais c'était bien la preuve que son interlocuteur avait véritablement l'intention de réfléchir. Il se contenterait de refuser d'entrée de jeu, s'il ne comptait pas faire autrement.

Yvain était naïf, pas au point non plus de se dire que la tâche serait à ce point aisé, il se doutait que ce que lui demanderait cet homme serait de l'ordre de la plus stricte impossibilité. Mais à l'heure actuelle, rien ne semblait impossible au preux chevalier. Il se sentait à même de gravir toutes les montagnes, de pourfendre tous les dragons. Il n'y avait aucun défi qu'il ne se sentait capable de relever. Mais dans l'attente...

« Très bien Sir Yvain. Si vous souhaitez me convaincre que vous êtes réellement à la hauteur de ma fille, que vous serez capable de la rendre heureuse et éventuellement de fédérer mes terres à celle de votre famille… je vous demanderais de rapporter le Saint Graal à notre Roi Arthur. »

Le bel enthousiasme d'Yvain s'évapora d'un seul coup. Le Saint Graal... Ce n'était pas faute de le chercher et d'y mettre toute son ardeur. Edwin de Landuc ne faisait jamais que lui demander ce à quoi s'appliquait déjà constamment le chevalier au lion. Mais parce qu'il y consacrait une bonne partie de sa vie, Yvain savait très bien que la tâche n'aurait absolument rien d'aisée. Voire qu'elle était impossible. Tant de temps passé à sillonner des routes infructueuses... Et si un autre trouvait le Graal avant lui ? Cette quête n'avait jamais été une compétition... Mais elle allait devoir le devenir si la main de la belle Laudine était en jeu.

Il devrait peut-être arrêter les choses là, tout simplement, se moquer de l'opinion de cet homme et enlever Laudine. Il en mourrait d'envie... mais ce qu'il désirait avant tout, c'était le bonheur de la femme qu'il aimait. Et jamais elle ne serait heureuse loin de son père.

Alors, à contrecoeur, mais avec une assurance qu'il voulait crédible, il hocha la tête.

"Très bien, j'accepte vos conditions. Mais il vous faut me promettre que vous ne marierait votre fille à personne le temps j'accomplisse ma quête. Je veux la considérer comme ma fiancée pour l'heure. Et comme ma femme quand vous m'en aurez estimé digne."

Edwin devait bien avouer qu’il était quelque peu satisfait de son petit effet. Il n’avait pas l’intention de rendre la tâche aussi facile à Yvain de Gorre, il était hors de question que ce jeune homme puisse un jour prétendre à obtenir la main de sa fille. Alors, autant lui demander une tâche impossible. Edwin avait bien envie de croire en la réussite de la quête sacrée du roi Arthur, mais il avait conscience que c’était une tâche ardue et en prime, les chevaliers de la table ronde étaient nombreux à rechercher ce Graal. Edwin espérait bien pouvoir mettre toutes les cartes de son côté pour protéger sa fille de ce chevalier au lion qui osait se permettre de venir ici et imposait ses conditions. Il imposait les siennes, qu’il jugeait plutôt impossible et se positionnait donc en gagnant.

L’homme observa donc attentivement la réaction du jeune chevalier, espérait un peu de le voir rebrousser chemin. Il avait conscience que c’était aussi le risque de jouer avec le feu et de le voir agir d’une manière bien plus… vicieuse vis-à-vis de sa fille, mais il n’avait pas l’intention de lui faciliter la tâche. Mais visiblement, ce dernier n’avait pas l’intention de baisser les bras. Edwin serra des dents en entendant son interlocuteur affirmer qu’il acceptait ses conditions, mais qu’il demandait à ce qu’il promette de ne pas marier sa fille avant l’accomplissement de cette quête. Quoi qu’il fasse, ce chevalier agaçait profondément Edwin.

« Vous pensez sincèrement arriver un jour à cette quête ? » Si c’était le cas, si Yvain de Gorre ramenait vraiment le Saint Graal à Arthur Pendragon, Edwin serait peut-être en effet dans l’obligation d’accepter que ce dernier valait plus qu’il ne le pensait. « Vous en demandez beaucoup… » Considérer Laudine comme sa fiancée ? C’était insupportable, tout simplement. Cependant, les conditions étaient claires, cet homme ne pourrait épouser sa fille qu’à condition qu’il ramenait la sainte relique au souverain de Camelot, chose qu’il ne pourra jamais faire. Edwin avait cherché à protéger sa fille en la mariant de nouveau, mais il devait bien avouer que l’idée de la garder à ses côtés n’était pas dérangeante. « Cependant, j’accepte de vous faire cette promesse. Je ne marierais ma fille à personne, vous laissant le temps d’accomplir cette quête. Mais il est acté qu’à partir de maintenant, et même au-delà de ma mort, il vous sera impossible de l’épouser si vous ne rapportez pas le Graal au roi Arthur, sous condition de trahir votre serment de chevalier. »

Il en faisait beaucoup, beaucoup trop, mais il était hors de question pour lui d’accepter que sa fille épouse un jour cet homme, alors il faisait en sorte pour que ça n’arrive jamais. Quand bien même il ne portait pas ce chevalier dans son cœur, il osait croire que ce dernier attachait une grande importance à son serment.

« Vous pensez sincèrement arriver un jour à cette quête ? »

Yvain hocha la tête. Pour Laudine, il se sentait capable d'accomplir l'impossible. Et quelle sorte de chevalier serait-il, par ailleurs, s'il estimait infaisable de mettre la main sur le Graal alors qu'il avait rejoint la table ronde en grande partie dans ce but ? Oui, bien sûr, il comprenait qu'accepter ces conditions, c'était peut-être se condamner, mais il avait beau réfléchir à n'importe quelle autre option, il lui fallait bien reconnaître que ces options n'existaient pas.

Il ne s'évertuerait que d'autant plus à la tâche, pas seulement pour son royaume et pour son roi, mais aussi pour la femme qui faisait battre son coeur, et qui méritait qu'il se batte pour elle.

« Vous en demandez beaucoup… »

Il savait, oui, qu'il en demandait beaucoup, mais Edwin de Landuc lui en demandait encore davantage. Il ne pouvait accepter les conditions de cet homme sans avoir la garantie que ce dernier respecterait les siennes. Il ne suerait pas sang et eau à la conquête de Laudine si son père devait la promettre à un autre homme.

Et s'il avait occis le précédent mari de la belle rousse, ce n'est pas pour autant qu'il avait l'intention d'en faire une habitude. Bien au contraire... il ne voulait plus occasionner tant de souffrance. Et à dire vrai, il ne voulait rien d'autre sinon le bonheur de cette femme à laquelle il avait voulu renoncer sans en être capable. Il tenait beaucoup trop à elle. Alors, pour elle, il remuerait ciel et terre.

« Cependant, j’accepte de vous faire cette promesse. Je ne marierais ma fille à personne, vous laissant le temps d’accomplir cette quête. Mais il est acté qu’à partir de maintenant, et même au-delà de ma mort, il vous sera impossible de l’épouser si vous ne rapportez pas le Graal au roi Arthur, sous condition de trahir votre serment de chevalier. »

Yvain ne savait pas s'il devait se satisfaire ou non de la réponse de son interlocuteur. Il appréciait, oui, d'entendre que Laudine ne serait plus promise à quiconque, mais rien ne garantissait pour autant qu'il puisse en faire sa femme. Est-ce qu'il ne prenait pas le risque de parler à la place de Laudine, qui plus est ? Il l'obligeait à l'attendre sans pouvoir lui promettre que cela servirait à quelque chose, ce qui signifiait par la même que s'il tardait trop, Laudine ne pourrait plus jamais devenir ni épouse, ni mère.

Il ne devrait pas parler en son nom, mais il était sûr qu'elle approuverait sa décision pour le moment. Lui se promettait de tout arrêter s'il devait trop tarder, pour ne pas condamner Laudine.

"Je vous en fait la promesse solennelle, sur tout ce que je possède de plus cher." Il adressa à son interlocuteur un regard de défi. "Et je ne romps jamais mes promesses."

Edwin avait conscience qu’il prenait quand même un gros risque à accepter la condition de Yvain de Gorre, mais en même temps… eh bien, il ne manquait pas de son côté de mettre des conditions incroyables à son interlocuteur. C’était la moindre des choses après tout, l’homme avait quand même envie d’épouser sa fille, la prunelle de ses yeux, autant dire qu’il ne pouvait pas se permettre de faire n’importe quoi. Edwin, sans la mauvaise foi dont il savait faire preuve quand il était question de Laudine, serait presque capable de se rendre compte que l’homme sous ses yeux tenait plus que tout à sa fille, sauf qu’il n’avait aucune envie de l’accepter. Mais il suffisait de voir à quel point ce dernier était prêt à tout pour épouser sa fille pour comprendre qu’il tenait vraiment à elle, qu’il était prêt à tout pour elle.

Mais ce n’était pas entièrement suffisant pour Edwin, quand bien même le seigneur de Landuc était en train d’accepter des conditions qu’il n’aurait jamais pensé accepter un jour. Sans demander l’avis de Laudine d’ailleurs, mais malgré tout l’amour qu’il avait pour sa fille, l’homme ne prenait pas forcément la peine de la consulter pour son avenir. Laudine était une femme intelligente, douce et… globalement parfaite, mais Edwin considérait qu’il savait parfaitement ce qui était bien pour elle. À ses yeux, épouser Yvain de Gorre n’était pas réellement quelque chose qu’il lui fallait, mais… eh bien, disons qu’en même temps, épouser l’homme qui ramènerait le Saint Graal au roi Arthur, ce n’était pas rien non plus.

Le jeune homme lui fit donc la promesse solennelle, sur tout ce qu’il possédait de plus cher. Edwin ne détourna pas son regard de lui, comme pour sonder son esprit dans le but de savoir à quel point ce dernier était sérieux dans sa promesse. Il semblait vraiment l’être. Est-ce que Edwin était réellement en train de condamner sa fille à une vie de femme célibataire, éternellement fiancée à un homme qui ne sera pas dans la possibilité de l’épouser, qui ne lui donnerait pas l’occasion de fonder une famille. Ainsi pourrait s’éteindre la lignée de Edwin donc, ce qui en soit n’était pas forcément une bonne chose. Mais présentement… l’homme se rassurait juste en se disant que Yvain n’aurait pas ce qu’il voulait aussi facilement.

« Si vous le dites. » Répondit-il alors, en continuant de se montrer dur avec l’homme sous ses yeux. En même temps, ce n’était pas parce qu’il acceptait de lui laisser un peu de marge qu’il avait l’intention de l’accepter comme un gendre. Pas pour le moment, il verrait bien quand il aurait appris que Yvain de Gorre était le chevalier du Graal. « En attendant que vous… parveniez à votre promesse, ne croyait pas qu’en tant que fiancé de ma fille vous aurez la possibilité de passer tout votre temps en sa compagnie. » Qu’il ne pense pas tout obtenir quand même. « J’accepterais… de vous laisser un peu de marge, mais vous n’aurez la possibilité de la voir que quand je l’aurais décidé. »

C’était déjà énorme de sa part.

« Si vous le dites. »

Le doute affiché par son interlocuteur lui déplaisait, mais il serra les dents et ne dit rien. Yvain était capable de comprendre, après tout, il était normal que son interlocuteur se montre défiant. C'était à lui de lui prouver qu'il n'avait aucune raison de se montrer à ce point défiant. Et il ferait ce qu'il faut pour que son interlocuteur finisse par le croire sur parole, et sans aucun doute possible.

En attendant, il rongeait son frein. Déjà que sa situation n'était pas enviable, il allait faire en sorte de ne pas en rajouter encore davantage. Ce serait inutile et loin de nécessaire. Non, même s'il pensait qu'il était trop tard pour changer le regard que son interlocuteur posait sur lui, il devait essayer malgré tout.

« En attendant que vous… parveniez à votre promesse, ne croyait pas qu’en tant que fiancé de ma fille vous aurez la possibilité de passer tout votre temps en sa compagnie. »

"Je ne saurais me le permettre quoi qu'il en soit. En tant que chevaliers de la table ronde et neveu du roi, le devoir m'appelle plus qu'à mon tour, n'ayez crainte."

C'était pour lui une manière de rappeler à son interlocuteur qu'il était une personnalité remarquable, qu'il était dans les petits papiers de la couronne, et avait une réputation à tenir. Ce n'était pas lui qui devrait se justifier de vouloir la main de sa fille, mais lui qui devrait le supplier de bien vouloir l'accepter. Yvain n'était pas à ce point arrogant, pourtant, mais il se sentait acculé, mis au pied du mur, alors il avançait, bien évidemment, tous les arguments qu'il pouvait afin de prouver corps et bien qu'il était dans son bon droit, et que personne n'était en droit de le lui reprocher.

« J’accepterais… de vous laisser un peu de marge, mais vous n’aurez la possibilité de la voir que quand je l’aurais décidé. »

"Très bien, j'accepte vos conditions. Je vous remercie de votre assentiment."

En vérité, il était loin d'être satisfait, mais il avait bien compris qu'il ne pouvait pas se permettre d'en demander davantage à son interlocuteur, alors il n'allait tout simplement pas avoir le choix, en fin de compte. Si, déjà, il pouvait s'occtroyer de temps à autre la possibilité de revoir Laudine, il devait s'en estimer satisfait, et il en avait conscience.