Ce que trompent les apparences... [pv Luca]

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aria ne pouvait pas dire que son travail à la taverne n'avait que des avantages. Elle en ressortait bien souvent exténuée, et si elle pouvait entendre et colporter quelques ragots intéressants, il fallait quand même considérer que la plupart n'avaient pas la moindre valeur et n'étaient jamais que des bavasseries dignes des mégères les plus abruties. Alors forcément, quand elle pouvait passer un peu de temps hors de son lieu de travail, elle ne s'en privait pas, et ce jour_là, justement, elle était libre d'occuper son temps comme elle le voulait. En fait, depuis le décès d'Obéron, elle avait même beaucoup trop de temps pour elle... Du temps qu'elle aurait pu avoir aussi avant... Elle se reprochait honnêtement d'en avoir tant gâché pour définitivement pas grand-chose.

Un jour, peut-être, elle pourrait être la femme d'influence qu'elle avait toujours été, mais au grand jour, sans devoir revêtir l'apparence dévalorisante d'une simple serveuse, mais ce moment n'était pas arrivé encore. Elle pensait même que ce jour arriverait très rapidement, mais tous ses plans avaient été ruinés dès l'instant où Ombeline d'Autice, surgie de nulle part, était entrée dans la danse. Elle le savait, elle allait devoir changer son fusil d'épaules, mais elle n'était pas encore décidée quant à la manière de faire. Elle était à vrai dire encore trop frustré d'avoir ainsi échoué.

Mais il fallait voir le positif en toute chose. Au moins, les chasseurs allaient de l'avant, et en plaçant stratégiquement Gaspard à leur tête (même si elle continuait de considérer que le vrai chef, c'était elle), elle pensait s'engager sur la bonne voie. Quoi qu'il en soit, de toute manière, ce n'était pas en se lamentant sur son sort que l'on arrivait à quoi que ce soit. C'est pour cette raison que la jeune femme décidait de positiver, et elle comptait bien profiter de cette journée loin de la taverne pour faire avancer les actions des chasseurs qui devaient frapper un grand coup pour, surtout, ne pas se faire oublier. Alors qu'elle se promenait dans les rues de la cité, elle croisa une silhouette familière, à qui elle adressa immédiatement un sourire amical, hypocrite, cela va de soi.

-Luca, je suis heureuse de te croiser. Comment vas-tu ?

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aria avait toujours su y faire, avec les hommes, du moins considérait-elle que c'était le cas. Elle n'avait pas son pareil pour les séduire. Pas forcément dans l'intention de les entraîner dans son lit, mais dans le but tout du moins qu'ils ne se méfient pas d'elle une seule seconde et la considèrent comme une femme certes ambitieuse mais malgré tout fragile, certes intelligente mais surtout vulnérable.

C'était comme cela qu'il fallait s'y prendre avec les hommes, du moins à son goût : leur faire croire qu'ils vous sont indispensables, toujours leur donner le sentiment de dépendre d'eux, d'une façon ou d'une autre, et c'était gagné. Cela obligeait, bien sûr, à supporter parfois des remarques et des comportements aux antipodes de ses aspirations, mais le jeu en valait bien souvent la chandelle, et Maria ne regrettait que rarement le résultat. Car avoir tous ces individus dans la poche, c'était en faire ce qu'on voulait, et comme c'était toujours les hommes que l'on imaginait aux postes d'importance, c'était du tout cuit.

Luca était de ces hommes que Maria n'avait pas eu trop de difficulté à séduire. Pas au sens propre, non, mais elle avait su s'en faire un ami, un homme qui encore à ce jour la considérait comme une soeur, quand bien même elle s'était autorisé à se chercher un nouveau mari sous son nez peu après la mort prématurée - et bien entendu accidentelle - de son défunt frère.

-Je dois bien reconnaître que j'ai connu des jours meilleurs, répondit-elle dans un fin sourire contrit. Elle parlait de la mort d'Obéron, bien sûr, dont il fallait bien qu'elle feigne encore d'être attristée, même si l'homme avait eu le culot d'en épouser une autre après lui avoir fait assidument la cour pendant des mois. Mais bon, elle était supposée être une sentimentale, alors. Elle poussa un léger soupir. Parfois, je me dis que je suis maudite.

Parce que les hommes de sa vie avaient tendance à mourir prématurément. Et bien sûr, la pauvre n'était que victime des circonstances. Ceci dit, concernant Obéron, c'était un fait, elle n'y était pour rien. Il faut croire qu'on l'avait coiffée au poteau, pour cette fois. C'était parfois le désagrément, quand on les choisissait trop âgés. Même si c'était aussi un avantage, bien sûr.

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aria esquissa un fin sourire quand son ancien beau-frère lui assura qu'elle n'avait absolument rien à se reprocher et qu'elle jouait seulement de malchance. S'il savait... Bon, dans le cas d'Obéron, il avait effectivement raison, ce n'était bel et bien pas de son fait si l'homme avait perdu la vie, cela n'ôtait rien au fait que la mort du vieil homme avait été dans ses plans si une autre jeune femme, dans tout l'attrait de sa fraîche et manipulatrice jeunesse, ne l'avait bottée en touche... Mais dans le cas de celui dont elle portait encore le nom... Si Luca connaissait réellement toute la vérité à ce sujet, il est certain qu'il ne se montrerait pas aussi compréhensif de son côté. Mais elle prenait tout le soin nécessaire pour qu'il ne se doute de rien, et des situations comme celle-ci semblaient lui prouver qu'elle le faisait même plutôt bien, puisqu'il ne remettait jamais en question ses propos et ne s'exaspéraient jamais de ses feintes lamentations.

Elle jouait de malchance, voilà ce qu'il retenait, et Maria espérait bien que son beau-frère continuerait de la croire et de se ranger de son côté en tenant le même discours quand elle aurait trouvé un autre prétendant sur lequel mettre le grappin, qui lui ne l'oublierait pas de l'épouser et de lui léguer sa fortune sur son lit de mort. Mais chaque chose en son temps, elle voulait laisser s'écouler quelques mois voire années avant de repartir à la charge, même si son actuelle condition de serveuse ne lui convenait guère. En attendant, elle avait les chasseurs, et en leur nom également, il était important que son interlocuteur poursuive de la tenir en grande estime. Il était destiné à faire partie de sa vie pour un bon moment, alors il fallait qu'elle parvienne à faire les choses de la façon la plus convenable possible.

-Je le sais, répondit Maria avec ce qu'il fallait d'émotion dans le regard quand Luca lui assura qu'il était là pour elle et qu'elle ne devait pas hésiter à se tourner vers lui au besoin. C'était une chose dont elle avait pleinement conscience. Et elle comptait bien s'en servir au moment qu'elle estimerait adéquat. Tu m'es déjà d'un immense soutien, tu sais. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

Toujours brosser les hommes dans le sens du poil. Toujours.

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e n'était pas toujours des plus simples que de combiner avec la famille de ses victimes, c'était une chose que l'expérience lui avait permis de constater. Quand elle décidait de mettre le grappin sur un homme (et donc sur sa fortune), elle devait veiller à ce que son entourage ne cherche pas à lui mettre des bâtons dans les roues, et ce n'était pas toujours facile. Ceci dit, elle avait aussi bien vite constater que, de manière générale, elle n'avait pas vraiment de difficultés à amadouer et convaincre les proches de sexe masculin de ses cibles. Gaspard, par exemple, lui mangeait dans la main (et pas que) alors que sa soeur elle s'était toujours défiée d'elle (ceci dit, ça ne faisait pas grande différence, puisqu'elle n'avait pas obtenu grand-chose avec les Gabet). Et Luca offrait un autre exemple, relativement similaire.

Maria constatait bien que l'homme qui avait été son beau-frère s'était beaucoup attaché à elle, et elle faisait tout ce qu'il fallait pour entretenir et renforcer ce lien. Quand Luca prenait ses mains dans les siennes, des mains qui avaient été couvertes du sang de son frère, elle ne pouvait qu'éprouver une fierté rétrospective, et un certain ravissement, il est vrai, car après tout, Luca était bel homme. Ce qui ne signifiait pas pour autant qu'elle comptait user sur lui des mêmes charmes qu'avec son précédent époux. Elle se cantonnait à un seul homme par famille, du moins pour ce qui était du mariage, sans quoi la situation devenait bien rapidement inutilement compliquée.

Elle afficha un sourire dans lequel voulait que se lise une indiscible émotion quand Luca lui assura qu'elle lui était infiniment précieuse. Tant mieux, vraiment. Maria s'arrangerait pour qu'il continue d'en être ainsi. Elle aimait être considéré précieuse aux yeux de hommes quand ces derniers n'avaient en soi de précieuse pour elle que leur fortune. Ce n'était pas seulement bon pour son ego, cela pouvait lui être profitable à plus d'un titre, et par conséquent, Maria s'arrangerait toujours pour que le discours de son interlocuteur ne varie pas d'une once.

-Ton frère serait si fier de tout ce que tu accomplis, dit Maria sans lâcher les mains de Luca, soutenant son regard. Tu lui ressembles tellement, en vérité, ajouta-t-elle simplement, toujours sans le quitter des yeux.

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n étant tout à fait objective et sans faire montre de l'hypocrisie qui la caractérisait si bien, Maria estimait bel et bien que ce que son interlocuteur estimait n'être rien de spécial aurait représenté beaucoup au regard de bien des hommes qui considéreraient son comportement comme inspirant et digne de ce nom. Il s'investissait auprès du roi (grand bien lui fasse, Maria n'avait pas réellement d'opinion vis-à-vis d'Arthur, le seul reproche qu'elle avait à lui faire concernait son laxisme concernant les créatures magiques qui l'entouraient, mais elle était intimement convaincue qu'il serait possible de lui ouvrir les yeux), et il prenait soin d'elle. Fallait-il qu'il ait d'autres qualités ?

Pas pour elle, en tout cas, d'autant qu'il avait oublié de mentionner le fait qu'il était également investi auprès des chasseurs. En bref, il cochait sans nul doute toutes les cases qu'elle estimait nécessaires, et c'était très bien ainsi. Le tout était naturel pour lui, il ne se forçait en rien, ce n'est pas pour autant que ça le rendait moins admirable. Ceci dit, elle admettait que son humilité, qui n'était même pas feinte, avait quelque chose d'assez amusante. Elle-même n'en possédait pas une once dans son tempérament, alors elle s'étonnait toujours d'en voir chez les autres. Cela dit, cela lui rendait le plus grand service, et c'était ce qui était important. Dans tous les cas, elle avait réellement le sentiment d'avoir su appuyer sur une corde sensible, et ça lui convenait parfaitement bien,, c'est rien de le dire, et c'était parfait ainsi, plus elle jouerait d'un éventuel sentimentalisme, mieux elle le garderait au creux de sa poche. Et c'était nécessaire.

Elle hocha la tête quand il lui demanda si elle trouvait qu'il ressemblait à son frère. Ce n'était pas vraiment un mensonge, elle le pensait vraiment, très sincèrement. Quand elle voyait Luca, de très nombreuses choses lui faisaient penser à feu son époux, ce qui ne lui communiquait au passage aucun sentiment particulier. Elle n'avait aucun regret ni aucune nostalgie quand elle pensait à son mari décédé. Au mieux le soulagement d'avoir su se débarrasser de lui.

-Plus que tu ne l'imagines, répondit-elle alors avec une feinte émotion dans la voix. Tu as... le même regard que lui, c'est presque troublant, parfois. Tu as son sourire, aussi, et son courage, son humilité... beaucoup de ses qualités, en fait.

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aria, au fond, pourrait aisément rejoindre l'opinion de celles et ceux qui considéraient que Luca n'avait pas grand chose de commun avec son frère. En effet, par de nombreux aspects, ils étaient loin de se ressembler, même si le sang ne trompe pas et que l'on trouvait toujours des points de ressemblance entre deux individus partageant les mêmes gènes,et ayant été élevés ensemble. Oui, ils avaient été différent, mais elle savait que la meilleure façon de toucher et d'attendrir son interlocuteur, c'était de lui faire comprendre que c'étaient les points communs qui, réellement, lui importaient.

Ils étaient réunis autour du souvenir commun d'un homme disparu, et qu'ils étaient supposés avoir aimé l'un comme l'autre, rappeler ce souvenir, c'était nouer encore plus le lien qui les unissait. Et elle y tenait. Luca, dans ses plans, tenait un rôle important, et elle voulait qu'il ne cesse jamais de lui adresser l'affection qu'il lui accordait en cet instant, la considération qui leur était toute adressée. L'homme lui affirma apprécier son discours, et là encore, Maria ne doutait pas une seule seconde de la sincérité de son discours. Autant dire que ça l'arrangeait plus que grandement.

Elle afficha un fin sourire, empreint d'une émotion toute calculée, quand l'homme lui assura comprendre pourquoi son frère l'avait tant aimé. Oui, il comprenait sans comprendre, car elle avait surtout usé des mêmes procédés de manipulation dont elle faisait usage maintenant pour s'attirer les bonnes grâces de son interlocuteur. Et dans ses bonnes grâces, elle ne doutait pas un seul instant de l'être; Tout ce qu'elle faisait dorénavant, c'était avant tout et surtout s'assurer qu'elle le demeure.

-Ca me fait du bien de parler de tout ça avec toi... J'ai l'impression de le retrouver un peu, répondit-elle doucement, qui continuait de vouloir appuyer autant que possible, encore et encore, sur la corde sensible. Il me manque vraiment beaucoup... Quand Obéron est entré dans ma vie, je me suis dit que je réussirais à aimer de nouveau mais ton frère restera pour toujours l'homme de ma vie. Il ne se passe pas un jour sans qu'il me manque.

Il ne se passait pas un jour, plutôt, sans qu'elle soit ravie, au souvenir de son union passée, d'y avoir si brillamment mis un terme. Ce qu'il avait pu l'ennuyer, cet homme... Son frère avait déjà davantage de charme et de conversation. Mais que refuserait-on à une veuve éternellementt éplorée, après tout ?

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l ne fallait dans les faits pas réellement compter sur Maria pour pleurer son défunt époux, en dépit de tout ce qu'elle pouvait prétendre, mais elle savait que jouer les veuves éplorées de temps à autre était se rendre à elle-même un fier service. Rien de mieux que de passer pour une femme brisée et sensible pour s'attirer la douceur et la sympathie de tous les hommes de son entourage. Et dans le cas de Luca, cela fonctionnait d'autant plus que ce dernier avait une attache émotionnel plus forte avec son passé que n'importe qui d'autre. Maria savait comment l'avoir dans la poche, tout simplement, et elle ne s'en privait bien évidemment pas. D'une manière ou d'une autre, cela finirait par lui servir. En fait, cela lui servait même déjà.

Elle esquissa un fin sourire, volontairement teinté de tristesse, quand son interlocuteur lui assura regretter que les choses ne se soient pas passé comme elle l'aurait voulu avec Obéron. Elle ne savait pas s'il était totalement sincère, si au fond il n'appréciait pas que Maria n'ait pas pu remplacer son défunt époux si rapidement que cela, mais le fond de sa pensée importait peu. Ce qui comptait, c'est qu'elle avait son soutien quoi qu'il en soit. Et elle en bénéficiait autant qu'elle en abusait.

Oh oui, il n'avait pas à s'inquiéter, en effet, beaucoup d'autres hommes tomberaient sous son charme, Maria y comptait, en tout cas. Elle était loin d'avoir fini ce qu'elle avait commencé, et elle avait bien l'intention de continuer dans cette droite lignée. Pour ce qui était d'aimer à nouveau, encore faudrait-il que Maria ait déjà aimé pour commencer, et ce n'était pas vraiment le cas. Elle n'avait pas aimé le frère de Luca, elle n'avait pas aimé Obéron, elle n'avait aimé aucun de ses amants ni n'aimerait aucun des hommes qui lui passeraient la bague au doigt. Trop de complications, elle préférait très largement s'épargner cela.

-C'est déjà arrivé, répondit-elle sans perdre son fin sourire quand Luca suggéra que personne de sensé ne lui résisterait. Et pourtant, Obéron lui avait préféré la jeunesse (elle le vivait toujours aussi mal), et elle n'allait pas prétendre non plus avoir fait mouche avec tous les hommes qu'elle avait cherché à courtiser. Même si elle avait plus d'un tour dans son sac. Je ne me leurre pas, je ne suis plus la femme qui a rencontré ton frère. Le temps ne fait pas de cadeaux au sexe faible.

Et voilà comment on partait à la pêche aux compliments.

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l n'y avait rien de mieux pour flatter l'égo de Maria qu'une conversation avec Luca. Elle aimait l'entendre la complimenter. La jeune femme avait constamment besoin non pas d'être validée, mais du moins d'être admirée et flattée, et elle pouvait compter sur son interlocuteur. Oui, elle savait qu'elle était belle, elle savait qu'elle était loin d'avoir perdu tous ses charmes. Certes, elle se doutait que l'âge finirait par lui porter préjudice, à un moment ou à un autre, la beauté restait affaire de jeunesse, même si elle avait tout de même des qualités autres également, dignes de ce nom et dignes de plaire. Tout de même, il était plaisant d'entendre qu'elle avait de beaux jours devant elle, et de nombreuses possibilités.

Elle n'avait aucune intention de ne jouer uniquement de son physique, elle avait bien plus de qualités à revendre qu'il n'y paraissait. Mais c'était son apparence que l'on regardait, tout d'abord. Et son joli minois donnait d'elle une image qu'elle s'amusait à ne pas toujours détromper. C'était simple parfois de prétendre être juste belle, on se méfiait moins. Tout comme, naturellement, c'était simple aussi de se cacher derrière le fait qu'elle était une femme. Bref, les compliments de Luca lui faisaient plaisir, la brossaient dans le sens du poil. Il lui disait exactement ce qu'elle avait envie d'entendre. Tant mieux, elle aurait été déçue et vexée dans le cas contraire.

-Je te remercie, répondit-elle dans un sourire qui reflétait une humilité qui n'était que de façade, car en réalité, Maria n'en ressentait pas la moindre, l'humilité ne faisait pas partie de ses attributions. Mais le mensonge, en revanche, était largement dans ses cordes, et elle ne s'empêchait pas d'en user et abuser. Ta présence et ton soutien me font un bien que tu n'imagines même pas. Et j'en ai vraiment besoin, ces derniers temps.

Elle prenait le soin de se donner les allures d'une femme forte et digne, qui ne reculait devant rien ni n'avait peur de quoi que ce soit... et c'était ce qu'elle était, mais elle voulait que son interlocuteur s'imagine qu'il ne s'agissait là que d'une carapace, et qu'il y avait autre chose, bien autre chose.

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aria appréciait entendre Luca lui assurer une fois encore qu'il serait toujours présent pour elle. La vérité, c'est qu'elle n'en doutait pas réellement. Peut-être qu'elle avait un peu trop confiance en elle-même et en son aptitude à endormir son entourage, c'est un fait, mais peu importe. Jusqu'ici, l'expérience ne lui avait pas réellement donné tort. Elle ne rencontrait pas vraiment de difficultés à se mettre les autres dans sa poche... enfin, plus précisément les hommes, la gent féminine se révélait toujours plus exigeante et difficile à convaincre mais peu importe, ces demoiselles ne l'intéressait pas réellement.

Elle tenait simplement à garder une influence, même un moment, sur ceux qui l'entouraient. Ce n'était pas contre eux, pourtant. Par exemple, elle appréciait plutôt la compagnie de Luca, et elle n'avait pas vraiment besoin de prétendre faire mine d'apprécier sa compagnie. Mais elle demandait plus qu'une affection réelle. Elle voulait de la dévotion, elle voulait être importante au regard des autres, et tant que son entourage lui conférait ce sentiment d'importance, alors elle se sentait bien, elle se sentait unique. Alors c'est sûr, elle aimait entendre Luca lui affirmer qu'il serait toujours là pour elle, à plus forte raison qu'elle savait que ce n'étaient pas des paroles prononcées à la légère. C'était quelque chose qu'il pensait bel et bien, c'était une promesse qu'il lui faisait. Et qu'elle lui rappellerait de tenir en temps voulu si nécessaire, elle s'en ferait même le plus grand plaisir.

-Je n'en ai jamais douté, afirma Maria, toujours bien décidée à caresser son interlocuteur dans le sens du poil, exercice dans lequel elle excellait, bien évidemment. J'ai remis bien des choses en question, dernièrement, mais s'il y a bien une chose qui n'a, en revanche, jamais varié, c'est la confiance et l'affection que je te porte. Je te confierais ma vie sans hésiter.

C'était excessif, cela va sans dire, mais peu importe, en réalité. Ce n'était pas bien important. Cela faisait partie du jeu, et si l'on devait estimer qu'elle en faisait trop, elle pourrait toujours brandir la carte de la pauvre femme fragile qui avait simplement besoin d'être entourée, qui avait le besoin manifeste d'être aimée. Ce qui était le cas par certains aspects. Mais pas pour les raisons qu'elle invoquait.

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l était sincèrement agréable de savoir certains hommes capables de la protéger et de la servir dès l'instant où elle le demanderait. Elle n'avait pas de besoin réel d'entretenir cette sorte de relation avec Luca, et pourtant, elle n'envisagerait certainement pas de s'en priver. Pas seulement parce qu'il pouvait toujours être utile de pouvoir compter sur le dévouement d'une autre personne, mais tout simplement parce que son ego qui avait régulièrement besoin d'être satisfait s'en voyait singulièrement revigoré.

Elle se trompait peut-être sur le compte de Luca, mais elle ne le pensait pas, elle osait penser qu'il avait effectivement toute confiance en elle et pensait leur respect et leur affection parfaitement mutuels. Ce qui l'arrangeait très largement, évidemment. Il ne devrait pas lui faire confiance, et au vu de ce qu'elle avait fait subir à son frère, il ne devrait certainement pas lui consacrer une place privilégiée dans son coeur. Et pourtant, malgré tout, elle comptait bien s'arranger pour ne pas être délogée de cette place particulière, voire pour y prendre plus d'importance, tant qu'à faire. C'était ainsi qu'elle fonctionnait et avait toujours fonctionné. Ce n'était pas prêt de changer.

-J'en suis flattée... et heureuse, répondit-elle avec humilité. Mais j'ai le sentiment d'accaparer toute la conversation, tu m'as à peine parlé de toi depuis tout à l'heure.

Et ça n'avait pas spécialement été pour lui déplaire, en réalité. Maria ne se lassait jamais de parler d'elle-même et avait autrement plus de difficultés à s'intéresser aux autres. Cema pouvait arriver parfois, rarement, presque sur un malentendu, en réalité, mais elle ne trouvait d'intérêt à se focaliser sur la vie des autres que parce qu'elle savait que chaque information pourrait se révéler exploitable, d'une façon ou d'une autre, et parce qu'elle savait qu'elle n'était pas la seule à aimer être brossée de le sens du poil.

Il ne fallait pas se leurrer, même les individus prétendument les plus modestes n'étaient jamais insensibles à la flatterie, ou alors Maria serait d'avis qu'ils n'étaient pas humains. C'était dans la nature de chacun de réagir ainsi et de percevoir les choses de cette manière. Rien de mal là-dedans. Il fallait juste réussir à faire cohabiter tous ces egos ensemble, et cela... disons que c'était une autre affaire.

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aria n'avait nul besoin, en vérité, d'être rassurée quant au fait qu'elle accaparait ou non la conversation. Elle adorait être au centre de l'attention, et ne faisait jamais que prétendre la rendre aux autres sans forcément le vouloir ni l'encourager. Cela l'arrangeait tout à fait que l'on ne parle que d'elle, quand bien même elle reconnaissait l'intérêt qu'il pouvait y avoir à entendre ce que les autres pouvaient bien avoir à dire. Ce n'était pas pour rien qu'elle prenait grand soin de laisser traîner ses oreilles à la taverne et chercher toujours à récupérer au vol des bribes d'une discussion édifiante. La meilleure façon de rester en pôle position, c'était de jauger ceux qu'il y avait autour de nous. il devenait plus simple d'exploiter leurs failles, d'observer et d'apprécier leurs atout. Alors oui, elle voulait tout de même savoir ce qui se tramait dans la vie et dans l'esprit de Luca, même si ce dernier estimait manifestement qu'il n'y avait rien à savoir.

Maria n'était pas de cet avis, et elle ne comptait pas, du moins, se contenter de la réponse qu'il lui accordait. Elle voulait bien croire qu'il estime honnêtement que rien ne se soit passé dans sa vie qui mérite d'être raconté, mais le diable se dissimulait dans les détails, c'était chose bien connu, et même l'événement le plus anodin pouvait dissimuler, en réalité, une vérité bien plus dense et importante. Et les événements anodins avaient aussi le mérite de ponctuer n'importe quelle conversation. La serveuse n'était même pas vraiment difficile, elle serait même capable de se contenter d'anecdotes toutes simples.

-Sans parler d'événement majeur, tout ce que tu me racontes a toujours le don de m'intéresser, tu sais, affirma-t-elle en prenant bien évidemment grand soin de brosser son interlocuteur dans le sens du poil. La flatterie était presque une seconde nature, chez elle, et au bout d'un moment, elle pouvait effectivement se révéler payante. Encore que dans le cas de Luca, elle se contentait surtout d'entretenir une connivence qui lui convenait parfaitement. Allons, dit-elle en lui adressant un sourire complice. Tu n'as vraiment rien à me raconter ? Pas même une toute petite anecdote ?

Elle n'insisterait pas s'il devait lui répondre que non. Mais ça ne coûterait rien.

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aria n'était pas vraiment étonné de la réponse de son interlocuteur. Certaines personnes menaient les vies les plus médiocres qu'on puisse imaginer (la serveuse en voyait très clairement passer plus d'une à la taverne, et supporter leurs bavardages inutiles était bien souvent un supplice. D'autant plus que c'était de ceux qu"elle demandait le moins qu'elle obtenait bien souvent le plus), cela ne les empêchait pas d'en parler, encore et et encore, comme si c'était fascinant. Ceux, en revanche, qui avaient un parcours de vie exceptionnel qui supposait forcément une vie héroïque ou mouvementée, étaient généralement peu bavards, parce que, bien souvent, ils n'avaient en fait pas conscience du caractère exceptionnel, justement, de leurs existences.

Luca appartenait à cette seconde catégorie, et Maria le savait très bien. L'homme ne pouvait prétendre avoir une vie banale. Certes, il n'était pas marié, il n'avait pas d'enfants, il semblait avoir une vie sociale limitée... Mais en dehors de cela, il était chevalier de la table ronde, l'un des hommes les plus respectés de tout le royaume, de fait. Il en parlerait presque comme d'une affaire banale, pourtant, le roi avait demandé à le voir, il avait requis personnellement sa présence, ce n'était pas rien, loin de là. D'autres tueraient sans doute père et mère pour un tête-à-tête avec Arthur Pendragon. Il avait donc demandé à le voir, sans doute dans le but de lui faire accomplir une nouvelle mission, lui même n'en savait trop rien pour l'heure. Le carachère de cette mission laissait Maria songeuse. Saisie de curiosité, elle avait très envie d'en savoir plus. Mais difficile malgré tout d'interroger le chevalier à ce sujet alors que lui-même était dans l'expectative.

-Et tu m'en parles comme si ce n'était rien ! répondit Maria dans un sourire amusé, celui dont elle se servait bien souvent pour flatter les incorrigibles. Tu dois être impatient d'en apprendre plus. J'espère tout de même que cette nouvelle quête ne te conduira pas trop loin de moi, ajouta-t-elle alors, pour ne pas perdre ses mauvaises habitudes. Et qu'elle ne sera pas trop dangereuse, acheva-t-elle en prenant un air sincèrement inquiet.

Ce qu'elle espérait, surtout, c'est que Luca ne lui cacherait rien de la nature et de l'issue de sa quête. Elle avait besoin de satisfaire sa curiosité.

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aria afficha un sourire quand Luca lui promit de lui donner plus d'informations dès qu'il en aurait au sujet de la quête qu'allait lui confier Arthur Pendragon. Impossible de savoir à l'avance si ces informations allaient lui servir, mais même si elles ne devaient avoir aucune forme d'utilité concrète pour elle, ce n'était pas bien grave, au fond, elle aimait tout savoir, sur tout et sur tout le monde, et avoir une vision globale de n'importe quelle situation, cela lui donnait le sentiment de pouvoir avoir un minimum de prise sur les circonstances, cela lui donnait l'impression de garder le contrôle.

Et quand il était question des personnes qui lui étaient proches, et concernant lesquelles elle tenait absolument qu'elles lui restent proches, c'était encore plus important, c'était une manière de garder une certaine emprise sur elles, et sans cette emprise, Maria avait tendance à se sentir beaucoup trop démunie. En tous les cas, Luca n'affichait aucune hésitation à l'idée de lui parler dans le détail, et c'était une chose que la serveuse ne pouvait qu'apprécier. Pour lui, cela semblait naturel. Et si c'était naturel pour lui, alors c'était bénéfique pour elle.

- Je ne dirais pas que ton absence m'effraie, répondit-elle, ravie qu'il rebondisse sur ses propos.

Pour elle, c'était l'occasion de jouer ses cartes, et forcément, c'était tout sauf pour lui déplaire. Non, son absence ne l'effrayait pas, elle savait s'entourer mais n'avait en vérité besoin de personne. Il était préférable de ne compter que sur soi-même quand on voulait que les autres dépendent de soi, mais pour ce faire, il fallait savoir transmettre des messages concrètes à tout ce qu'on pouvait bien s'imaginer.

-En revanche, ta présence me manque quand tu n'es pas là.

Ce n'était pas entièrement vrai, mais en même temps, la présence de Luca était loin de lui déplaire. Dans le cas contraire, elle ne s'embarrasserait pas, pas même une seule seconde, de sa compagnie. Si elle le gardait à proximité, c'est qu'elle le voulait bien, c'est qu'elle lui trouvait de l'intérêt, et à plus d'un titre. Mais le signaler avec des mots n'était pas un acte anodin, bien évidemment. Pour elle, c'était une façon de donner à son interlocuteur le sentiment d'être indispensable à sa vie. Pourqu'il le reste, et qu'il cherche à continuer d'être indispensable quoi qu'il advienne.

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