Il est temps d'agir (Maria)

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aria était suspendue aux lèvres de Gaspard, elle adorait ce qu'elle voyait chez son interlocuteur. Elle avait deviné en lui plus de hargne et de motivation que chez son père, et elle appréciait de voir cela lui être confirmé. Que Gasaprd soit force d'initiative, capable de fédérer les chasseurs autour de lui, était une excellente chose, vraiment, même si elle devait s'assurer dans le même temps que Gaspard lui reste loyal, et se laisse gentiment manipuler par elle. Dans tous les cas, ce n'était qu'un début, et seul le temps lui apprendrait à quoi ressemblerait très précisément l'ordre nouveau dans lequel ils étaient en train d'évoluer. Elle était en phase d'observation. Si elle devait constater quelques ajustement, Maria parviendrait à un palier, elle n'avait aucun doute. La serveuse écoutait donc religieusement son interlocuteur, et elle ne fut pas déçue d'entendre ce qu'il avait à lui dire.

Il commença à lui apprendre qu'il comptait s'entretenir personnellement avec toutes les personnes qui avaient été recrutées par Obéron. C'était une bonne chose, en effet. Tester la loyauté de leurs ouailles pourrait de toute évidence être une bonne chose, surtout à l'heure où il allait leur falloir s'assujettir à un autre maître. Maria n'avait pas réellement de doute concernant les chasseurs qui avaient rejoint leur cause... Et ce n'était pas pour rien, Obéron avait peut-être procédé au recrutement en direct, mais à chaque fois, c'était Maria qui lui avait soufflé à l'oreille quel membre il serait bon ton de recruter ou non. Elle pouvait s'être trompée à certains moment, mais elle ne le pensait pas, pour sa part...

Ceci dit, un tour d'horizon, pour s'assurer que les ambitions des uns et des autres n'avait pas flanché, avant même de songer à recruter d'autres membres, semblait être d'excellent ton, en effet. C'était la vérité, ils n'avaient pas besoin de brebis galeuses. Le mot était fort mais il ne dérangeait pas Maria. Gaspard avait l'intention d'agir avec poigne, ça allait évidemment dans leur sens, d'avoir un leader plus charismatique et plus menaçant que le précédent. Il couperait potentiellement court à toute éventuelle insubordination, à tout possible sabordage.

-Y en aurait-il donc parmi nous que tu considèrerais comme des brebis galeuses ?

Les mots étaient forts, et Maria se disait que ça n'avait pas été pour rien qu'il les avait choisis. Les mots avaient un sens, toujours, et elle se demandait par conséquent si celui qui avait manqué de devenir son beau-fils avait des doutes, des soupçons sur les personnes qui l'entouraient. Maria ne corroborerait peut-être pas le discours de son interlocuteur, mais elle resterait tout de même particulièrement curieuse de l'entendre. Eviter la discorde au sein du groupe était important, bien sûr, mais Maria ne négligeait jamais rien de tout cela.

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aria hocha la tête avec gravité quand son jeune interlocuteur, décidément très impliqué (chose qu’elle aimait tout particulièrement découvrir chez lui, car c’était très exactement ce qu’elle avait attendu de sa part, évidemment), lui affirma qu’il ne pouvait pas prendre le risque de donner aveuglément sa confiance à tous sans admettre qu’il puisse y avoir quelques brebis galeuses dans leurs rangs. Elle était du même avis. La dernière chose qu’ils puissent vouloir, c’était que l’un ou l’autre traître ne vienne grossir leurs rangs et contrecarrer leurs projets. Bien sûr, ils ne pouvaient pas se protéger entièrement de cette éventualité, mais faire preuve du maximum de vigilance était d’ores et déjà une excellente manière de prévenir ce genre de comportement, bien évidemment inacceptable. En ce qui concernait Maria, elle pensait que tous les chasseurs avaient été sélectionnés avec beaucoup de soin (notamment parce qu’elle avait eu son mot à dire à chaque fois, même si Obéron ne s’en était pas forcément rendu compte – ni lui ni personne d’autre, d’ailleurs).

Alors forcément, elle se sentirait presque un peu vexé quand elle entendait Gaspard lui affirmer qu’il n’avait pas confiance dans tous les choix que son père avait faits précédemment. Cela pouvait venir d’une simple intuition, c’est certain, mais en même temps, et même si cela ne flattait pas son ego, elle préférait que Gaspard soit vigilant et force de décision plutôt que de ne jamais remettre quoi que ce soit en question. Peut-être que cela le rendrait un peu moins malléable que ne l’avait été son père, malheureusement, mais c’était un risque à prendre quoi qu’il en soit. Et puis, elle pensait tout de même garder ne très bonne (ou mauvaise, c’était une affaire de point de vue) sur le jeune homme. Cette conversation en disait déjà long à ce sujet. Au moins, avec le jeune chevalier à la tête des chasseurs, leur situation avait de bonnes chances d’évoluer plus drastiquement, et surtout plus rapidement.

Maria afficha un léger sourire quand son jeune interlocuteur lui affirma qu’il avait du mal à apprécier certaines personnes. De sa part, c’était un doux euphémisme, elle connaissait Gaspard depuis bien assez longtemps pour savoir qu’il était très difficile d’entrer dans les bonnes grâces du jeune homme. Il avait un seuil de tolérance très bas… avec à peu près tout le monde. Et la serveuse devait bien reconnaître qu’elle trouvait que cela faisait partie de son charme. Pas la meilleure qualité quand on voulait fédérer les foules et éviter les mutineries, ceci dit, mais ça c’était une autre affaire.

-C’est quelque chose que j’avais cru remarquer, en effet, observa Maria avec légèreté. A moi, tu feras bien le plaisir de me donner le nom de ces personnes que tu n’apprécies pas, n’est-ce pas ? Je pourrais peut-être sonder leur loyauté en ton nom.

Elle pouvait bien faire valoir le fait qu’elle souhaitait lui rendre service, elle devait tout de même admettre que sa curiosité malsaine jouait un grand rôle dans son intention d’en apprendre plus. Elle devait toujours en savoir plus.

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aria était prête à prendre note mentalement de la moindre information que lui communiquerait son interlocuteur. Ils se trouvaient à un tournant de leur cause, et à un tel tournant, tout comptait, tout avait de l'importance, et rien ne devait être négligé, absolument rien. Maria en avait bien conscience et avait la ferme intention d'agir en conséquence. Laisser les rennes à Gaspard, c'était tout de même s'assurer qu'il n'en ferait pas n'importe quoi, et pour cela, la serveuse avait tout intérêt à écouter tout ce que Gaspard avait à lui dire, et à influencer son jugement si nécessaire. Dans cette situation comme dans n'importe quelle autre, elle estimait être celle qui tirait les ficelles, même si elle ne le montrait pas pour autant, et elle avait la ferme intention de le prouver une fois de plus. Ou du moins de se le prouver à elle-même, puisqu'il y avait tout intérêt à ce que les chasseurs, Gaspard y compris n'en aient pas connaissance.

Il lâcha pour commencer le nom de Parelois. Maria n'avait pas d'opinion arrêtée à son sujet, à vrai dire, et elle était d'autant plus prête à entendre ce que son interlocuteur pourrait avoir à lui apprendre à son sujet, ce qu'il avait constaté ou non. Elle ne se satisferait pas de l'opinion de Gaspard pour se faire la sienne, mais cela pourrait du moins l'aiguiller un minimum, ce qui ne serait pas un moindre luxe, loin de là. Il le trouvait étrange, mais Maria comprit bien vite qu'il n'était pas nécessaire de demander en quoi à son ancien amant. Ses raisons étaient évidentes. Maria retint une grimace en entendant Gaspard préciser que Parelois était trop proche de sa soeur.

C'était donc de cela qu'il s'agissait : de jalousie bien évidemment mal placée. Gaspard était beaucoup trop protecteur envers Giselle, c'était une chose que Maria avait déjà remarquée, et qu'elle n'appréciait absolument pas. Elle fermait les yeux là-dessus tant qu'elle estimait pouvoir se servir de cet amour fraternel à ses propres fins, mais elle souhaitait que cette situation ne finisse pas par devenir problématique, d'une façon ou d'une autre.

Malgré la subjectivité évidente de Gaspard, Maria décidait tout de même de prendre bonne note de son propos, en grande partie parce qu'il y avait sans doute un fond de vérité dans ce qu'il affirmait. Il était bien possible que Parelois ait des vues si Giselle, et si c'était le cas, cela lui donnait un moyen de pression idéal sur cet homme. Forcément, Maria avait l'intention de se servir de cette information.

-Très bien, j'irai lui parler et m'assurer que sa loyauté est... au bon endroit, dit-elle d'un ton qui se voulait parfaitement rassurant, même si elle n'était pas totalement honnête dans ses propos. Y a-t-il d'autres noms en dehors du sien que tu voudrais me donner ?

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aria devinait que si Gaspard voulait lui communiquer le nom de tous ceux qui lui inspiraient ne serait-ce qu'un minimum de défiance, il finirait par nommer l'ensemble des chasseurs qui avaient rejoint leur groupe. C'était dans son caractère, et quelque part, c'était tant mieux. Dans leur situation, il était impératif qu'ils se tiennent à l'abri de toutes manigances, de toute trahison ou encore de toute tentative de mutinerie, et donc il valait mieux que le jeune homme garde un oeil attentif à tous ceux qu'il n'estimait pas forcément digne, même s'il serait dans son intérêt de le faire... subtilement, en bref d'apprendre à faire preuve de plus de diplomatie. De la diplomatie, elle en avait à revendre, mais lui en manquait singulièrement. Oui, ça faisait partie de son charme, quelque part, mais d'un autre côté, Maria trouvait bien souvent que ce pourrait également devenir plutôt dangereux pour eux en fin de compte.

Maria afficha une fine esquisse de sourire en entendant Gaspard suggérer qu'elle aille parler à tous les chasseurs individuellement, afin de les rappeler à leur devoir et surtout de leur faire prendre conscience de l'imminence de leur combat qui allait bientôt prendre la plus grande des ampleurs. Elle était sûre et certaine qu'elle serait parfaite dans cet exercice. C'était une chose qu'elle faisait déjà au quotidien, et que Gaspard lui attribue ce rôle prouvait bien qu'elle avait davantage la trempe d'un leader que lui. Malgré tout, elle considérait que c'était lui, le chef, et si c'était elle qui venait parler à tout le monde, cela enverrait à coup sûr un message contradictoire à leurs membres. Elle n'allait pas totalement contrarier ses directives, mais elle comptait tout de même le lui faire remarquer.

-Je veux bien aller leur parler si tu me le demandes, mais je crois, Gaspard, que ce devrait être ton rôle. Si tu veux vraiment t'imposer à la tête des chasseurs, il va te falloir apprendre la diplomatie, même envers ceux qui te déplaisent, surtout envers ceux qui te déplaisent. Il faut que tu parviennes à les fédérer, il faut que tu saches leur donner envie de se rassembler autour de toi. Si tu te sers de moi en tant que porte-parole, je ne suis pas sûre que le message passe vraiment comme il se devait. Si tu veux, nous pouvons aller leur parler ensemble, ainsi j'arrondirais les angles si nécessaire ?

C'était sa suggestion, et elle lui semblait plus efficace. Elle n'avait pas la science infuse, bien sûr, mais c'était ainsi qu'elle estimait pouvoir tirer les ficelles du mieux possible, c'était ainsi qu'elle pensait véritablement être capable de conduire le jeune homme sur un chemin pavé d'or, où il ferait une différence, où ensemble ils pourraient pour de bon débarrasser ce monde de la magie.

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aria hocha la tête quand Gaspard répondit favorablement à sa suggestion d'être présente à ses côtés au moment T afin d'arrondir les angles comme il se devait. Elle aurait beau prétendre le contraire pour faire bonne mesure, cette situation l'arrangeait bien. Elle ne pouvait pas prendre la tête des chasseurs, ce n'était ni stratégique, ni judicieux, et personne ne la voudrait véritablement dans ce rôle, en revanche, elle pouvait asseoir une position tout aussi cruciale : en étant la seconde officielle de celui qui menait les opérations, elle gagnait d'office et très naturellement en autorité, personne ne serait en mesure de contester son pouvoir, et elle pourrait de ce fait prendre davantage de décisions, chose qu'elle avait la ferme intention de faire au demeurant. Il fallait, pour que les choses se déroulent au mieux, que Gaspard passe pour le chef et l'ordonnateur de tout, mais le rôle qu'elle comptait jouer pour sa part n'avait absolument rien de passif, et pouvoir s'imposer dans ce rôle, donc, était une chose qui avait le don de la satisfaire au plus haut point, au plus haut degré.

-La diplomatie n'est pas innée chez grand-monde, à dire vrai, contrairement à ce que l'on pourrait croire. La plupart des plus grands orateurs, des plus grands diplomates, le sont devenus parce qu'ils ont su tenir leur langue au moment opportun, cela ne signifie pas pour autant qu'ils n'ont pas dû prendre sur eux. Il faut savoir adapter son caractère à ses interlocuteurs, c'est là que réside l'assurance d'une autorité pérenne, et je ne doute pas que tu sois capable de cela. Elle lui adressa un sourire. Tu as du charme, du charisme... tu as tout pour toi, Gaspard, et tu es entièrement à même de réussir tout ce que tu entreprends.

Raison pour laquelle, quand Gaspard émit des doutes quant au fait qu'on accepterait de se rallier autour de lui, elle balaya ces doutes d'un revers de la main. Oh, il était pourtant évident que beaucoup feraient clairement grise mine au moment d'apprendre le nom de leur nouveau leader, mais ils n'auraient pas d'autre choix que de s'y contraindre et de plier l'échine, un point c'est tout, et que cela leur plaise ou non.

-Ceux qui devraient être réfractaires à ton autorité devront être contraints de revenir sur leur position, voilà tout. Elle marqua une pause. On ne peut être aimé de tout le monde. Gaspard, il serait plus qu'utopiste de le penser. En revanche, on peut se faire obéir de tout le monde, de cela je suis intimement convaincue. Et tu possèdes cette autorité naturelle en toi, elle fait partie de ton identité, je n'ai aucun doute là-dessus.

Elle le caressait dans le sens du poil, c'est l'évidence, mais cela ne signifiait pas qu'elle ne croyait pas sincèrement ce qu'elle disait pour autant.

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u n'as pas à me remercier de ne jamais te dire que la vérité, répondit Maria d'un ton sincère, car c'était ce qu'elle pensait bel et bien. Certes, il était évident qu'elle brossait son interlocuteur dans le sens du poil, elle flattait son ego dans l'espoir d'obtenir quelque chose de sa part, mais cela n'invalidait pas pour autant les paroles qu'elle prononçait, bien au contraire. Maria pensait sincèrement chacune d'entre elles, car en effet, elle estimait que Gaspard avait l'étoffe d'un leader, ce qui ne signifiait pas pour autant qu'elle devait lui épargner ses encouragements. Au contraire, c'étaient eux qui le galvaniseraient et l'encourageraient à aller toujours plus loin, plus loin même qu'il ne s'en était senti capable en premier lieu d'ailleurs.

Elle était satisfaite, par ailleurs, des compliments qu'il lui adressait en retour. Ils lui donnaient la preuve qu'il avait conscience de l'importance qu'il pouvait avoir, et elle espérait bien qu'il ne la laisserait pas sur le bas côté quand viendrait le moment de briller par ses talents de chefs de groupe. Maria tenait à sa place privilégiée, et elle faisait ce qu'elle estimait devoir pour la conserver.

C'était clairement une chose importante à ses yeux, et qui ne cesserait jamais de l'être, raison pour laquelle elle se permit de froncer les sourcils quand il ajouta qu'il osait espérer pouvoir toujours compter sur elle, comme si la possibilité qu'elle le trahisse était chose envisageable. En réalité, ça l'était, car l'avenir n'était jamais tout tracé, et Maria irait toujours où allait son intérêt, mais en l'occurrence, il n'avait franchement pas à s'en faire, en aucune manière. Elle appréciait les choses telles qu'elles étaient, et dans son propre intérêt, elle avait plutôt intérêt à demeurer à proximité de ce qu'elle avait pris tant d'effort à façonner, elle estime même que c'est une chose primordiale.

-Tu émets donc la possibilité que je puisse m'éloigner et te trahir un jour ? Crois bien que l'une et l'autre de ces propositions m'attriste profondément, fait-elle avec une moue faussement dépitée, en baissant le regard comme pour ajouter au caractère dramatique de ses paroles. Gaspard, je suis quelqu'un de terriblement loyal, crois-bien que tu n'as rien à redouter me concernant. Elle marqua une pause. La seule occasion que tu auras de me voir m'éloigner sera à ma mort, et je veux croire qu'en dépit de mon grand âge, il me reste tout de même un certain nombre d'années à vivre, ajouta-t-elle d'un ton qui ne tolérait aucun forme d'équivoque. En bref, on ne se débarrasse pas de moi si facilement, ajouta-t-elle avec un léger sourire en coin qui voulait absolument tout dire.

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